Jean Messiha : « Ce que j’ai dit à Marine Le Pen »
Le très médiatique et populaire cadre du Rassemblement national Jean Messiha a annoncé son départ de ce mouvement politique.
Il en donne les raisons au micro de Boulevard Voltaire : principalement des divergences de vues sur les questions identitaires, mais également une certaine déception de ne pas avoir obtenu d'investiture lors des différentes élections. Il « préfère avancer plutôt que de ruminer » et dit rester « en très bon terme avec Marine Le Pen ».
Avant hier, Le Nouvel Obs a annoncé votre départ du Rassemblement national. Dans une interview à Valeurs Actuelles, vous avez confirmé votre départ. Vous sortez d’un rendez-vous avec Marine Le Pen où vous lui avez détaillé les raisons de votre départ. Que vous êtes-vous dit pendant ce rendez-vous ?
Je crois que ce rendez-vous était très utile. Il a permis de mettre à plat les choses et de montrer que mon départ ne s’explique pas par des problématiques humaines bilatérales entre Marine Le Pen et moi. Il s’explique surtout par une différence de ligne et de style. On sentait très bien qu’il y avait une petite problématique me concernant ces dernières semaines. Elle était sans arrêt interrogée sur les médias sur mes prises de position. Je ne veux pas mettre qui que ce soit dans l’embarras. J’ai tiré les conséquences de ces différences, de telle sorte que je ne sois plus un problème pour le Rassemblement national et pour sa présidente.
Nous sommes partis en très bon terme et encore une fois, je n’ai rien ni sur le plan humain ni sur le plan politique contre Marine Le Pen.
Vous étiez responsable des études au sein du Rassemblement national. Vous aviez un peu en charge toute la partie programmatique. Il y a eu une divergence de fond. On imagine que le programme que vous vouliez pour le Rassemblement national n’était pas celui de Marine Le Pen…
Je pense que la principale divergence porte sur la question de l’identité. Il y a quelques années, cette problématique était un peu moins prégnante qu’elle ne l’est depuis quelques mois. Cette différence sur l’identité ne s’est pas vue comme elle se voit aujourd’hui.
Depuis les attentats de 2015 et surtout depuis les dernières attaques qui n’ont pas fait beaucoup de morts, mais qui étaient symboliquement extrêmement fortes comme la décapitation de ce malheureux professeur en pleine rue, a constitué un électro-choc. En France, une décapitation nous fait penser à la décapitation de Louis XVI. Il y a comme un marqueur identitaire qui s’est fait avec cette façon d’exécuter, qui plus est d'un responsable qui porte la République au quotidien.
Je pense que la question identitaire est redevenue centrale. D’ailleurs, vous voyez bien que sur toutes les chaînes d’information, on parle principalement de cela avant que ce soit un peu éclipsé par l’élection américaine, mais cela va reprendre de plus belle ensuite. J’ai effectivement une vision de l’identité française, de l’européanité de la France métropolitaine et un avis sur l'incompatibilité de l’islam avec la République qui n’entre pas dans la ligne politique de Marine Le Pen.
A un moment, il faut tirer les conséquences d’une divergence de vues qui était gérable tant que la question n’était pas centrale. Maintenant que cette question devient centrale, cela pose problème.
On vous prête une déception politique. Vous aviez tenté de participer aux élections pendant les Européennes, municipales et plus récemment régionales. Vos espoirs ont été, semble-t-il, déçus. On vous prête aussi des relations conflictuelles avec une partie de l’entourage de la présidente du Rassemblement national. Ces informations sont-elles vraies ?
S’agissant des déceptions aux élections, il est vrai que lorsqu’on s’engage dans un parti politique, cela n’est pas pour devenir une bête de télé et ce n’est pas pour finir cadre dans une organisation partisane. Quand on s’engage en politique, c’est pour être investi et être élu, avoir un mandat quelque part. Force est de constater que cela ne fut pas le cas.
Quand vous estimez à tort ou à raison que votre engagement et vos compétences ne sont pas reconnus, vous tirez les conclusions. Je préfère avancer plutôt que de ruminer. Si cela ne s’est pas fait, ce n’est pas très grave.
Quant à l’entourage de Marine Le Pen, effectivement, je pense qu’un certain nombre de personnes font valoir leur compétence uniquement en cassant du sucre sur le dos des autres. Ils ne cherchent pas par eux-mêmes à montrer qu’ils sont bons. Ils cherchent eux-mêmes à montrer qu’ils sont bons en montrant que les autres sont mauvais. Ce n’est jamais très bon pour l’organisation partisane. J’apprécie le travail d’équipe et j’estime qu’à partir du moment où on est sur le même bateau, on doit s’épauler, s’aider et s’encourager. Ces dernières années, j’ai eu énormément de cadres locaux et de militants qui m’ont appelé, soit parce qu’ils avaient quelque chose à écrire dans un journal, soit parce qu’ils avaient une interview dans un média local. C’est avec bon cœur et avec un investissement total que j’ai épaulé tous ceux qui m’ont demandé.
Lorsqu’il m’arrivait de tomber sur des émissions où les autres cadres du Rassemblement national étaient à la télé, je leur envoyais un message sympa en disant « bravo, tu t’es bien défendu, etc. ».
J’estime que nos ennemis à l’extérieur sont suffisamment nombreux et puissants pour avoir à se tirer dans les pieds à l’intérieur. Force est de constater que tout le monde n’est pas dans cet état d’esprit là. Il faut avancer et ne pas être aigris. Il faut juste prendre acte et continuer à faire les choses conformément à mes convictions et à l’idée que j’ai de la France.
Pensez-vous que Marine Le Pen puisse gagner les élections présidentielles de 2022 malgré vos divergences ? La soutiendrez-vous quand même malgré le fait que vous ne soyez plus au Rassemblement national ?
C’est l’un des sujets que j’ai abordés ce matin avec elle. Il est évident qu’en 2022, si Marine Le Pen est la mieux placée pour remporter l’élection présidentielle, je serai évidemment là pour la soutenir. Encore une fois, je ne pars pas en mauvais terme avec elle. Elle reste quelqu’un pour qui j’ai la plus grande affection et le plus profond respect. Je ne doute pas que ce soit une femme de volonté, de caractère qui ira jusqu’au bout. Bien sûr, je la soutiendrai si elle est la mieux placée pour gagner cette élection !
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