[Livre] Le Dernier Souffle, de Claude Grange

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Cet article vous avait peut-être échappé. Nous vous proposons de le lire ou de le relire.
Cet article a été publié le 21/04/2023.

L'été : l'occasion pour beaucoup de se plonger enfin dans ce livre dévoré des yeux toute l'année sans pour autant avoir eu le temps de le lire. À cette occasion, BV vous propose une sélection de ses meilleures recensions. Aujourd'hui, pour nourrir notre réflexion sur l'euthanasie, le livre témoignage d'un chef d'unité de soins palliatifs en faveur des soins palliatifs.

Il est des services de médecine moins connus que les autres. Il est des services de médecine moins prestigieux que les autres. Mais, surtout, il est des services de médecine où le médecin ne guérit pas, ne sauve pas mais soulage et accompagne son patient. Claude Grange est l’un de ces praticiens. Dans Le Dernier Souffle (Éditions Gallimard), il livre un vibrant témoignage et un plaidoyer en faveur des soins palliatifs.

L’histoire est écrite d’avance. Au nom du progrès (nouveau totem de notre époque), la France devrait rejoindre le club restreint des pays qui ont légalisé l’aide active à mourir. La gauche la plébiscite depuis des années. Les enquêtes d’opinion vont bon train. Et la Convention citoyenne asséna le dernier coup en se montrant favorable à la légalisation de l’euthanasie. La France entière - 90 % des Français, selon les militants – n’attendrait plus que cela. Et pourtant, dans cette fuite en avant, des voix, encore peu audibles, s’élèvent pour proposer un autre chemin. Claude Grange, médecin de ville devenu chef d’unité de soins palliatifs à Houdan (Yvelines), connaît les mourants et côtoie la mort. Les sondages, il n’y croit pas. « Pendant plus de vingt-cinq ans, j’ai eu des malades concernés ; et curieusement, ce n’est pas ce qu’ils me demandaient à partir du moment où ils étaient soulagés et accompagnés », souligne-t-il.

Ligne de crête

Car la souffrance peut être soulagée. Le docteur Grange se souvient de cette femme admise dans son service pour un cancer pulmonaire avancé. « Elle était soulagée sous 2.000 mg de morphine par intraveineuse. […] À cette dose, on pourrait penser qu’elle est complètement zombifiée. » Et pourtant, il n’en est rien. La patiente garde toute sa lucidité. Ainsi, contrairement aux préjugés véhiculés par les militants de l’euthanasie, le médecin peut soulager. Telle est même la vocation des soins palliatifs. Dans son unité, si Claude Grange refuse d’abréger les jours de ses patients, il refuse également de s’acharner. Il s’en tient aux mots de Jean Leonetti, auteur des lois actuelles sur la fin de vie : « Laisser mourir, oui. Faire mourir, non. »

S’il s’oppose à la légalisation de l’euthanasie, c’est surtout parce qu’il refuse que le médecin se rende complice de la mort. « Donner la possibilité aux médecins de provoquer la mort de leurs malades les plus vulnérables est fondamentalement contraire à l’éthique de soin et à la vocation des médecins », rappelle Claude Grange. Au contraire, il plaide pour protéger le mourant, vulnérable « face à ce qui pourrait abréger sa vie pour des raisons peu avouables ». Récupérer des lits dans un service hospitalier surchargé, se débarrasser d’une personne âgée devenue trop encombrante… Voulons-nous de ce modèle sociétal ? « Souhaiterions-nous une société où les plus vieux, les plus handicapés, les plus malades n’auraient plus de place ? », interroge le médecin.

Où sont nos vieux ?

Avec son témoignage, préfacé par le philosophe Régis Debray, Claude Grange nous propose un nouveau regard sur notre humanité. « Que faites-vous de vos vieux ? Vous les enfermez dans des boîtes… », lui demande, un jour, Adama, un vieux Sénégalais. Que faisons-nous de nos anciens, des malades et des mourants ? Dans nos sociétés occidentales, nous les plaçons dans des EHPAD ou à l’hôpital. « Les vieux n’ont donc plus tellement leur place dans notre société moderne, dès lors qu’ils ne sont plus utiles et qu’ils deviennent dépendants », se désole le médecin. À une époque où 70 % des Français meurent à l’hôpital, le docteur Grange plaide en faveur du « mourir à domicile » avec le soutien, quand cela est nécessaire, de la médecine palliative.

