En un réflexe de mauvais perdant, l’Europe carolingienne a été prompte à décréter le blocus de l’Angleterre brexiteuse. Au prétexte du virus, alors que le Royaume-Uni est déjà en train de se faire vacciner depuis début décembre, on a pris en otages nos routiers. D’aucuns se sont réjouis trop vite ; les partisans de Bruxelles ont parfois les accents du journaliste collaborationniste Philippe Henriot sur Radio Paris, affichant cette joie mauvaise qui se dit Schadenfreude en allemand. Creusez un peu, la haine de l’Angleterre cache toujours, tapie, la haine de la liberté. La vérité, c’est qu’il faut à tout prix faire taire les velléités d’indépendance des pays encore membres, parce que la bonne nouvelle, avec le Brexit, c’est que l’adhésion à l’Union européenne n’est plus irréversible.

Le Premier ministre britannique a brandi, jeudi soir, les deux mille pages de l'accord commercial post-Brexit conclu avec l'Union européenne. « Ce soir, pour le réveillon, j'ai un petit cadeau pour ceux qui chercheraient quelque chose à lire dans la torpeur de l'après-déjeuner de Noël. »

« Vous vous souvenez de l'accord prêt à mettre au four ? », poursuit Boris Johnson, reprenant l'antienne de sa campagne de décembre 2019. Cet accord était « juste l'entrée ». L'accord de libre-échange conclu jeudi est le « festin », « plein de poisson, d'ailleurs », poursuit Boris, plaisantant ainsi sur l'un des principaux points de discorde. « Je crois qu'il sera la base d'un partenariat heureux, couronné de succès et stable avec nos amis de l'UE dans les années à venir […] Voilà, c'est la bonne nouvelle de Bruxelles, maintenant place aux choux », dont les Britanniques raffolent, « et joyeux Noël à vous tous. »

Concernant les biens, l'accord garantit des échanges sans droits de douane ni quotas pour « tous les biens qui respectent les règles d'origine appropriées ». Du jamais-vu dans un accord commercial. Cet accord inédit permet d'éviter une rupture dans les chaînes de production pour certains secteurs comme l'automobile. Les entreprises du Royaume-Uni gardent, ainsi, un accès à l'immense marché unique européen de 450 millions de consommateurs. Et les firmes européennes aux 66 millions de Britanniques. Mais la France, pour sa part, a dégagé 12,5 milliards d'euros d'excédent commercial avec son voisin insulaire, en 2019, où elle exporte son vin et ses produits de boulangerie.

« Un produit alimentaire ou industriel britannique qui rentre sur le marché européen après le 1er janvier ne paiera pas de droits de douane, mais contrôlé par nos douaniers et nos vétérinaires, devra respecter toutes nos normes », assure Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères.

Plusieurs accords de libre-échange ont déjà été conclu avec des États non européens, comme le Japon, la Corée du Sud, la Suisse, Israël, treize pays africains ou encore Singapour. En attendant l’accord avec les États-Unis.

L'exode prédit dans les services financiers au moment du vote pour le Brexit n'a pas eu lieu. « L'avenir de la City ne semble pas remis en question à court terme car il n'y a pas de nouveau centre financier qui émerge en Europe », estime l'économiste Vincent Vicard. Aucune place financière européenne n’a la même envergure que la City de Londres et ses 450.000 cols blancs.

Sur le plan universitaire, le coûteux programme Erasmus cédera la place au programme Alan Turing, du nom de ce célèbre mathématicien britannique. Il permettra aux étudiants britanniques d'aller étudier dans les « meilleures universités » partout dans le monde et non seulement en Europe.

Le Danemark, l’Irlande, entrés dans l’Union européenne en même temps que le Royaume-Uni, pourraient suivre… voire d’autres. L’Union européenne bureaucratique, laboratoire de la globalisation, déjà mitée par la Pologne et la Hongrie, commence à sentir le sapin.

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26 décembre 2020 à 12:30

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