« Dans la tête de… » Jean Messiha : « L’assimilation, c’est un peu comme une histoire d’amour »

Jean Messiha Illu Dans la tete

Avec sa série « Dans la tête de... », Boulevard Voltaire vous fait découvrir de nombreuses personnalités sous un angle inattendu...

Découvrez un Jean Messiha que vous ne connaissez pas à travers l'évocation de ses souvenirs d'enfance, de sa famille, de sa rencontre avec le président égyptien Moubarak, lorsque, adolescent, il était commis au room service à l'hôtel de Crillon. La personne avec qui il rêverait de débattre, son personnage historique préféré, son livre de chevet : Jean Messiha nous dit tout...

De cet entretien, on retient que son parcours et son combat sont indissociables : « Je suis venu d'ailleurs et je suis devenu d'ici. Et je me bats pour que ici ne devienne pas ailleurs. »

 

 

https://youtu.be/GaHc0NaVNoI

 

 

Racontez-nous un souvenir avec votre père ?

 

La première fois que mon père m’a parlé de sa famille, il m’a parlé de mon grand-père, qui était mort à l’âge de 49 ans, et de son jeune frère de 15 ans que mon père a perdu lorsqu’il avait 17 ans.

Mon père était un homme de la terre et venait d’une famille de propriétaires terriens. À 17 ans, mon père a fait volte-face contre ce contexte extrêmement difficile à vivre sur le plan personnel et matériel. Il a réussi à sauver l’héritage familial. C’était une leçon de combativité extrêmement forte pour moi, puisque mon père, à 17 ans, a sauvé l’héritage d’une famille.

 

Quel était votre meilleur souvenir d’école ?

 

Mon meilleur souvenir d’école a été mon arrivée au lycée Saint-Louis-de-Gonzague, à Paris, pour mon année de terminale. Je n’avais pas été un très bon élève pendant toute ma scolarité et, en cette année de terminale, j’avais commencé en étant 25e de la classe sur une classe de 34 et j’avais fini, à la fin de l’année, dans les dix premiers. C’était la première fois que j’avais un tel classement.

C’était le couronnement de toute une ascension qui avait probablement démarré dans le primaire.

 

Quelle impression avez-vous eue, la première fois que vous êtes arrivé en France ? 

 

C’était un matin d’octobre 1978, j’avais alors 8 ans révolus et la rentrée venait d’avoir lieu. Lorsque je suis arrivé, je me souviens d’un climat très gris et frais. Je viens de Mulhouse, en Alsace, et ce qui m’avait frappé, en Alsace, c’était l’extrême propreté de cette ville et l’homogénéité, à l’époque, de sa population et une certaine fermeture. Les gens ne sont pas spontanément accueillants, mais j’ai appris par la suite qu’ils mettaient du temps à vous adopter, et une fois qu’ils l’avaient fait, c’était un peu pour la vie. C’est un peu l’inverse d’une certaine culture méditerranéenne où on vous adopte spontanément, mais après, c’est beaucoup plus difficile lorsqu’il s’agit d’avoir recours aux soi-disant amis. C’est un peu moins authentique. Le premier jour d’école a été quelque chose de formidable, puisque lorsque je suis arrivé en France, je ne savais pas parler un mot de français. Je me suis retrouvé dans une classe où je ne comprenais pas un traître mot de ce que disait la maîtresse. Je me dis qu’avec la volonté, tout est possible et que la foi déplace des montagnes.

 

Vous avez obtenu une grâce du président Moubarak à 18 ans…

 

Je n’avais pas encore 19 ans et, depuis mes 17 ans, tous les étés, je travaillais en tant que commis au room service dans un hôtel. En 1989, la France mitterrandienne fêtait le bicentenaire de la Révolution française et accueillait 185 chefs d’État et de gouvernement. L’hôtel s’est retrouvé avec une trentaine de délégations étrangères commandées aux frais de la France. Je suis tombé sur un chariot que je devais déposer dans la suite 101. J’étais très précautionneux et j’avançais à pas d’ombre pour ne rien faire tomber.

Lorsque je me suis approché de la table, j’ai arrêté le chariot, levé la tête et j’ai vu le président Moubarak assis avec l’ambassadeur d’Égypte à Paris et, un peu plus loin, les deux épouses. Je lui ai fait la salutation en arabe. Le président m’a répondu et m’a dit « Êtes-vous algérien, marocain ou tunisien ? » Je lui ai répondu que j’étais égyptien. Il m’a répondu que c’est formidable et m’a demandé ce que je faisais ici.

Je lui ai expliqué que mon père avait été diplomate à Paris entre 1982 et 1985 et qu’il était obligé de retourner dans l’administration centrale au Caire et que ma mère, mon frère et moi étions restés à Paris pour continuer nos études.

À la fin de la conversation, il m’a dit «  Puis-je faire quelque chose pour toi ? » C’est une formule de politesse à laquelle traditionnellement on répond « Non, merci, j’ai besoin de rien ». Sauf que moi, j’ai décidé de répondre un peu à la française et je lui ai dit « Cela tombe bien, j’ai un truc à vous demander ». À ce moment-là, l’ambassadeur est devenu violet, « Comment ce jeune insolent ose parler comme cela au président de la République ? »

Je lui ai expliqué que mon père servait l’administration égyptienne depuis 33 ans et que j’aimerais que, pour son dernier poste, il revienne à Paris. Il a demandé à l’ambassadeur de noter.

