Les non-dits de la charte des principes de l’islam de France
La charte des principes pour l'islam de France demandée par Emmanuel Macron au Conseil français du culte musulman (CFCM) a été présentée au président de la République, ce 18 janvier 2021, et continue à faire des remous. Plusieurs versions circulaient et le recteur de la grande mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, s'était retiré du travail en cours en décembre 2020, accusant la composante islamiste de procéder à des remises en cause presque systématiques des passages les plus importants. Le projet n'a pas été signé par trois fédérations (les deux fédérations d’origine turque et l’association Foi et Pratique, le Tabligh, d’inspiration indo-pakistanaise).
Si la version présentée est plus exigeante sur le plan républicain, rien n'est gagné en ce qui concerne son application car elle doit encore faire l'objet de consultations locales pour sa mise en œuvre et son acceptation par les imams de terrain. Cette charte n'est-elle pas plutôt un texte rédigé par une instance dont on sait qu'elle est peu représentative de l'avis de la majorité des musulmans en France, afin d'accéder à la demande présidentielle ?
Alors que, ne l'oublions pas, le mot « islam » signifie la « soumission » et la sujétion aux ordres de Dieu. Après tout, cette charte n'évoque que des principes et leur application par l'ensemble des musulmans sera une autre affaire. Le réalisme voudrait que l'on ne reproduise pas un espoir d'islam DE France alors que l'islam est un tout indissociable, religieux et politique, et que son idéologie est celle d'une conquête mondiale.
Certains principes comme la laïcité, le refus de l'ingérence étrangère et le rejet de l'islam politique (wahhabisme, Tabligh, Frères musulmans) sont affirmés dans cette charte et c'est une avancée certaine dans les mots dont il faut se féliciter. Par contre, la rédaction de plusieurs articles pose question.
Ainsi l'article 2 énonce que « le principe d’égalité devant la loi nous oblige à nous conformer aux règles communes »... On fait mieux, comme adhésion spontanée aux lois de la République. L'art. 5 appelle au dialogue inter-musulman sans hiérarchiser les courants et interprétations, ce qui rouvre la porte aux fondamentalistes de tout bord par ailleurs rejetés par la charte ! L'art. 7 appelle à « distinguer dans les sources scripturaires ce qui est applicable dans le contexte de la société française » et évoque « une adaptation harmonieuse de ces sources universalistes (écoles doctrinales de l'islam) aux réalités de notre pays ». Et si la réalité de notre pays est l'islamisation grandissante, ne risque-t-on pas, plutôt, de comprendre qu'il s'agit d'une nécessaire soumission de la société française à cette réalité ?
En tout cas, il y a deux lectures possibles de cet article. Le fait que la fédération des « musulmans de France », ex UOIF des Frères musulmans, ait signé cette charte qui rejette les Frères musulmans n'est pas rassurant. Un coin est également enfoncé sur la reconnaissance de la laïcité, dans la mesure où l'art. 8 précise que « les usagers des services publics ne sont pas soumis à la neutralité religieuse mais sont tenus dans leur expression religieuse à respecter l'ordre public établi par la loi ». Le CFCM se prend donc pour un législateur et inscrit dans son marbre sa vision de la laïcité. Ce n'est pas surprenant, car c'est là que le bât blesse principalement.
L'art. 9 évoque « la lutte contre la haine antimusulmane [...] et les symboles de leur foi qui sont trop souvent la cible d'actes hostiles ». Il n'englobe pas les actes hostiles vis-à-vis des symboles de la foi chrétienne ou juive, faisant ainsi preuve d'un égocentrisme victimaire choquant. Par ailleurs, les pratiques de l’excision et des mariages forcés ne sont plus évoquées et ne font donc pas l’objet d’un refus explicite, et la référence aux « certificats de virginité » a également disparu de la version définitive du texte.
Enfin, l'art. 10 prévoit comme sanction, en cas de non-respect de la charte, l’exclusion du contrevenant de toutes les instances représentatives de l’islam de France, ce qui n'empêchera nullement un imam de continuer à œuvrer en dehors de cette charte.
Et qu'adviendra-t-il des fédérations qui ne souhaitent pas la signer car il n'y a pas de clergé et de hiérarchie en islam ? Beaucoup d'interrogations encore.
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