L’ Europe des statues nous regarde (suite et fin)

Aujourd'hui, nous publions le dernier extrait du très dérangeant "livre annulé" de Christian Combaz, que nous remercions très amicalement.

Il y a vingt ans que je photographie des sculptures, des cariatides, des athlètes, des anges et des jeunes filles éplorées dans les cimetières, sous les balcons, en Italie, en Espagne, en Hongrie, en Slovaquie, en République tchèque, en Pologne. Partout ces marbres d'image pieuse, ces pieds nus, ces poitrines offertes, ces bustes tordus autour des colonnes témoignent, par leur humanité à la fois implorante et solennelle, de ce que les Européens ont en commun, et de ce qu'ils doivent préserver d'urgence : la culture au sens large, c'est-à-dire le mode de vie, la façon d'être, de regarder, la religion, le prochain, le travail, la science, l'industrie, l'agriculture, les aliments, les animaux, les plaisirs de la vie, l'alcool, la nudité, les femmes, les homosexuels.

Tout cela chez nous a donné la civilisation du Second Empire, le Christianisme social, le capitalisme humaniste, le corps de ballet de l'Opéra de Paris, la musique de Camille Saint-Saëns, la tour Eiffel, mais aussi plus tard Renault, le Concorde, Airbus, Bouygues, Eiffage.

Toute l'Europe a chanté les louanges de notre monde équilibré, où les banques d'affaires étaient régionales, où l'art et l'industrie ont connu un développement parallèle, où il y avait des femmes nues sur les boîtes de biscuits et où l'intelligence fleurissait partout. En voyant une fontaine à Vilnius ou à Florence, on comprend que nous sommes de la même famille, une famille qu'on ne métissera jamais, c'est tout simple, jusqu'à rhabiller Neptune en Adidas comme on le voit à Orlando ou à Las Vegas.

En comparant le nombre d'écoles d'ingénieurs et d'écoles d'art en Hongrie et en France, on comprend que c'est le même modèle social qui est à l'œuvre, celui que nous voulons, celui pour qui il n'existe pas de sous-hommes, celui dans lequel les femmes et les homosexuels n'ont pas besoin de s'excuser. Celui où tout le monde peut devenir pilote de chasse ou astronaute, celui où les médecins ne sont pas menacés dans les couloirs des hôpitaux parce qu'ils ont ausculté la femme d'un Somalien, celui où l'on respecte les animaux, la nature, la dignité des faibles. Ce modèle-là doit résister à tous les fourriers de l'internationalisme qui essaient en ce moment de nous fourguer le contraire au nom du commerce, dans le moindre village et jusqu'au fond de la Savoie.

Ce n'est pas pour subir cette greffe forcée, ce n'est pas pour être gavés de produits anti-immunitaires que mes ancêtres savoyards ont choisi la France en 1860 par référendum. Le modèle européen défini par les générations précédentes doit (et va) signifier à toutes les sociétés que l'on force à accueillir des migrants (traduisez : de la main-d'œuvre) que l'intégration, pour un nouvel Européen, ne consiste pas à savoir faire la queue au McDonald's pour demander un Big avec une petite frite.

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