La France contrainte par le droit européen de rapatrier un Ouzbek radicalisé

gerald-Darmanin

Gérald Darmanin se serait sans doute bien passé de cette déconvenue. Depuis l’assassinat du professeur Dominique Bernard, le 13 octobre dernier, le ministre de l’Intérieur se félicite chaque jour sur son compte X (anciennement Twitter) des expulsions de clandestins dangereux. Le 15 novembre, il annonce ainsi l’expulsion vers l’Ouzbékistan d’un certain M. A., âgé de 39 ans, fiché au FSPRT (Fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste). Seulement, il y a quelques jours, le Conseil d’État a jugé cette expulsion illégale au regard du droit européen. La plus haute juridiction administrative a alors demandé à la France de rapatrier cet étranger et de lui verser 3.000 euros.

Expulsé et finalement rapatrié

Tout commence au printemps 2021. M. A. se voit visé par une interdiction administration du territoire en raison de « son ancrage dans la mouvance djihadiste ». L’homme d’origine ouzbèke aurait donc dû être expulsé. Seulement, le 24 décembre 2021, il dépose une demande d’asile auprès de l’OFPRA. Au terme de l’analyse de son dossier, sa demande est refusée. M. A. entame alors tous les recours possibles : Cour nationale du droit d’asile (CNDA), Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)… Après avoir été assigné à résidence en vue de son expulsion, la CNDA tranche définitivement le 15 avril 2022 et rejette sa demande. Une nouvelle fois, M. A. aurait dû être expulsé… Mais, quelques jours plus tard, la CEDH annonce suspendre la décision de la CNDA afin d’approfondir l'examen du dossier, notamment sur la question des risques encourus en Ouzbékistan. Autrement dit, la France, conformément au droit européen, n’a plus le droit d’expulser cet individu.

C’est alors qu’intervient l’assassinat de Dominique Bernard, relançant le débat sur les expulsions d’étrangers radicalisés. Gérald Darmanin promet alors de multiplier ses efforts et annonce, le 16 novembre, avoir expulsé M. A., en dépit de la mesure suspensive de la CEDH. Aussitôt, la Ligue des droits de l’homme, la Cimade ou encore le Syndicat de la magistrature s’agitent pour dénoncer « une expulsion illégale » et une « violation du droit européen ». Sollicité sur la question, le Conseil d’État vient de trancher et demande à la France d’organiser à ses frais le rapatriement de cet individu ouzbek, de lui délivrer un visa et de lui verser 3.000 euros. Une condamnation assortie d’une astreinte de 300 euros par jour de retard.

Primauté du droit de l’UE

Cette situation n’a pas manqué de soulever une vague d’indignation à travers le pays, à l’heure où les Français réclament une politique migratoire ferme. Interrogé à ce sujet sur CNews, Gérald Darmanin promet de se montrer intransigeant : « J’ai décidé de le renvoyer dans son pays […], qu’importent les décisions des uns et des autres. […] Nous allons tout organiser pour qu’il ne puisse pas revenir. » Y parviendra-t-il ?

Au-delà de ce cas particulier, cette condamnation interroge sur le pouvoir de la CEDH. En effet, avec sa décision du 7 décembre, le Conseil d’État rappelle et ordonne au ministre de se conformer au droit européen édicté par la CEDH. Autrement dit, le juge administratif ré(affirme) la supériorité du droit européen sur le droit national. « Le juge est devenu l'auxiliaire zélé des juridictions supranationales », s'indignent ainsi plusieurs juristes dans une tribune publiée sur le site de Marianne, au mépris de l'intérêt de la population. C’est pour lutter contre cet état de fait que les Républicains ont déposé et soumis au débat, lors de la dernière niche parlementaire le 7 décembre dernier (quelques jours avant le débat sur la loi Immigration qui n'a pas eu lieu pour les raisons que l'on sait), une proposition de loi visant à réaffirmer « la souveraineté de la France ». Avec ce texte, ils espèrent que la France puisse « décider souverainement qui elle souhaite accueillir ». L’article 3 de ce texte entend ainsi modifier l’article 55 de la Constitution relatif à l’autorité des traités par rapport à celle des lois et l’article 88‑1 relatif à la primauté du droit de l’Union européenne. Autrement dit, lorsque l’intérêt de la nation le nécessitera, un texte législatif pourra primer sur le droit européen. « Décider souverainement »... On n'y est pas encore, avec un Emmanuel Macron pour qui la souveraineté ne peut être qu'européenne.

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

52 commentaires

  1. Pour neutraliser la CEDH , il n’y a pas besoin d’être juriste; François MITTERRAND était un avocat machiavélique, il a verrouillé le droit de saisine directe de la CEDH de deux façons:
    a) d’abord, il n’a reconnu que la Commission Européenne des Droits de l’Homme, le prédécesseur de la Cour Européenne des Droits de l’Homme; mais il n’a jamais, de 1981 à 1995, reconnu la compétence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme;
    b) ensuite, il a ratifié le Protocole additionnel, validant le droit de saisine directe de la CEDH, pour une durée prefix de cinq ans, durée dont le terme était le 31 octobre 1998; comme cette déclaration n’a pas été renouvelée, il en résulte que cette déclaration est caduque.
    c) enfin, depuis, il est loisible à tout un chacun de saisir la CEDH, en sachant que le formulaire réglementaire est si diabolique, que 99 % des requêtes sont déclarées d’office irrecevables (ce qui permet au Greffier en chef de choisir les affaires qui feront jurisprudence).
    Mais à la sortie, qu’a-t’on ? Une décision rendue par une juridiction de droit étranger. Pour lui conférer en droit français la « force exécutoire », il faut saisir le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, pour solliciter une « ordonnance d’exequatur », qui sera l’unique jugement exécutoire, c’est-à-dire susceptible de mesures d’exécution forcée, par exemple en recourant à un huissier.
    Autrement dit, pas d’ordonnance d’exequatur, pas de jurisprudence de la CEDH. En d’autres termes , poubelle!
    d) Vous voyez: ça tient en 17 lignes, et c’est à la portée d’un élève d’école primaire.

    • Excellente démonstration de la complicité mondialiste des « élites » ; votre démonstration est connue dans les rangs de ses adhérents qui se garde bien d’en utiliser les termes.

  2. Difficile de faire mieux dans les sommets de la stupidité. Depuis quand des responsables d’un état sont tenus de faire passer des intérêts particuliers devant l’intérêt général ? Réponse : depuis qu’existent l’UE, la CEDH, la CJUE et la commission de Bruxelles elle même qui sont tout sauf des institutions démocratiquement mises en place. Mais que peut on espérer de la part de nos dirigeants qui ne croient plus à rien sinon à l’impérative nécessité de transformer les habitants de l’UE en moutons dociles destinés à absorber n’importe quoi pourvu que leurs envies de consommation puissent être satisfaites ?

  3. Merci pour la clarté de l’exposé : la question est bien posée.
    Il devient de pus en plus urgent de DENONCER LA SUPERIORITE DU DROIT EUROPEEN sur le droit national.
    Députés et sénateurs français, à vous de jouer pour que l’interêt du pays soit défendu !!!

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