IVG dans la Constitution : Borne et Macron dans la fuite en avant progressiste et les petits calculs politiciens

La « sanctuarisation » (puisque c'est le mot qu'ils emploient) de l'IVG par son inscription dans la Constitution va-t-elle fournir à Emmanuel Macron et Élisabeth Borne cette « majorité de projet » après laquelle ils courent vainement depuis une semaine après le refus des oppositions de participer à l'aventure Macron 2 ? En tout cas, l'affaire tombe bien pour un exécutif sans boussole. Aurore Bergé, nouvelle présidente du groupe Renaissance à l'Assemblée, a annoncé, ce samedi, déposer une proposition de loi dans ce sens qui sera discutée, dès lundi, par les nouveaux députés. Immédiatement, Élisabeth Borne a annoncé que le gouvernement soutiendrait cette proposition. Et tous les groupes de gauche de la NUPES ont suivi comme un seul homme, si je puis dire : Mathilde Pannot et Clémentine Autain, laquelle a même salué dans son tweet le « revirement » de LREM qui avait refusé une telle constitutionnalisation durant le quinquennat précédent.

La décision de la Cour suprême américaine a réussi ce que les coups de fil d'Emmanuel Macron n'avaient pu faire : réunir NUPES et LREM et, peut-être, sauver la tête d'une Élisabeth Borne très fragilisée depuis dimanche dernier, comme le souligne Le Monde, qui qualifiait la drôle de semaine politique que nous venons de vivre de « jeu de poker menteur » entre l'exécutif et les oppositions.

Le jeu continue et c'est donc la Constitution qui, une fois encore, pourrait en faire les frais.

Sauf que les ficelles sont vraiment très grosses. Certes, la NUPES est dans son rôle, en poussant la surenchère idéologique. Mais la majorité et l'exécutif, dont le JDD nous apprend qu'il est en chute libre (-8 points pour Élisabeth Borne, -3 pour Emmanuel Macron), en collant ainsi à une ligne gauchisante, manifestent un opportunisme caricatural : où sont les priorités du pouvoir d'achat, du climat et de la sécurité ? C'est cette diversion opportuniste qu'a dénoncée, sur Twitter, l'économiste Christian Saint-Étienne :

Cette constitutionnalisation était-elle dans le programme du candidat Macron, des députés Renaissance élus dimanche ? Que nenni. Politiquement, cet épisode montre le risque du quinquennat très (trop ?) parlementaire qui s'ouvre : une majorité macroniste condamnée à courir derrière la gauche et tous ses excès, sur les sujets sociétaux, et un gouvernement lui-même prisonnier de cet attelage. L'affaire a aussi pour but de voir quels députés, dans les groupes LR et RN, seraient tentés de s'y rallier. En fait, cette collusion NUPES-LREM montre les convergences « progressistes » de ces faux adversaires, comme le souligne Jean-Frédéric Poisson :

Justement, c'est à droite que l'on a dénoncé la manœuvre, en refusant que des décisions prises par une cour constitutionnelle étrangère pour un pays étranger sans aucune conséquence pour la France entraînent une modification de notre Constitution. Bruno Retailleau a pris l'exemple des armes à feu qu'autorise la cour suprême américaine :

Et Gabrielle Cluzel, sur CNews, celui du voile islamique imposé en Afghanistan :

Quant au député LR de Moselle Fabien Di Filippo, réélu dimanche dernier, il a souligné l'incohérence des macronistes, hier hostiles à cette révision, en rappelant l'argumentaire de Yaël Braun-Pivet lors de son vote de 2018.

Plus généralement, le politologue Dominique Reynié s'est insurgé contre cette propension à réformer la Constitution au gré de l'actualité chaude.

Même Jean-Jacques Urvoas, ancien président socialiste de la commission des lois de l'Assemblée nationale (2012-2016) et garde des Sceaux sous François Hollande, a protesté contre cet « emballement ».

