La France ultra-endettée s’est offert des JO à 6 milliards ! Trois fois plus que le devis…

Ce n'est pas l'État mais Nicolas qui paie. Donc, vous et moi.
@Wikimedia commons
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La Cour des comptes vient de publier un rapport sur le coût, pour l'État, des Jeux olympiques : six milliards d’euros, soit trois fois plus que prévu. Les organisateurs protestent et, pourtant, les chiffres sont têtus. Une seule erreur dans son constat, pas l’État qui paie, mais un prénom avec lequel il rime : Ce n’est pas l’État, mais Nicolas qui paie. Comme toujours.

Les organisateurs prétendent que la Cour des comptes aurait intégré à tort certains coûts puisque, par exemple, des infrastructures destinées à servir au-delà des Jeux olympiques. Ils voudraient passer quelques lignes ailleurs. C’est la martingale classique d’une entreprise en faillite et experte en passe-passe comptable. Pourtant, la Cour des comptes est bonne fille, elle prévient tout de suite qu’elle n’a pas intégré le coût lié au fameux « plan baignade » dans la Seine, compte tenu de son imprécision, dont le montant est estimé entre 200 millions d’euros et 1 milliard d'euros. Possiblement, donc, à elle seule un sixième du montant global restant. Ce n’est plus le plan baignade, c’est le plan noyade des finances publiques.

Immense gabegie

Que retenir, dans cette immense gabegie ?

Qu’est loin le temps des gouvernants façon Thatcher qui, en fille d’épicier ayant vécu la guerre, tenait de son père l’habitude de retourner les enveloppes au 10 Downing Street pour pouvoir les réutiliser. O tempora, o mores !

Citons, par exemple, le livret pédagogique - c’est la passion flyer de ce gouvernement - intitulé « Au cœur des Jeux », diffusé aux élèves de CP et de CM2, pour la modique somme de 15,2 millions d'euros. Autant mettre la somme directement à la benne. Qu’en ont fait les enfants ? Rien, ou peut-être des avions en papier. « Ce kit donnera lieu à un temps d’échanges entre les élèves et leurs professeurs sur l’histoire des Jeux olympiques et l’importance qu’ils revêtent pour notre pays », explique-t-on sur les sites de l’Éducation nationale. On préférerait qu’ils échangent sur l’accord du participe passé et du COD avant le verbe. Là, l’échange passe assez mal, visiblement.

Que par ailleurs cette sécurité pendant les JO que l’on nous vante, à raison, sur tous les tons, a coûté une blinde : 1,4 milliard d’euros, assumé à 95 % par l’État, avec « une stratégie de saturation de l’espace public » que chaque Parisien, notamment, a pu voir. Sécuriser la France lors d’un événement festif a un prix colossal et ne peut donc rester qu’exceptionnel. D’où les épisodes d’émeutes récurrents, ces derniers temps. Mieux vaut s’y habituer.

Enfin, que l’on peut s’interroger sur les dépenses d’infrastructures majeures (estimées à 1,24 milliard d'euros), qui ont été faites dans le cadre de ces JO mais dans une perspective « d’héritage ». Ce sont peu ou prou ces dépenses que les organisateurs disent ne pas vouloir assumer car elles sont prévues pour rester… oui, mais rester jusqu’à quand ? Il y a eu, par exemple, le Pôle de référence inclusif de sportif métropolitain (PRISME), pour 63,7 millions d'euros, à Bobigny, en Seine-Saint-Denis, ou encore le centre aquatique d’Aulnay-sous-Bois (40,9 millions d'euros). On sait qu’Aulnay-sous-Bois a vu partir en fumée plusieurs bâtiments, en juin 2023. À Bobigny aussi, les émeutes ont fait des dégâts.

Fête permanente

On peut surtout se demander pourquoi un pays aussi dramatiquement endetté que le nôtre va dépenser dans des Jeux ? Combien de scanners pour les hôpitaux, dans ces six milliards ? Pourquoi s’être (encore) porté volontaire en 2030 ? C’est que, comme tous les gouvernants décadents en fin de règne au bord de la bascule ultime, les nôtres sont frappés du syndrome de la fête permanente. On connaît la république de Venise, la Régence - confer le film de Bertrand Tavernier Que la fête commence... dont la dernière image annonce la révolte proche du peuple - et puis, bien sûr, l’Empire romain. Cocteau disait : « La décadence est la grande minute où une civilisation devient exquise. » Le problème, c’est la minute d’après, quand les lampions sont éteints, que l’on retourne à l’obscurité et, donc, à l’obscurantisme.