En somme, comme le résume l’un de ses patients, Claude Grange, comme l’ensemble des soignants impliqués dans les soins palliatifs, possède un précieux « secret » : il sait « obtenir des malades qu’ils meurent joyeux ». N’est-ce pas ce que tout le monde espère ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/08/2023 à 11:21.
Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

21 commentaires

  1. « Obtenir des malades qu’ils meurent joyeux » : Non ! faire en sorte que… Par ailleurs, obtenir (pour le malade) un dernier vrai café; une dernière cigarette ; l’assistance d’un vrai curé : c’est possible, ça ?

  2. Je ne serais pas fondamentalement contre, après, comme il a été dit dans pas mal de commentaires, quelles seront les modalités d’exécution (sans jeu de mots), il faudrait que ce soit très bien encadré par la loi, pour éviter toute dérive. Vaste sujet!

  3. on reconnait la grandeur d’une civilisation à la façon dont elle traite ses anciens. De plus l’euthanasie que soit disant tout le monde réclame est un pied dans la porte. Bientôt suivront les handicapés, les malades, les faibles et tous ceux dont on contestera l’utilité sociale. demain ce sera vous????

  4. Bonjour, la dernière personne que j’ai vu mourir en EHPAD était sous un combiné valium morphine. Cette mixture pour qu’elle soit « confortable » dans son agonie. Sans oxygène bien sûr ni perfusion pour éviter « qu’elle ne se noie dans sa salive.. ». Je lui ai parlé jusqu’au bout et elle m’a entendu en clignant des yeux. Je pense qu’elle a souffert de soif et que ce soit disant « confort » est plus celui des soignants que des mourants. Que sait-on du passage de la vie à trépas ?

    • Valium : très mauvais choix ! Toutes les benzodiazepines, sauf le clonazepam, augmentent la douleur. Mais elles sont toutes des depressant respiratoire.

  5.  » La vie est une maladie mortelle sexuellement transmissible dont on ne sort pas vivant !  » cela est bien connu, mais delà à supprimer des vieux, parce que trop vieux, cela est une forfaiture de mécréant !!

  6. Le but n’est pas d’obliger à l’euthanasie ceux qui ne le désirent pas, mais de ne pas l’interdire à ceux qui le désirent comme actuellement. Comme disait le vieil indien dans Little Big Man, en gravissant la colline de la fin : »C’est un beau jour pour mourir. »

    • « Le but n’est pas d’obliger à l’euthanasie ceux qui ne le désirent pas, mais de ne pas l’interdire à ceux qui le désirent comme actuellement. » Si vous savez en faire le tri, bravo! Car j’ai côtoyé beaucoup de gens favorables à l’euthanasie quand ils étaient loin de la mort, et qui changeaient d’avis à son approche. Je n’ai donc toujours aucune certitude à ce sujet, contrairement aux idéologues de tout bord.

  7. Lorsqu’il nait, tout être vivant contracte une maladie incurable qui s’appelle la mort. Certains résistent longtemps, d’autres sont éphémères mais nul n’échappe. Pour ceux qui prônent l’euthanasie et qui, bien sur, se sentent bien vivants, il serait édifiant de les voir à l’article pour savoir s’il préfèrent qu’on les achèvent ou s’ils s’accrochent à leur souffle de vie. Pour ma part, je préfère souffrir que mourir, mais je risque de changer d’avis si le mal me ronge. En tout cas, le risque de dérive du style « soleil vert » est si tangible que l’on risque d’aller vers un abattoir pour vieux inutiles si c’est acté dans la loi. À ce propos, Line Renaud qui est une fervente activiste des pro-débrancheurs devrait nous montrer l’exemple en finissant en beauté, selon ses profondes convictions.

