[Entretien] « Lorsque la FNSEA est reçue à Matignon, ce ne sont pas les paysans »

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La colère paysanne s'étend partout en France ; les blocages se multiplient et les tracteurs se rapprochent de la région parisienne. Pascal Marie est éleveur laitier en bio. Dans le passé, il a pris part aux manifestations « grève du lait » en 2009 et connaît bien les rouages du syndicalisme agricole. Auprès des lecteurs de BV, il témoigne des réelles difficultés de sa profession et porte un regard critique sur la FNSEA qui paraît capter les revendications.

Sabine de Villeroché. Quelles sont les raisons de la colère des agriculteurs ?

Pascal Marie. Les agriculteurs manifestent pour plusieurs raisons : en premier lieu, ils dénoncent la paupérisation de leurs revenus depuis des décennies qui est due à bon nombre de facteurs, dont la concurrence déloyale de nos voisins européens qui produisent avec des normes non contraignantes et la répartition inéquitable des marges entre les producteurs, la transformation et la distribution. Pour résumer de façon éclatante cette spoliation de valeur ajoutée : sur 100 euros du panier de la ménagère, seuls 6,5 euros reviennent au producteur. Notons que la bonne rentabilité d'une activité permettrait de régler bon nombre de problèmes sous-jacents tels que la complexité administrative en embauchant une secrétaire et la surcharge de travail liée à l'activité en embauchant du personnel.

Il y a d'autres revendications comme les réglementations environnementales ubuesques parachutées majoritairement de Bruxelles et la pression fiscale sur les revenus avec, entre autres, l'imposition confiscatoire sur les revenus exceptionnels (les agriculteurs craignent l'abandon de la détaxation du GNR). S'ajoutent à cela la multiplication des contrôles et, bien sûr, le manque de considération de la paysannerie par les autorités.

S. d. V. Ce mal-être n'est pas récent. Depuis des années, de façon sporadique, la France connaît des manifestations d’agriculteurs. Rien n'a donc été fait ?

P. M. Les raisons des difficultés de la profession remontent en réalité à 1992, année où ont été établies les primes PAC (politique agricole commune qui représente un tiers du budget européen chaque année) : des aides directes distribuées par l’Europe aux agriculteurs en fonction d’un certain nombre de critères et de calculs savants. Ce jour-là, le paysan a perdu son indépendance car il est devenu dépendant de Bruxelles et des normes environnementales imposées. C’est comme si tout avait été fait pour éradiquer la paysannerie, cette population par nature conservatrice.

Aujourd’hui, le revenu moyen d’une ferme est constitué à environ 80 à 90 % par les primes PAC (toutes spécialités confondues, élevage, exploitations céréalières, etc.). C’est ainsi que l’Europe tient les paysans qui sont devenus dépendants. C’est un système malsain pour eux car ils sont soumis à des règles imposées par des techniciens éloignés de la réalité. Ce devrait être au paysan - qui fait de l’écologie sans le dire - que reviennent des décisions agronomiques liées à son territoire propre. C’est l’essence même de son métier de savoir ce qu’il doit cultiver sur ses terres, le paysan n'a nul besoin des petits hommes gris de Bruxelles !

S. d. V. Au mois de décembre, les panneaux renversés de nos communes témoignaient de cette grogne qui aujourd'hui éclate. Puis l'Allemagne s'est enflammée. A-t-on affaire à un mouvement spontané ? Quel est le rôle des syndicats ?

P. M. Je pense que, bien sûr, le mouvement français fait écho à ce qui se passe dans l'Est, mais il est assez spontané et surtout très virulent, tellement la situation est tragique. La FNSEA qui, comme à son habitude, a été discrète sur l'Allemagne et la Pologne, n'a pas d'autre choix que de s'approprier le soulèvement. Elle va essayer de le maîtriser au mieux par son habileté politique coutumière. Bien sûr, elle obtiendra quelques avancées significatives pour calmer les petits soldats : comme les reports de cotisations en tous genres, des dégrèvement d’impôts, des simplifications administratives, des reports des annuités en fin de tableau et, sans doute, un petit chèque pour acheter la paix sociale.

S. d. V. On entend en effet beaucoup la FNSEA, et les JA (Jeunes Agriculteurs), sa branche jeune. Pourquoi être critique sur leurs actions? 

P. M. FNSEA et JA sont, hélas, liés à la grande distribution. Et surtout très pro-européens, aux antipodes de ces manifestants qui brûlent les drapeaux européens. La FNSEA est pour la mondialisation qui tue notre agriculture et son président, Arnaud Rousseau, est lui-même président du groupe Avril, un complexe agroalimentaire présent à l'international, présent en l'Ukraine et en Pologne. Ce semblant de défense paysanne sonne faux lorsque l'on sait que la FNSEA est liée à l'agroalimentaire et les coopératives via le COPA et la COGECA, basées à Bruxelles, dont Christiane Lambert est devenue la présidente après avoir dirigé la FNSEA.

Lorsque la FNSEA est reçue à Matignon, ce ne sont pas les paysans mais bien l'agroalimentaire et l'agro-industrie !

