L’opération Barkhane a-t-elle encore un sens ?

Opération_Barkhane

La France a annoncé, le 3 juin, la suspension de ses opérations conjointes avec le Mali dans le cadre de l’opération Barkhane. Cette annonce n’a guère surpris. Deux coups d’État militaires se sont succédé au Mali, l’un en août 2020, l’autre le 24 mai dernier. Le nouveau président, le colonel Goïta, n’a guère la confiance de Paris et il est illusoire d’espérer une stabilisation de la situation à court terme. Surtout, derrière Goïta, se profile l’ombre de l’imam Dicko. Proche des islamistes, il prône la réconciliation des Maliens, ce qui sous-entend un rapprochement avec les combattants djihadistes. Dicko et son allié Maïga, dont on parle pour le poste de Premier ministre, ont provoqué plusieurs rassemblements dans la capitale Bamako réclamant le départ de la France.

C’est à cause du Mali que la France a lancé l’opération Barkhane en 2013. C’est à cause du Mali qu’elle risque d’y mettre fin.

En effet, le nord du Mali était tombé aux mains des djihadistes dès 2012 et la faiblesse de l’armée malienne (mais est-ce vraiment une armée ?) laissait présager une rapide victoire complète des islamistes dans tout le pays. L’intervention de l’armée française avait empêché ce scénario catastrophe qui pouvait entraîner l’ensemble de la région dans le chaos islamiste.

Mais huit ans après, la question se pose : faut-il poursuivre cette intervention coûteuse à tout point de vue ? Car jamais la France n’a trouvé un appui militaire conséquent dans ces pays qu’elle est venue aider : la force conjointe, appelée G5, et regroupant des troupes venues du Burkina Faso, du Tchad, du Niger, du Mali et de la Mauritanie, est à peu près totalement inefficace. Un seul pays fait exception, le Tchad, dont les troupes sont les seules à faire preuve de combativité. La mort récente du président tchadien, Idriss Déby, dans des conditions d’ailleurs assez troubles, est un rude coup et Paris a perdu son interlocuteur le plus fiable.

Aujourd’hui, avec des moyens limités sur un territoire grand comme plusieurs fois la France, il faut sans doute donner un autre format à Barkhane. Certes, son bilan est loin d’être totalement négatif et de très nombreux djihadistes ont été mis hors d’état de nuire (il est impossible d’en connaître le nombre). Mais si les opérations au sol ont été souvent couronnées de succès, chacun s’accorde à dire que ce sont les interventions aériennes qui ont provoqué le plus de dégâts chez l’ennemi.

Or, ces interventions aériennes pourraient fort bien, en cas d’urgence, être organisées depuis les bases françaises de Côte d’Ivoire, du Sénégal ou du Gabon.

Mais cela ne résoudrait pas le problème d’un pouvoir malien devenu de plus en plus complaisant avec les djihadistes et qui pourrait finir par pactiser avec eux. Comment intervenir, alors, dans un tel contexte ?

Ce qui est certain, c’est que les efforts considérables de l’armée française pour former des cadres militaires maliens ont échoué. L’armée malienne est une armée de papier, il ne faut pas se le cacher.

Alors, faut-il continuer à risquer la vie de nos meilleurs soldats pour un pays qui ne veut même pas se défendre ? Poser ainsi la question, c’est déjà y répondre.

Antoine de Lacoste
Antoine de Lacoste
Conférencier spécialiste du Moyen-Orient

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