La Macronie, ou la crise de la démocratie

macron

Dans une société d’images, la violence ne révèle pas toute sa réalité. Paris et plusieurs villes, comme Bordeaux et Rouen, ont été le théâtre d’affrontements entre des « gilets jaunes » et les forces de l’ordre, le 5 janvier dernier. Sachant que n’est « gilet jaune » que celui qui revêt un gilet jaune. Qui représente qui, dans une crise généralisée de la représentation ? Tant que les policiers et les militaires accepteront de servir de chair à canon en vue d’une stratégie de criminalisation, le peuple ne pourra obliger le Président à dissoudre l’Assemblée nationale.

Par ailleurs, les intimidations et les menaces dont font l’objet des députés macroniens sont stupides : à quoi cela sert-il de s’en prendre à des Playmobil® ? Des personnages hauts en couleur qui racontent des histoires… Le péché originel, en Macronie, c’est la confusion entre civilisation et gentrification. Il est vrai, pourtant, que le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux a été inspiré en déclarant, la veille de la dernière manifestation : "Nous devons aller sans doute encore plus loin dans le changement, être encore plus radicaux dans nos méthodes, nos manières de faire, dans notre style..." C’est dit : la Macronie entend se radicaliser. Or, dans une cour d’école (sans véritable école), c’est celui qui dit qui est.

Retour en arrière : en 2017, les startupers et les baby-boomers s’étaient coalisés pour élire une élite mondialisée, et ce, avec près de 26 % d’abstention au second tour de l’élection présidentielle et près de 52 % d’abstention au premier tour des élections législatives qui s’en sont suivies. Un coup de Trafalgar électoral conforté par le putsch médiatico-judiciaire qui a frappé le candidat Fillon. Retour du refoulé : la riposte de la majorité silencieuse explose dans le même incubateur que le télé-évangélisme macronien - la bulle Internet. Des marcheurs contre les Marcheurs qui ont des revendications, non en faveur de l’ouverture, mais de la protection : « Taxer le fioul maritime et le kérosène »/« Protéger l’industrie française »/« Que les causes des migrations forcées soient traitées »/« Entrée du référendum d’initiative populaire dans la Constitution », etc.

En face, le Président Macron a trouvé une parade : lancer un grand débat national sur la base de cahiers de doléances. Un véritable simulacre. Le débat se veut être encadré, voire totalement cadré, notamment sur la question migratoire. De toute évidence, l’ordre libéral-libertaire est éminemment totalitaire. La marchandisation y rime définitivement avec la fétichisation. Et la marque appelle des sous-marques : « Les Gilets jaunes libres », « Gilets jaunes le Mouvement », « La France en colère », « Les émergents »… Ruse de l’ambition oblige, le gilet jaune n’est plus qu’un but spéculatif.

Chaque camp a conscience qu’une perte humaine chez l’adversaire fera les affaires de l’autre. La technocrature et l’État étant dissociables, l’inconscient collectif pense que « le moyen de la violence légitime » (Max Weber) n’a plus de sens. Voilà pourquoi l’élève de Ricœur n’est plus en mesure d’asseoir son autorité. Démocrite disait que « le caractère d’un homme fait son destin ». Ce Jupiter fait passer des vessies pour des lanternes et fait le sourire de l’ange pour libérer la bête. Avec un tel homme à sa tête, la France de Clovis et du Comité de salut public semble courir à sa perte.

Henri Feng
Henri Feng
Docteur en histoire de la philosophie

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