Un débat sur le thème d’un marché en devenir du luxe africain a eu lieu, ce 15 juillet, à Abidjan, qui pourrait faire date dans le développement socio-économique du continent et offrir des opportunités aux entreprises françaises.

Capitale économique de la Côte d’Ivoire en voie de développement (le slogan creux et racoleur de l’émergence est heureusement moins omniprésent, une fois passées les échéances électorales), point d’entrée et poumon économique de l’Afrique de l’Ouest francophone, Abidjan se présente sous ses plus beaux atours comme « la perle des lagunes » et affiche l’ambition politique de développer le secteur du tourisme à travers un ambitieux plan gouvernemental intitulé « Sublime Côte d’Ivoire » - que le secteur privé est évidemment appelé à financer et à réaliser.

C’est ainsi que deux entrepreneuses françaises, Coralie Omgba, gestionnaire de fortunes d’origine camerounaise établie à Paris et à Genève, associée à Anouch Sedef, avocat d’affaire d’origine arménienne établie à Dubaï et spécialisée dans le yachting, développent un concept original et ambitieux de « marché africain du luxe » à travers leur cabinet de conseil All Sees Ltd. En partenariat avec des marques étrangères prestigieuses comme l’École hôtelière de Lausanne (EHL) pour former sur place des Africains aux métiers d’excellence associés à la chaîne de valeur du luxe sous toutes ses formes. Avec pour objectif de les inciter à rester travailler sur leur continent pour contribuer à son développement.

Loin des modèles paternalistes d’aides publiques repentantes déguisées et mal maîtrisées dont profitent avant tout les agences publiques de développement et les bailleurs de fonds internationaux tout en maintenant les économies africaines dans la dépendance, cette initiative privée, originale à plusieurs titres, pourrait ouvrir la voie à un mode de partenariat réellement gagnant-gagnant fondé sur un transfert mutuel de connaissances et de compétences entre des intérêts africains autonomes et leurs partenaires commerciaux étrangers.

Cette initiative illustre un changement progressif de paradigme socio-économique majeur auquel nous assistons sur place depuis une dizaine d’années. Dans des économies africaines de l’offre autant que de la demande, soumises à une concurrence locale et internationale exacerbée qui impose aux entreprises de se différencier, de nombreux secteurs de fabrication et activités de service prennent de plus en plus en compte les besoins et les aspirations de centaines de millions de représentants d’une nouvelle classe moyenne et d’une classe supérieure qui revendiquent leur africanité culturelle, considérée comme une valeur identitaire et sociale positive.

Or, contrairement à de nombreuses analyses alarmistes motivées par des aspects « un tiers-mondistes et deux tiers mondains » (l’expression est de Coluche) et par l’appât des aides internationales souvent dévoyées, le continent africain a été et reste beaucoup moins impacté par le ralentissement économique mondial causé par la pandémie de Covid. De plus, en Afrique comme ailleurs dans le monde, « le luxe ne connait jamais la crise » et il ne s’agit pas de substituer une industrie du luxe africain à celles existantes ailleurs ou de les délocaliser mais de développer un nouveau segment de marché qui s’ajoute aux autres. Foin des idéologies socialisantes, égalitaristes et progressistes importées de l’étranger, ce secteur global profitera au moins autant aux femmes qu’aux hommes, les deux seuls genres humains encore reconnus dans des sociétés encore attachées à des valeurs traditionnelles et familiales saines.

Ainsi, loin des considérations misérabilistes de tous horizons, le marché africain du luxe en développement n’est pas une futilité indécente mais une priorité structurante des économies africaines, pourvoyeuse de formations et d’emplois de qualité qui tirent de nombreux métiers vers l’excellence et profiteront à toutes les couches de la société. Reste à convaincre les acteurs internationaux du luxe, marques et artisans, investisseurs et fournisseurs, à se lancer dans cette aventure africaine sans attendre d’autorisations ou de garanties publiques, ni que tous les voyants soient verts, dans un esprit de réel entrepreneuriat qui manque tant aux entreprises françaises frileuses car habituées au biberonnage institutionnel, et pourrait contribuer à enrayer le déclassement continu de la France en Afrique comme nous l’avons déjà rapporté dans cette tribune.

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01 août 2021 à 21:00

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