Le populisme érigé au rang de « risque » par le chef d’état-major des armées !

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On lit, on relit la citation. On a comme un doute : serait-ce encore une de ces « fake news » colportées par ce qu’il est convenu d’appeler la fachosphère ? Sans doute des propos mal retranscrits, sortis de leur contexte, comme on dit. Et puis, non. C’est bien ça. Il l’a dit. Et pas n’importe où : sur franceinfo. « Nous sommes ici pour assurer notre sécurité pour les 30 ans qui viennent […] car si nous laissons le chaos s’installer, les États sahéliens vont s’effondrer sur eux-mêmes, laisser la place à l’État islamique, ce qui provoquera une pression migratoire sur l’Europe, avec tous les risques populistes que cela entraînera. »

Ces propos ne sont pas ceux d’un ministre, d’un politique, mais d’un militaire : le général d'armée François Lecointre, chef d’état-major des armées. Faut-il comprendre dans ces propos, pour faire court, que nos soldats combattent, au péril de leur vie, en Afrique pour, indirectement, conjurer « les risques populistes » en Europe ? Ils seront sans doute heureux de l’apprendre, ainsi que leurs familles. On imagine alors le tiraillement d'un certain nombre d'entre eux (on dit qu'ils seraient, d'ailleurs, assez nombreux) qui prennent le risque populiste dans l'isoloir. Qu’est-ce, d’ailleurs, que « les risques populistes » ? On aimerait le savoir. Faudra-t-il les cataloguer dans le prochain Livre blanc sur la défense et la sécurité nationales ? Pourquoi pas, carrément, les ériger au rang de « menace », comme le terrorisme ? Tant qu’à faire.

On sait très bien à qui le qualificatif « populiste » est collé, en France. Tant à droite qu’à gauche de l’échiquier politique. Mais pas que… N’est-ce pas Emmanuel Macron, au congrès des maires de 2018, qui avait déclaré : « Nous sommes des vrais populistes, nous sommes avec le peuple ! » Il y aurait donc les vrais et les faux populistes. Pas facile, tout ça. Comme les bons et les mauvais chasseurs… Le CEMA s’engage décidément sur un terrain difficile.

Un terrain où l’on n’attend pas un militaire tenu par le devoir de réserve, ce militaire fût-il de très haut rang. Or, qualifier le populisme de « risque », c’est-à-dire de façon négative, c’est à l’évidence prendre une position politique et, donc, sortir de ce devoir de réserve, les opinions politiques ne pouvant être exprimées qu’en dehors du service, selon les termes même de la loi portant statut général des militaires.

Le 11 juin dernier, auditionné par la Commission de la défense nationale et des forces armées, le général Lecointre s’était exprimé autour de cette question du devoir de réserve des militaires. De façon assez confuse, il faut bien le dire. Jugez-en : « Je suis toujours sensible aux anciens militaires qui font de la politique en respectant le devoir de réserve qui s’impose à tout militaire. » Par définition, un ancien militaire n’est plus militaire et, donc, logiquement, n’est pas tenu au devoir de réserve… Passons. Et d’ajouter : « Je me suis exprimé tout à l’heure devant un certain nombre de généraux en 2e section en leur disant que je comprenais que M. Untel ait envie de faire de la politique et de s’engager pour être député, sénateur ou maire, mais que je ne comprenais pas que le général Untel en 2e section le fasse, et que si je comprenais bien que M. Untel prenne publiquement fait et cause pour telle ou telle liste, je ne comprenais pas que le général ou l’amiral Untel fasse des déclarations publiques de cette nature. »

Et lorsqu’un général en 1re section, et pas des moindres, fait des déclarations publiques qui s'apparentent à une prise de position politique, on ne comprend pas non plus.

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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