Loto du patrimoine : Stéphane Bern sauve châteaux, beffrois, forts, abbayes… et aussi l’honneur !

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Le nom, déjà… Loto sent le bar PMU enfumé et la salle des fêtes derrière l'église, avec ses retraités attablés qui crient « Quine ! » quand ils ont rempli leur carton. Patrimoine évoque transmission, terre, pierres et ancêtres.

Et puis celui qui l’a initié… s’il fallait trouver un seul juste, dans le Macronland, ce serait probablement celui-là : Stéphane Bern. Fils spirituel de la baronne Staffe et de Léon Zitrone, qui n’aime pas, lui, notre pays comme une start up sise dans un open space, mais comme un formidable lieu d’éclosion architecturale, artistique, culturelle et spirituelle, patiemment mûri, embelli, détruit parfois mais éternellement reconstruit, encore plus épanoui, chaque génération hissant sa pierre sur celle de la précédente - avec sa philosophie, sa science, sa foi, son espérance propre - comme une flèche de cathédrale que l’on fait tendre vers le ciel, parce que l’enjeu n’est pas qu’esthétique : ce que l’on voit est l’écrin de l'esprit français. Les pessimistes disent que celui-ci a disparu, qu’il est mort et enterré. Mais il rôde encore et, comme tous les fantômes, il habite les ruines.

Quand Christophe Castaner s’émeut, sur Twitter, du saccage par des gilets jaunes du temple des francs-maçons de Tarbes, commentant avec la subtilité qui le caractérise "après les juifs, les francs-maçons", Stéphane Bern sauve l’honneur en déplorant, sur le même réseau social, les dégradations perpétrées dans la basilique de Saint-Denis : "Quelle triste époque que celle que nous vivons, plus rien de ce qui est sacré n’est respecté." Eh oui, « après les juifs » et avant « les francs-maçons », il y a eu la nécropole royale, dont l’intérêt symbolique et historique doit être, aux yeux du ministre de l’Intérieur - et accessoirement des cultes -, négligeable comparé à celui du temple maçonnique de Tarbes, puisqu’il n’a pas jugé utile de le mentionner.

Lors, donc, Stéphane Bern vient de révéler les 18 sites emblématiques dont les photos figureront sur les tickets de la deuxième édition du Loto du patrimoine : viaduc, moulins, beffroi, château, glacière, fort militaire, amphithéâtre gallo-romain et édifices religieux - beaucoup d’appelés, peu d’élus -, représentatifs tout à la fois de la richesse du passé et de l’urgence pour l’avenir. L’abbaye de Sénanque, dans le Vaucluse, joyau roman provençal du XIIe siècle, haut lieu de rayonnement cistercien menaçant ruine, est sans doute le plus emblématique : il faut très vite réunir 1.200.000 euros.

"On a besoin de l’aide des Français", s’exclame Stéphane Bern sur Franceinfo, laissant par là entendre que les pouvoirs publics ne peuvent plus faire face à la dépense. Ou bien ne veulent plus ? Rappelons que le gros cœur rouge d’Anne Hidalgo, œuvre clignotante et tournante d’un artiste franco-portugais composée de 3.800 azulejos peints par des artisans également portugais, installé porte de Clignancourt depuis près d’un mois, a coûté 650.000 euros (versés pour 60 % par la ville, 12 % par l’État). Plus de la moitié, donc, de ce qu’il faudrait pour Sénanque. Mais les goûts et les couleurs…

Qu’à cela ne tienne : tant qu’il restera des anonymes prêts, par milliers, par leur modeste ticket de loto, à sauver ensemble châteaux, beffrois, forts et abbayes, rien n’est perdu : l’esprit français souffle encore.

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Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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