S. d. V. Pourtant, la FNSEA, dans le passé, s’est tenue aux côtés des agriculteurs...

P. M. Pour vous donner une exemple des actions de la FNSEA, il faut remonter dans le temps des jacqueries paysannes. Celle de 2009 bien connue du grand public avec, comme point d'orgue, l'épandage du lait dans la baie du Mont-Saint Michel. Ce soulèvement lancé par l'APPLI (Association des producteurs de lait indépendants), aidé par la Coordination rurale, aurait pu être un vrai succès si la FNSEA avait soutenu avec vigueur le mouvement dès le début. Plutôt timorée au début, sentant que cette grève du lait pouvait réussir, elle s'est contentée, vers la fin du mouvement, de ne plus donner de consignes à ses adhérents. Aussi, faute d'un encouragement massif de la profession, les plus déterminés se sont essoufflés et ont dû renoncer à continuer. Un fiasco, lorsqu'on sait que quelques jours de plus suffisaient à créer la pénurie !

En son for intérieur, la FNSEA sait qu'elle est fragilisée, elle est constituée de généraux sans troupes. La nature ayant horreur du vide, la FNSEA va faire en sorte, grâce à sa communication bien huilée, que les autres syndicats ne captent pas trop l'Audimat™.

S. d. V. Tous les agriculteurs souffrent-ils des mêmes maux ?

P. M. L’agriculture est multiple, et c’est d’ailleurs ce qui rend la profession difficilement défendable. Le quotidien d’un éleveur du centre de la France n’a absolument rien à voir avec celui d’un céréalier du Bassin parisien. Ce n’est ni le même standing ni le même métier. L’un est astreint à s’occuper matin et soir de ses bêtes et gagne un salaire de misère, tandis que l’autre, entre les semis de l’automne et du printemps et la récolte de l’été, peut se permettre de partir aux sports d’hiver.

Bruxelles rêve de faire de l’agriculteur de demain un manager. Un paysan éloigné des réalités naturelles. Cette course en avant sera-t-elle un gage de bonheur dans le futur ?

Sabine de Villeroché
Sabine de Villeroché
Journaliste à BV, ancienne avocate au barreau de Paris

Vos commentaires

27 commentaires

  1. Agriculteur, n’est pas le synonyme de paysan. On peut être agriculteur et être en costume cravate, bottes peut-être, mais en cuir pleine peau à 250/300 euros la paire et ne jamais monter sur un des nombreux matériels de la grande propriété, exploitation qui fonctionne avec des salariés souvent sous payés ou au « noir », avec aussi secrétaire et comptable, pour bénéficier de toutes les subventions de la PAC, et être reçu par les autorités civiles. Par contre le paysan, travailleur de la terre de père en fils, petit possédant terrien souvent pratiquant la polyculture et l’élevage divers et varié, est à la tâche, 7jours sur sept, avec sa femme, (ou alors elle travaille à l’extérieur pour faire bouillir la marmite) habillé d’une combinaison et de bottes caoutchouc, tout ceci pour ensuite passer des heures à remplir des paperasses souvent inutiles ou tatillonnes et être harcelé par les contrôles agricoles tout aussi tatillons et presque aussi inutiles, tout cela, pour en fin de compte, avoir un revenu misérable et une retraite qui ne l’est pas moins. Qui pourrait accepter cela sans réagir ?

  2. Il y a bien longtemps que les syndicats ne défendent plus la cause des professionnels mais des gouvernants et ceux dans tous les domaines. Pour preuve, ils ne tiennent que grâce aux subventions et appellent à voter pour ceux qui détruisent la France. Amis agriculteurs, sachez que les citoyens Français sont derrière vous et espèrent que vous ne succomberez pas aux sirènes de la Macronie. Ne lâchez rien, exigez de ce pouvoir qu’il dénonce les traités de libre échange ou à tout au moins qu’ils imposent que tout produit importé doit répondre aux mêmes exigences que celles qui vous sont imposées.

    • Avez vous vu la vidéo où Macron récitait sa leçon à Schwab au forum de Davos, sur ce qu’il prévoyait de faire pour la France de demain ? Après ce visionnage vous ne vous poserez plus autant de questions, j’ose espérer que les agriculteurs la voient ils ne se feront aucune illusion sur les fausses promesses d’Attal, qui ne fera qu’appliquer la feuille de route de Bruxelles.

  3. La Coordination rurale me semble plus proche des paysans que je connais dans ma campagne picto berrichonne. La Coordination rurale a gagné les élections à la chambre d’agriculture de la Vienne par exemple. Cependant beaucoup trop suivent la FNSEA

  4. La FNSEA porte une lourde responsabilité dans le nombre important de suicides qui frappe la profession. La fuite en avant vers une agriculture de plus en plus industrielle et de moins en moins familiale est de son fait. Ainsi que les pratiques absurdes qu’elle a imposée au monde agricole. Utilisation massive d’engrais et de pesticides. Recours à une alimentation animale non produite sur l’exploitation (Soja)… Autant de dépenses auxquelles les anciens échappaient. Ajoutez à cela les normes imbéciles de Bruxelles aggravées par nos idiots à nous et vous avez une vue du tableau…

