L’Europe de la déculturation sur les grilles du Sénat

©Luca Lupi
©Luca Lupi

« Traversées d’Europe ». C’est le titre de l’exposition que le Sénat présente sur les grilles du jardin du Luxembourg, à l’occasion de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. « Six photographes, six projets transnationaux, six visions de l’Europe, nous explique-t-on. Une itinérance à travers le Vieux Continent, des plages de Norvège aux rives de la Méditerranée, en passant par l’Allemagne et la Hongrie, à la recherche des éléments! qui fondent l’identité européenne. »

Cette exposition devrait s’appeler plus justement « Traversées d’Europe, traversées inutiles » puisque, partis à la recherche des éléments fondateurs de cette identité, ces six photographes sont à l’évidence revenus bredouilles. La photo la plus emblématique de cette quête infructueuse est celle du photographe Luca Lupi, un Italien qui s’est fait une spécialité de photographier des sujets en leur réservant uniquement le bas de sa photo. Là, c’est le trait vert d’une forêt mince comme une ligne d’horizon sous un ciel blanc qui envahit le reste de l’image. Ici, c’est la ligne tout aussi mince d’un complexe pétrochimique avec deux cheminées. Au-dessus de cette ligne d’horizon abaissée au bord inférieur de la photo, un éternel ciel blanc. L’une d’elles, sans doute la plus européenne de toutes, nous montre des arceaux de bordure qui courent le long du bord inférieur de la photo. Au-dessus, son inévitable ciel blanc. Avec cette manie, le photographe croit avoir trouvé un style !

Ces photos, pour la plupart, peuvent avoir été prises n’importe où dans le monde. Aucune ne parle d’Europe et les légendes sont presque toutes muettes. Seuls les politiques se sont mis à parler. C’était le jour de l’inauguration. Pour le secrétaire d’État, Clément Beaune, « on a besoin de parler de l’Europe de différentes manières, avec des textes législatifs, des lois mais aussi des photos, des images qui nous représentent ». C’est presque désobligeant, tant on a du mal à imaginer que des Français puissent s’estimer « représentés » par des images aussi insignifiantes ! Pour le ministre de la culture, Roselyne Bachelot, « à travers l’œil du photographe l’identité européenne se reflète dans ses différences et son universalité. C’est en cela que cette exposition est tout à fait remarquable. » Lors de sa prise de fonction rue de Valois, elle avait raconté qu’enfant, elle se cachait sous la table quand son père recevait André Malraux. À l’écouter commenter cette exposition, il est clair qu’elle n’a succédé qu’à Franck Riester. Quant au président du Sénat, Gérard Larcher, il a su apporter son incomparable petite touche au néant : « Ce sont des regards très personnels, très différents entre un photographe qui porte un regard sur des académies militaires, un autre qui fait de l’anthropologie par l’auto-stop, un troisième qui se penche sur les pays qui s’ouvrent… Il y a aussi l’impression de la terre et de la mer. » Il est vrai qu’il y a quelques belles photos d’académies militaires de Paolo Verzone. Ces jeunes officiers représenteraient-ils l’Europe parce qu’ils seraient l’armée sans la guerre ? Tout cela n’est pas sérieux et serait risible si nos institutions ne se déconsidéraient pas en présentant un projet aussi ridicule. Longeant les grilles, on tombe sur un lever des couleurs à l’École navale de Lanvéoc. C’est le seul drapeau de l’exposition, et il n’est pas européen.

Récapitulons ! Là un ciel qui envahit tout, ici une neige qui recouvre tout. C’est sans doute ce que l’on appelle des « photos décalées ». Le collectif qui a procédé à la sélection des photos et « s'affirme aujourd'hui comme une référence incontournable de la scène culturelle française », s’appelle Fetart. C’est plus qu’un jeu de mots, c’est une signature.

Pauvres politiques qui acceptent qu’on leur fasse prendre des vessies pour des lanternes et ne voient pas que l’Europe qu’ils montrent aux riverains du jardin du Luxembourg ne ressemble à rien à force d’être absente de toutes ces images. Elle est cependant bien présente, malheureusement. Elle l’est, mais derrière l’appareil photo et dans les bureaux d’une administration livrée à elle-même. Et cette Europe-là, c’est celle de la déculturation en marche.

Jérôme Serri
Jérôme Serri
Ancien collaborateur parlementaire, journaliste littéraire

Vos commentaires

13 commentaires

  1. l’Europe l’Europe l’Europe, je m’en fous complètement.
    Qu’y-a-t-il de commun entre un pécheur portugais et un paysan hongrois ?
    L’Europe des NATIONS, OUI mais pas l’EUROPE du pouvoir débile et mégalomane !!!!
    Quittons l’Europe, retrouvons notre identité nationale et plus jamais de « drapeau » européen à coté de notre étendard national !!!!! Vous vous rendez compte que notre président a fait hisser un symbole européen sous l’Arc de triomphe ! Rien que pour cela j’ abhorre l’Europe !

  2. Jusqu’à quelle profondeur ces crétins nous feront-ils descendre ?
    Roselyne Bachelot ! Nommée ministre de la culture car elle écoute de la musique.
    Roselyne Bachelot ! Pharmacien. Nommée ministre de la santé et acheteuse de vaccins qui ont été détruits ….
    Roselyne Bachelot ! Députée RPR qui est allée pleurer sur la dépouille de l’unique élu Marxiste-Leniniste du Maine & Loire.
    La route est bien sinueuse …

  3. Le néant comme cette cette assemblée de sénateurs inutiles , qui se gavent à nos frais et ne font qu’avaliser les décisions gouvernementales – traversées d’Europe, traversées du désert dirai-je plutôt pour un sénat plus soucieux d’une exposition que de la mission qui lui est confiée.

  4. Et tout ce gachis avec notre fric ! Avec l’argent du contribuable spolié ! Vous savez ces participants aux « convois de la honte », ces Français qui bossent, qu’on flique, qu’on essaie de museler et surtout qu’on spolie tant qu’ils n’arrivent pas à boucler leur fin de mois ….
    Et jamais un référendum dans cette démocratie qui sent de plus en plus le stalinisme. Et ces incapables arrogants et méprisants critiquent la « Suisse molle ». Vivement un président qui nous rende la fierté d’être Français !

  5. Hier 15 février 2022 étant à Paris, je me suis aperçu qu’au dessus de la façade de l’Opéra Garnier flottaient le drapeau tricolore français et le drapeau bleu à étoiles d’or de UE.
    Pourquoi avoir hissé le drapeau de l’UE, voire même celui de la France? De mémore il ne semble pas que des drapeaux aient été présents au paravent.

  6. L’Europe est le parfait résultat des motivations profondes de sa création.
    La seule perspective de former une identité politique est un rapprochement avec la Russie au sein d’une fédération.

  7. Les Politiques sont absent de bien des choses de la vie. A se vautrer toute l’année dans le luxe des palais à ne pas ou peu payer leurs repas gastronomiques de ces palais, à voyager gratos toute l’année et à se faire servir par des pingouins à chacune des portes des palais, a voir l’argent couler à flots coûte que coûte, il y a de quoi être absent de la vraie vie.

  8. L’Europe que j’aime, c’est moi qui la prends en photo. J’ai eu la chance d’y avoir visité quelques pays et villes.

    Ces souvenirs ont bien plus de portée que leurs images impersonnelles.

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