  8. On vit une drôle d’époque : on tue par ivg, euthanasie mais in ferme des maternités… La culture de mort depasse celle de vie. Décidément Stan a du travail… Ajoutons à cela les OQTF non renvoyés, la justice qui relache des criminels au lieu de les renciyer chez eux oud e cinstruire des prisons, la banalsiation des égorgelents comme celui dont a été voctime Patty, et le fait de mettre en prison un policier qui a foncé sur 3 voleurs arabes d’un scoot m…. ouais ouais ouais… et j’ai failli oublier les églises qu’on laisse détruire mais des mosquées qu’on construit…

  9. Oui selon l’avis d’un collège de tous partis, mais pas au delà, car alors toutes les dérives seront ouvertes aux âmes mal intentionnées, ou dérivantes vers l’extrême woke ou autre, pour raison économique, de politique, de démographie, cachées, non avouées, non dites….souvent ceux qui accusent les autres « d’extrême droite » !

  10. D’une part les lits en soins palliatifs sont TRES peu nombreux, d’autre part pourquoi s’acharner à conserver une personne en vie s’il n’y a plus d’espoir ET si elle ne le désire pas ?

  11. Permettez -moi d’avoir de gros doutes sur le médecin qui « soulage et accompagne » ! Le cas cité de ce médecin est un épiphénomène rarissime, impossible à déployer dans nos déserts médicaux ; Quant aux ville ! ( voir Grenoble qui laisse crever ses patients dans le couloir, parce que les petits minots infirmières ou bébé-carabins savent pas faire ).
    Par contre, oui, la  » pompe à morphine », c’est bien si ça s’arrête de temps en temps pour des éclairs de lucidité et des papillons bleus dans les yeux, A CONDITION que le toubib se décide à venir voir où la bête ( souvent pas plus bête que lui, voire…) en est de sa lutte finale et qu’il ( toubib) émette quelques mots intelligibles ( demander des explications et de la com-passion, c’est un peu ambitieux; Généralement , la formation des blouses blanches est + sommaire. L’aspect juridique et financier et les plans de carrière ou l’emploi du temps du garagiste  » bouffent » le temps, n’est-ce-pas ?)

  12. Merveilleux entretien.
    Oui, ce médecin a raison, moi aussi, =  » Pendant plus de vingt-cinq ans, j’ai eu des malades concernés ; et curieusement, ce n’est pas ce qu’ils me demandaient à partir du moment où ils étaient soulagés et accompagnés ». (moi , cela a été pendant 18 ans)

  13. Dans nos sociétés matérialistes et déshumanisées dont le credo est la rentabilité, le calcul est simple: combien rapporte un vieux, un handicapé, un malade (surtout en fin de vie ) ? RIEN . Combien coutent-ils ? BEAUCOUP, beaucoup trot. Il ne faut pas être grand clerc pour conclure ce syllogisme.

  14. Il est de notre devoir d’êtres humains de soulager et d’aider un malade incurable en fin de vie toute considération religieuse mise de côté. Certes un malade hospitalisé est un coût de revient mais lorsque l’incurabilite s’est installée avec la souffrance est il raisonnable de persister et maintenir en vie ? Non.

    • « est il raisonnable de persister et maintenir en vie ? Non. »
      C’est ce que dit ce médecin.
      Maintenant, est il raisonnable de le tuer… C’est une autre question, à laquelle il est plus facile de répondre lorsqu’on est derrière un ordi, que dans la chambre d’un malade en fin de vie qui ne demande que de l’amour et de la tendresse.

  15. « Souhaiterions-nous une société où les plus vieux, les plus handicapés les plus malades n’auraient plus de place ? » cela rappelle une certaine période où en Allemagne, une certaine idéologie « supprimait « justement ces mêmes personnes devenues inutiles à leurs yeux !
    Même le serment d’Hippocrate ne serait plus respecté ! Les mots « dignité » « pudeur » « amour » « respect » ont disparu de notre société devenue complètement folle ! En tuant Dieu, on a tué l’Homme ! Triste constat d’une société déchristianisé !

    • N’est-ce pas ce que l’on a fait au temps du covid dans les EHPAD avec le rivotril ?
      Le serment d’Hippocrate n’a pas été respecté lors de cette soi-disante pandémie et un certain nombre de médecins sont prêts à ne pas plus le respecter à l’avenir

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