  5. Il suffit de se rappeler de ce qu’il est advenu des travailleurs refusant l’injection Covid. Pour, sans doute, la première fois dans l’histoire de ce pays, un gouvernement a interdit à des gens d’aller travailler et les a privés de tous revenus. Alors que les syndicats les plus virulents sont parfois capables de déclencher des grèves pour une virgule mal placée dans un texte de loi, là, rien. Rien du tout! Ah, c’est vrai que les syndicats vivent essentiellement de l’argent public et qu’il n’est pas rare de voir leurs dirigeants confortablement accueillis dans des entreprises privées à la fin de leurs mandats. On admettra toutefois que dans un pays où le personnel politique n’a plus la moindre considération pour l’intérêt général, il n’est pas étonnant que les organisations syndicales se comportent à l’identique.

  6. Macron est le loueur de flûte d’Hamelin… Et les Francais qui n’ont rien compris sont les rats qu’il mene à la rivière. C’est ce qu’il a fait entre 2017 et 2022… Le pire, c’est qu’en 2022, ils en ont redemandé pour 5 ans… 3000 milliards de dette, 9 millions de Français SOUS le seuil de pauvreté, des travailleurs obligés de dormir dans leur voiture faute de logement, la police, la justice, les hôpitaux en déshérence… des milliards dépenses pour des migrants qui haient la France… Et les Français le croient quand il dit que le RN ces serait la pauvreté… j’ignore si c’est vrai, mais je suis sûr que ça ne pourrait pas être pire que ça l’est aujourd’hui. En fin de compte c’est un pays qui n’à que ce qu’il merite !

  7. La fnsea c est les larbins des mondialistes c est aussi les grandes fermes cerealieres ils sont les complices de la mafia de Bruxelles Aucune confiance dans xe syndicat qui ne défend que les intérêts des gros

  8. Enfin, quelques vérités sortent du chapeau. Remercions Sabine de se les être procurées. «  »La FNSEA est pour la mondialisation qui tue notre agriculture et son président, Arnaud Rousseau, est lui-même président du groupe Avril, un complexe agroalimentaire présent à l’international, présent en l’Ukraine et en Pologne. «  » . Tout ce qui sera décidé dans les prochains jours sera en rapport avec cette phrase. Les petits agriculteurs sont à sacrifier sur l’autel de la mondialisation voulue par Macron et les gros exploitants, lesquels possèdent des milliers d’hectares dans les pays nommés. A ces hectares, ajoutons d’immenses batteries d’élevages de volailles. Le poulet que nous trouvons sur les étales. Merci Sabine. Tout, l’essentiel est résumé dans votre article. Les petits agriculteurs doivent s’accrocher s’ils souhaitent obtenir satisfaction. Ils ont la population derrière eux. S’ils veulent durer, il leur faut organiser des cagnottes afin d’avoir la possibilité de se reposer dans de bons lits à proximité de leurs lieux de manifestations.

  9. Mefiez vous de ces syndicats qui dans les autres corps de métier ne sont là que pour leurs propres intérêts …Nous avons beaucoup d’exemples dans d’autres secteurs d’activité.

  10. Quand on voit que les contrôleurs qui sévissent sur les exploitations agricoles sont « armés », on se demande si le pays n’est pas devenu un satellite de l’ex URSS.

  11. Tous ces syndicats ne sont plus que de la pourriture comme le monde politique entretenu non pas par les adhérents mais avec l’argent public. c’est cela « la démocratie a un coût » déjà là les Français se sont faits avoir en profondeur c’était l’occasion de grossir les mouvements politiques, administratif, associatifs, ONG et syndical avec l’argent public et depuis toute cette racaille n’en a plus rien à faire des adhérents et des gens qui triment pour se faire piller. Il serait grand temps de le comprendre.
    Pour le moment il n’y a que Zemmour qui continue à parler vrai et qui avec son mouvement ne vie pas avec l’argent public. Tous les autres sont gavés et pourris à la merci de ceux qui distribuent les fonds publics sans compter.

  12. FNSEA ne défend que ses propres intérêts ce ne sont pas des paysans mais des hommes d’affaires à la solde de Bruxelles et subventionnés par l’UE . Plus interressé par le cours de la bourse que celui de nourrir le peuple .

    • c’est exact, et les vrais paysans devraient faire attention , et réfléchir avant d’écouter ce syndicat former de ceux qui sont plus céréaliers avec beaucoup d’hectares amis du pouvoir , ce n’est pas ceux là qui ne gagnent pas leur vie mais bien ceux qui fond du lait ou d’élevage de bête à viande !

  13. Attention amis agriculteurs, les syndicats, FNSEA, Jeunes Agri., CGT, …, sont des suppôts des gouvernements, ces organismes de défenses des droits des exploitants agricoles vivent de subventions de l’état, donc d’entré vous êtes trahis, rejetées ses filous, …

  14. Ce financier à la tête de la FNSEA est aussi crédible à parler au nom du monde agricole que macron n’est crédible lorsqu’il parle au nom des français lorsqu’il se trouve ( très souvent..) à l’étranger

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