Je lui ai demandé si c’était bien sûr. Sa femme m’a dit « Mon garçon, le président de la République vient-il de parler ? » Elle rétorque « Qui peut parler après lui ? » Et sur ce, je suis parti. Évidemment, cela a fait un esclandre dans l’hôtel. Le secrétaire général de la présidence égyptienne s’est plaint au directeur du personnel de l’hôtel en disant que ce petit serveur de rien du tout, ce jeune insolent osait s’adresser  au président. Ma mère était terrorisée et m’a dit que j’étais complètement malade.

Trois mois plus tard, mon père était affecté à l’ambassade d’Égypte au Danemark. Mon père m’a dit que c’était fini. Je n’en avais pas fini. Je me suis donc précipité au bureau de poste et j’ai envoyé un télégramme à Suzanne Moubarak et lui ai demandé si elle se rappelait ce jeune serveur qui était entré dans la chambre du président et sa promesse. Manifestement, quelqu’un avait parlé après lui. 48 heures plus tard, mon père était réaffecté de l’ambassade d’Égypte au Danemark au consulat d’Égypte à Paris par décret présidentiel.

 

Une phrase, pour décrire votre assimilation ?

 

L’assimilation est un peu comme une histoire d’amour. Lorsqu’un couple vit ensemble depuis plusieurs dizaines d’années, ils finissent presque par se ressembler physiquement, tellement ils sont dans la fusion. J’ai tellement aimé la France et la France m’a tellement aimé que j’ai fini par lui ressembler physiquement. Aujourd’hui, bien que, si vous vous concentrez sur mon visage, vous verrez des traits qui ne sont sans doute pas gaulois, mais le fait est que l’assimilation à l’intérieur se voit aussi à l’extérieur. Lorsque je parle comme un Français et je me comporte comme un Français, cette différence extérieure ne se voit finalement plus. On se fond dans la race. C’est ce que je résume toujours par cette phrase : « Je suis venu d’ailleurs, je suis devenu d’ici et je me bats pour qu’ici ne devienne pas ailleurs. »

 

 

Quel est votre meilleur ennemi des plateaux télé ?

Tout gaucho progressiste qui se respecte. Le nec plus ultra c’est tout ce qui est indigéniste, décolonial et islamo-gauchiste.

 

 

Avez qui rêveriez-vous de débattre ?

 

Avec Emmanuel Macron.

 

 

Si vous étiez Président, quelle serait la première phrase que vous diriez aux Français ?

 

La France reviendra, je vous le promets !

 

 

Quelle est votre région de France préférée ?

 

J’adore l’Alsace, puisque c’est là que j’ai fait mon baptême du feu pour devenir français. Je garde un souvenir ému de l’Alsace. D’ailleurs, j’ai parlé français avec un accent alsacien pendant très longtemps. C’est une maîtresse d’école alsacienne qui m’a appris à parler le français.

 

 

 

Quel est votre personnage historique français préféré ?

 

J’aime bien l’empereur Napoléon Ier parce que ce fut quelqu’un qui a synthétisé le double génie français. À la fois le génie monarchique et le génie républicain.

 

 

Quel est votre livre de chevet ?

 

Mon livre de chevet est la Bible.

 

 

Quelle est votre espérance pour demain ?

 

L’espérance est un risque qui vaut la peine d’être couru. Mon espérance pour la France de demain, c’est que les combats que nous sommes sûrs de perdre sont ceux que l’on ne mène pas, comme disait le général de Gaulle. Ce n’est pas la première fois que la France sera menacée de disparition. Elle l’a été sous le coup de boutoir des maladies, des pandémies et des invasions.

Aujourd’hui, c’est une menace des temps modernes avec les moyens contemporains. C’est une menace identitaire grave. Il y aura toujours une coquille qui s’appellera la France et il y aura toujours une république qui risque de ne plus être française.

Ce que ne comprennent pas les gaucho-progressistes qui parlent toujours de République et jamais de la France, c’est que la République et toutes les valeurs qui lui sont accolées ont été accouchées par un peuple français et une civilisation française. Dès lors qu’un peuple existe sur un territoire n’est plus celui qui a accouché de ces institutions et de ces valeurs, ces institutions vont rester, mais ces valeurs ne sont plus celles du peuple qui les a enfantées. On ne peut pas disloquer la République de la France, sauf à dire que nous voulons une République qui ne sera plus française. Cela existe. Il y a une République islamique, une République populaire de Chine, une République islamique en Iran, une République arabe syrienne. Il y a des Républiques avec d’autres contenus. La République n’est qu’un contenant. Jusqu’à présent, le contenu était la France. Si vous enlevez la France et que vous y réinjectez autre chose, ce sera toujours la République, mais elle ne sera plus française. Je me bats pour que la République reste française. Je me bats pour que la France reste la France. La République en découlant après.

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Jean Messiha
Directeur et fondateur de l'institut Appolon

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