L'acte VIII des gilets jaunes, samedi dernier, a été une nouvelle fois émaillé d'incidents : à en croire les images de l'ex-boxeur Christophe Dettinger et celles du commandant Didier Andrieux à Toulon, le climat est loin de s’apaiser entre manifestants et forces de l'ordre. Hier soir, le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé de nouvelles mesures pour venir à bout des casseurs. Réaction d'Alexandre Langlois au micro de Boulevard Voltaire.

Les forces de l’ordre ont vécu une manifestation difficile samedi dernier. De nombreuses violences ont été relatées, notamment celles du boxeur Christophe Dettinger qui s’en est pris aux forces de l’ordre à main nue, et celles de ce commandant de police.
Qu’avez-vous pensé de ces images ?

Il est inadmissible de la part de monsieur Dettinger de s’attaquer à des policiers ou à des gendarmes. Des moyens pacifiques existent pour régler des situations et des contentieux avec les forces de l’ordre. On note la différence entre Christophe Dettinger qui a eu le bon goût d’aller faire un mea culpa et de se présenter de lui-même à la justice, et certains délinquants criminels qui ne le font pas. Cependant, on espère que la justice le sanctionnera. Si la justice ne le sanctionnait pas, cela signifierait qu’on pourrait agresser impunément les forces de l’ordre simplement en présentant des excuses.
Notre collègue commandant n’a malheureusement aucune excuse. Il est en train d’agresser quelqu’un qui est manifestement maîtrisé et par plusieurs personnes. Ce n’est pas parce que la personne a un casier judiciaire ou un TAJ long comme le bras qu’il faut nécessairement user de la violence une fois qu’elle est maîtrisée. Pour le gilet jaune, nous n’avons pas encore tous les éléments, il prétend qu’il a un tesson de bouteille. Nous avons beau regarder les vidéos dans tous les sens, on ne voit rien.
En revanche, on constate qu’à Paris, le ministre de l’Intérieur a immédiatement saisi la justice. Il aurait été de bon goût qu’il fasse de même à Toulon, pour que la justice puisse travailler sur notre collègue commandant. Cela aurait permis de savoir réellement ce qui s’est passé. C’est dommage qu’il se soit retranché derrière le préfet du Var.

Plusieurs réactions politiques ont été relevées, notamment celle de Christophe Castaner. Il s’est adressé aux forces de l’ordre en disant: ‘’ honte à ceux qui vous insultent et qui vous frappent, car à travers vous, c’est la République qu’ils outragent’’
Cette déclaration vous a-t-elle fait réagir ?

Oui, tout à fait. Il n’y a pas de raison qu’on se fasse agresser, alors que nous faisons notre travail pour assurer la sécurité de tous, des manifestants, des riverains et la nôtre.
Mais il faut avant tout une réponse politique à ce conflit. Nous recevons les insultes, les crachats et les coups à cause des non-réponses gouvernementales, sociétales et sociales. À partir de là, c’est honte à lui de ne pas assurer son job.
Nous assurons de notre mieux la sécurité, malgré l’état d’épuisement des forces de l’ordre. Je rappelle au passage que depuis le début de l’année, nous sommes déjà à 4 suicides. Nos collègues n’en peuvent plus et sont déboussolés.
Christophe Castaner peut garder son discours. Depuis qu’il a pris ses fonctions, nous en sommes déjà à 14 suicides sous son ministère.


Pour réagir à cette surviolence et surexploitation des forces de l’ordre, Édouard Philippe a suggéré plusieurs séries de mesures, et notamment la mise en place d’un fichier de casseurs et d’un dispositif policier assez inhabituel pour des événements comme celui-là. Un tel dispositif est-il nécessaire ?

En demandant cela, le syndicat Alliance se positionne en service après vente du gouvernement. Je rappelle qu’ils ont appelé à voter pour monsieur Macron. C’est d’ailleurs le seul syndicat de police qui avait donné des consignes de vote.
Ce fichier existe déjà. C’est le fichier des fichés S. Les services de renseignement tels que le renseignement territorial, la DGSI et le renseignement parisien ont des fiches S pour les personnes violentes lors des manifestations. Ce sont des personnes qui sont suspectées et soupçonnées très fortement d’avoir des implications dans des actes violents. Nous n’avons pas les preuves pour les présenter à la justice, mais elles sont surveillées de très près par les services de renseignement. Si elles passent à l’acte ou si des éléments très probants justifient qu’elles passeront à l’acte de façon certaine, elles seront présentées à la justice.
La comparaison de monsieur Philippe avec les hooligans est complètement lunaire. On parle d’un événement sportif, alors que là on parle du droit constitutionnel de manifester. Cela n’a rien à voir.
Par ailleurs, les hooligans vont au stade donc on sait où ils vont. Les manifestations des gilets jaunes sont non déclarées et spontanées. Ce sera donc compliqué de les interdire de manifestation si on ne sait pas où ils sont.
Si ces propositions étaient appliquées, cela donnerait des surcharges de travail à nos collègues de commissariat, car ils devront faire des pointages. Cela n’aura donc rien réglé au problème du surtravail des policiers et des gendarmes.
Pour les hooligans, nous appliquons généralement des décisions de justice. Ici, ils veulent se baser sur des soupçons. Lors de la loi travail, des opposants politiques et des journalistes avaient été interdits de se rendre dans des manifestations. La justice avait cassé ces décisions complètement arbitraires, indignes d’une République et d’une démocratie.
Nous pensons donc que ça va mettre de l’huile le feu. De surcroît, le fichier existe déjà. Les propositions faites sont anti-démocratiques et anti-républicaines et ne changeront rien à la surcharge de travail.
Nous demandons plutôt d’appliquer les lois existantes, au lieu de vouloir renforcer les lois pour sanctionner davantage. Encore faut-il qu’on nous donne l’ordre d’aller interpeller les manifestants plutôt que de les laisser faire.
Pour pouvoir les identifier, une loi existe déjà. Elle interdit aux manifestants de se masquer sur la voie publique. Malheureusement, elle n’est pas appliquée. Appliquons-la !
Des choses pourraient déjà être faites, mais elles ne le sont pas. Alors, pourquoi suggérer une proposition de loi qui ne sera votée que dans quelques mois lorsqu’il n’y aura plus événements et que tout le monde aura oublié.
Nous avons l’impression de brasser du vent pour ne rien faire.

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08 janvier 2019 à 10:57

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