Une civilisation commence guerrière, elle se termine (souvent) en bacchanale. C’est le fameux tableau de Thomas Couture au musée d’Orsay : Les Romains de la décadence. Thomas Couture avait associé son œuvre à deux vers de Juvénal : « Plus cruel que la guerre, le vice s'est abattu sur Rome et venge l'univers vaincu. » En l’occurrence, l’artiste visait la monarchie de Juillet, discréditée par des scandales. Mais on pourrait l’appliquer à la France d’aujourd’hui : ne plus régner sur le monde par la force ni la conquête, mais se donner l’illusion que l’on rayonne encore par la fête permanente. La vide et inutile vasque des JO lancée dans le ciel au même moment que la bombe des Américains en est une allégorie parlante. Chacun tente de briller avec ce qu’il peut.

Et la phrase de Juvénal pourrait s’appliquer à l'ancien Empire colonial, vengé par notre décadence qui nous laisse désarmés et à sa merci. Comme un aveu, Thomas Jolly, dans son affreux spectacle, avait précisément choisi de mettre en scène des bacchanales. Il faut noter que ces fêtes ont aussi la caractéristique d’exclure le peuple. Il y avait bien des places offertes à Monsieur Tout-le-Monde, mais c’est quand même des bobos de métropole plus que des petits paysans ruraux qui ont profité du spectacle, parce que même si l’on a un billet gratuit, le logement, lui, ne l'est pas.

L’incapacité à savoir faire fête ensemble - on l’a vu encore pour la fête de la Musique - est un inquiétant indice du face-à-face qui s’approche. Tocqueville expliquait cela fort bien, dans L’Ancien Régime et la Révolution. Le journaliste du Figaro Guillaume Perrault y voit une clé d’explication de l’alliance entre paysans et noblesse qui s’est nouée en « Vendée militaire »… mais nulle part ailleurs.

Tocqueville accuse la monarchie absolue, depuis Richelieu, d’avoir « séparé les gentilshommes du peuple » et de « les attirer à la cour et dans les emplois »… en particulier Louis XIV, dont la perruque poudrée est bien éloignée du glaive du premier roi chrétien Clovis. Tocqueville cite justement la lettre d’un intendant du Roi-Soleil qui « se plaint de ce que les gentilshommes de sa province se plaisent à rester avec leurs paysans, au lieu de remplir leurs devoirs auprès du roi ». Or, « la province dont on parlait ainsi, c’était l’Anjou ; ce fut, depuis, la Vendée. Ces gentilshommes qui refusaient, dit-on, de rendre leurs devoirs au roi sont les seuls qui aient défendu, les armes à la main, la monarchie en France, et ont pu y mourir en combattant pour elle ; et ils n’ont dû cette glorieuse distinction qu’à ce qu’ils avaient su retenir autour d’eux ces paysans, parmi lesquels on leur reprochait d’aimer à vivre. » Le film Vaincre ou mourir l’illustre très bien. Le 24 juin, ce sont les feux de la Saint-Jean, jadis divertissement de tous. Une poignée de Français enracinés les sautent encore. Aujourd’hui, on connaît surtout les feux de poubelle et de voiture provoqués par les tirs de mortier de Gros-Jean-comme-devant : c’est celui, dont le deuxième prénom est Nicolas, qui en paie la facture.

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Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

97 commentaires

  1. le tableau de la cérémonie d’ouverture, de mauvais goût et blasphématoire, avec des dragqueens obèses, est compris dans les coûts ?..

  2. M’enfin , c’est l’état qui paye … donc ça coûte rien …. C’est Hollande qui l’a dit …

  3. Nous l’avions bien compris dès la cérémonie d’ouverture, et même bien avant lors de la construction des équipements sportifs et le logement des délégations . Dés le début la gabegie c’est déclaré d’abord avec le salaire faramineux d’Estanguet , pendant avec les vacances d’hidalgo à Tahiti , ensuite avec les primes accordées aux fonctionnaires police hôpitaux sncf ratp tous ont réclamé et touché avant que le moindre centime des fameuses recettes ne soient entré dans les caisses. Tous le monde le savait mais ceux qui aiment le sport se sont bouchées les oreilles surtout ne pas s’en prendre aux JO , les JO c’est sacré et ce depuis la Grèce antique, le Roi Manu a fait sont ciné et pour un temps il a soufflé même pascal Praud a été émerveillé alors si CNEWS valide tout ça au nom du rayonnement et de la grandeur de la France , il n’y a plus à redire non ??

  4. Personnellement les français paieraient jusqu’à ne plus remplir leur assiette me ravirait. On a ce que l’on mérite fort souvent dans la vie et cette gabegie en est l’exemple type, suite à la réélection ado narcissique.

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