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L'été : l'occasion pour beaucoup de se plonger enfin dans ce livre dévoré des yeux toute l'année sans pour autant avoir eu le temps de s'y plonger. À cette occasion, BV vous propose une sélection de ses meilleures recensions. Aujourd'hui, pourquoi pas, pour comprendre les enjeux qui se trament à l'autre bout du monde, Taïwan face à la Chine.

Alors que les menaces fusent à nouveau, ces derniers jours, entre la Chine et les États-Unis sur la question taïwanaise, vient de paraître chez Tallandier un ouvrage de géopolitique très instructif de Valérie Niquet : Taïwan face à la Chine.

L’auteur revient longuement sur l’histoire de cette petite île dont Pékin revendique la possession depuis la fin des années 40. Les premiers contacts avec la Chine, nous dit-elle, remontent seulement au XIIIe siècle avec le développement d’une activité de pêcheurs et de marchands originaires du Fujian. Au cours du XVIIe siècle, cette proportion de la population chinoise, bien que minoritaire sur l'île, augmente considérablement. Ce n’est qu’en 1683 que les Qing prennent le contrôle de l’île, avant de l’intégrer deux ans plus tard à leur Empire. En 1895, le traité de Shimonoseki offre l’archipel des Pescadores et l’île de Taïwan au Japon, vainqueur de la première guerre sino-japonaise (1894-1895). Il s’agissait, pour l’Empire nippon, de contrôler la mer de Chine dans le prolongement des îles Ryukyu. Les Japonais assimilent la population taïwanaise et construisent des infrastructures, des voies de chemin de fer, des routes ainsi qu’un système bancaire et financier moderne. Émerge alors une société pluraliste, presque démocratique. La défaite du Japon en 1945 puis la rétrocession de Taïwan à la République de Chine en 1945 entraînent l’arrivée, dans l’île, des premiers administrateurs continentaux, creusant un fossé identitaire entre les populations « autochtones » et les nouveaux arrivants. En décembre 1949, Tchang Kaï-chek et plus de deux millions de fonctionnaires, militaires et partisans du Kuomintang quittent la Chine sous la pression des communistes et se réfugient à Taïwan. Dans leur esprit, l’île servira de base à la reconquête du continent, objectif qui demeurera jusqu’à la mort de Tchang, en 1975, mais délaissé par ses successeurs.

Le Kuomintang poursuit, non sans heurts, la modernisation de Taïwan, réforme l’agriculture et industrialise le territoire qui devient rapidement, grâce aux capitaux américains et à la technologie japonaise, l’un des dragons de l’économie asiatique.

En parallèle de la révolution culturelle chinoise, les institutions de l’île vont se démocratiser sous Tchang Ching-kuo, qui va progressivement amorcer une « taïwanisation » du régime et de son personnel politique. À la fin des années 70, ce sont les investisseurs taïwanais qui seront à l’origine du succès des réformes économiques de Teng Hsiao-ping. Sous la présidence de ce dernier, la Chine offre aux investisseurs étrangers, dont la majorité vient de Taïwan, des conditions fiscales particulièrement intéressantes. Dans les années 2000, les investissements taïwanais en Chine continentale, passés du secteur de l’industrie légère, de l’habillement et des plastiques aux ordinateurs, aux appareils électroniques et au matériel optique, représentent 87 % de la totalité des investissements de l’île à l’étranger. Taïwan est alors le principal investisseur « étranger » sur le continent, véritable moteur du développement économique de la Chine. En 2020, dit Valérie Niquet, le commerce avec la Chine représentait 44 % des exportations taïwanaises ; le marché chinois demeure vital pour l’économie de l’île. La Chine, de son côté, est dépendante de Taïwan pour la production de semi-conducteurs nécessaires à son armée. Les liens économiques entre les deux territoires n’ont cessé de se renforcer depuis la fin des années 80, ce qui inquiète la jeunesse taïwanaise et le DPP indépendantiste qui, en outre, voient l’île de plus en plus isolée sur le plan diplomatique (seuls 14 États reconnaissent Taïwan).

