Légion d’honneur à Londres. Et Mers el-Kébir, on en parle ?

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Londres jouit, depuis ce jeudi 18 juin, d’un privilège particulier : elle devient la septième ville du monde, après Alger, Belgrade, Brazzaville, Liège, Luxembourg et Stalingrad - pardon, Volgograd -, à recevoir la croix de la Légion d’honneur. Ah ? l’insigne privilège – sous les auspices d’un chiffre sept de bon augure au moment où la relation post-Brexit gêne l’Europe aux entournures – que de recevoir l’impérial hochet !

Notre Président consensuel, accompagné du prince Charles, a procédé à cette remise solennelle de décoration pour remercier la capitale britannique d'avoir abrité le général de Gaulle lors de la Seconde Guerre mondiale : « Ses habitants n'ont pas seulement accueilli la France libre, ils l'ont inspirée », clame notre chef de guerre, l’œil humide et la voix tremblante, un brin envieux d’un uniforme mité et trop grand qu’il sait, sans l’avouer, ne jamais pouvoir endosser. Barrès disait : « Il est des lieux où souffle l’esprit. » Merci, M. Macron de nous apprendre que le Londres de 1940 a rejoint la colline de Sion.

Admettons que de Gaulle ait pressenti alors, depuis son « home » d’inspiration londonien vers où soufflait le vent de l’Histoire. Au même moment, le 23 juin, raflés autour de la colline de Sion, et probablement moins inspirés, les hommes du 21e corps d’armée et leur général Flavigny, autre partisan des blindés moins verni, déjà pourvu du hochet, prenaient le chemin des stalags…

Quinze jours plus tard, le Royaume-Uni et la France étant toujours nominalement alliés, du 3 au 6 juillet 1940, la Royal Navy détruisait le cuirassé Bretagne et plusieurs navires français en rade de Mers el-Kébir, causant la mort de 1.295 marins et faisant plusieurs centaines de blessés. Stoïque devant l’assassinat de ses frères en nationalité, le Général déclara, deux jours plus tard, à la BBC : « Je le dis sans ambages, il vaut mieux qu’ils aient été détruits. » Il parlait des navires, bien sûr.

Si, comme vient de le déclamer notre va-t-en-guerre des salons élyséens en plagiant Maurice Schumann, le 18 juin a pu être une exhortation pour « opposer, à la pente de l’Histoire subie, le sens de l’Histoire rêvée », s’il s’émerveille de lire entre nos deux nations rivales « a tale of two countries » (un conte de fées !), il faut croire que pour les petits orphelins des marins d’Oran, le rêve historique fut rance. Et plus tard pour ceux de Brest, de Cherbourg ou de Caen…

Ne reprochons pas au Royaume-Uni d’agir pour lui-même. Il l’a toujours fait et c’est de bonne guerre. Mais la « gratitude éternelle » de notre Président pour Albion n’est-elle point surjouée ? Quelle transcendance dans les jeux de dupe de la diplomatie ? Oui, il faut aux nations des symboles unitaires, mais la mascarade hypocrite de la majorité de nos politiques à vouloir se parer de la dépouille gaullienne est pitoyable.

Le prince Charles l’a bien dit, qui n’en espérait peut-être pas tant : « Je vous remercie de vos paroles si bienveillantes. » Et il aurait pu ajouter : « Français, vous avez vraiment la mémoire courte... »

Pierre Arette
Pierre Arette
DEA d'histoire à l'Université de Pau, cultivateur dans les Pyrénées atlantiques

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