Si plus de 95 % des habitants de l’île, aujourd’hui, sont d’origine chinoise Han, ils ne sont que 5 % en 2020 à se considérer comme chinois. 7,4 % seulement sont favorables à la réunification, la plupart souhaitant maintenir le statu quo : une indépendance de fait, mais non officialisée par les instances dirigeantes afin de ne pas provoquer la colère de Pékin.

Les capacités de la Chine à réussir un débarquement dans l’île, dit l’auteur, seraient de toute façon hasardeuses en l’état actuel. Bien que le budget de la défense de la RPC s’élève à 209 milliards de dollars en 2022, l’essentiel de la flotte chinoise est largement obsolète. De son côté, l’armée taïwanaise est bien entraînée, notamment dans la marine et l’aviation. L’île dispose aussi d’une capacité de défense antimissile importante. Les autorités prévoient de surcroît la construction d’une flotte d’une centaine de bâtiments au cours des dix prochaines années. Taïwan compte également utiliser une quantité massive de drones de surveillance et d’information. Le coût humain, économique et politique d’un blocus sur Taïwan serait considérable pour Pékin, avec la conséquence de sanctions lourdes contre la Chine.

Pour Valérie Niquet, la réunification par les armes, tout comme l’indépendance de Taïwan, ne sont donc clairement pas des scénarios crédibles à court terme. La politique du statu quo devrait se poursuivre…

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/08/2023 à 11:16.

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19 juin 2020 à 11:00

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9 commentaires

  1. Que cela nous plaise ou pas, Taiwan rentrera tôt ou tard dans la chine, ce que je dis, c’est de la « real politique », actuellement les USA, font semblant de les protéger, pour la la défense de la démocratie dont ils se moquent éperdument. La seule chose qui les intéresse, c’est avec ça de pousser la chine à commettre une faute, réelle ou provoqué, pour pouvoir intervenir militairement, contre les chinois. Il faut qu’ils se dépêchent, car pour le moment peut-être que les USA, ont sans une supériorité militaire, mais ça ne saurait durer et ils le savent.
    Ce conflit quand il arrivera, nous entrainera inexorablement à y participer via l’OTAN, au seul profit des américains, qui veulent conserver le « leadership » militaire et économique, ce dernier étant déjà bien affaibli.

  2. L’objectivité exige d’insister sur une réalité à peine évoquée. La souveraineté de Taiwan n’est reconnue que par 14 états, ce qui plombe la cause de l’indépendance.

  3. D’accord avec l’article : le statu quo persistera. la Chine a trop à faire sur son continent avec ses propres irrédentistes et opposants pour tenter de franchir un détroit de 150 km en moyenne et affronter une armée bien équipée, retranchée dans ses montagnes, appuyée par les USA, le Japon, la Corée du sud, et tout les états du Pacifique. Les déconvenues de la Russie en Ukraine lui inspireront de la prudence.

  4. ETUDE TRES INTERESSANTE qui mériterait d’être largement diffusée pour dissiper les éventuelles erreurs de jugement qui nous guettent relativement à ce secteur de la géopolitique

  5. Formose aurait pu devenir Française, comme l’Indochine, en … 1885. L’amiral Courbet avait détruit la flotte Impériale a Fou-Tcheou et à Shipoo. Il avait occupé les Pescadores et commencé à controler l’ensemble de l’ile, quand il est mort subitement.

  6. l’Amérique est elle prête a défendre cette ile, avec Billy Joe il y a de quoi se poser des questions

  7. Taïwan est un pays démocratique ce que n’est évidemment pas la Chine Continentale. Les élections, des deux chambres et du Président sont au suffrage universel et parfaitement libres. Du reste l’alternance, à la tête du pays, entre Kuomintang et DPP en est une démonstration parfaite. L’île, au cours des dernières années s’est développée de façon remarquable et mérite une certaine admiration fort justifiés.

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