Une chose est sûre : cette législature et ce quinquennat, à l'image du « coup » Mélenchon de la campagne, commencent comme du théâtre, le spectacle ayant quitté l'Élysée pour s'installer au palais Bourbon, assuré avec fracas par les députés de gauche. Du théâtre, car une telle révision de la Constitution a peu de chances d'aboutir : le vote du texte par les deux chambres n'est pas acquis et l'on voit mal Emmanuel Macron convoquer un référendum ou réunir le Congrès (il faudrait une majorité des 3/5) alors que l'IVG n'est nullement menacée en France et que nous sommes confrontés à des défis majeurs, avec la crise économique et la guerre en Ukraine. À moins que le Président ne décide d'être plus théâtreux que les théâtreux de la NUPES. Tout aussi prisonnier de la gauche qu'Élisabeth Borne.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/06/2022 à 8:17.
Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

Vos commentaires

45 commentaires

  1. A propos d’IVG…Ce Pouvoir hégémonique depuis 5 ans, maitrisant bien les Médias TV et Radios, en nous abreuvant à chaque minute d’infos afin de se faire injecter cet ARNm anti Covid avec ses effets néfastes (il vaut mieux la vitamine D), pourrait surtout faire de même (en pub répétées) pour informer la gente féminine qu’il existe plein de contraceptions libres et je pense gratuite pour les plus pauvres, jusqu’à la ligatures des trompes. Tout cela étant préférables à des I.V.G.

  2. Excellent article, rassurant. Effectivement la Majorité du Parlement (Députés et Sénateurs) étant nécessaire au 3/5 soit 555 Parlementaires, il serait dramatique que la Constitution soit modifiée concernant l’IVG qui n’est absolument pas en péril en France.
    Il y a bien plus Urgent. « Le Pouvoir d’Achat » avait dit Macron quand le péril de Zemmour était aux portes d’un face à face. Allez, « en même temps »…

  3. Au-delà de ces arguties, il faut rappeler que toutes les sociétés civilisées s’appuient sur l’interdit de l’inceste et du meurtre, ainsi que la différence sexuelle et celle entre les générations. Inscrire ces transgressions dans une Constitution revient à affirmer que nous ne sommes plus une société civilisée.

  4. N’y a t-il pas plus urgent à faire dans l’immédiat ?
    D’une part il me semble que c’est un sujet qui concerne l’ensemble des français et donc à mettre sur la « Table » par Référendum , d’une part , et non à la macronie de tout vouloir régenter et imposer (quelques figures de proue à décider).
    Et évitons de copier à tout va les décisions de l’Oncle Sam , mais pour cela il serait souhaitable que nos élites politiques n’aillent point s’imprégner de la culture américaine ,

  5. La môme Bergé veut surtout faire parler d’elle et montrer qu’elle existe. Mais par un tel sujet, sa présidence du groupe Renaissance relève plus du crépuscule orageux que d’une aurore ensoleillée.

  6. Cela ne suffit-il pas que le droit à l’IVG soit inscrit dans le Code de Santé publique? Ce gouvernement n’a pas d’autres chats à fouetter? L’insécurité de plus en plus prégnante dans les rues de nos villes, l’inflation galopante, le rationnement à venir de l' »énergie, caché pour l’instant sous des termes moins anxiogènes comme « économie »?

  7. Immigration de masse (non souhaitée) + IGV, à terme, la population Française est appelée à disparaitre, car il ne faut pas se leurrer, c’est bien de cela qu’il s’agit. A l’époque, Mme veil n’avait certainement pas envisagé (j’espère !) pareille hécatombe ….;

    • Quoique l’avortement ne soit pas un faut problème, mais un vrai drame affectant l’avenir même de la nation du peuple Français. Cordialement.

  8. Toucher à la constitution est une idiotie. La loi « WEIL » est pleine de bon sens et surtout intelligente car elle établie et renforce le droit de la femme à disposer d’elle peut être bien plus que le droit de vote.

  9. Qu’ils laissent la Constitution tranquille et s’occupent plutôt de faire appliquer les lois existantes.
    Il s’agit là d’une manœuvre politicienne indigne.
    Consternant

  10. Leur programme a la consistance d’un navet creux. Plus dure sera la chute tel Icare se brûlant les ailes à force de vouloir monter. Le refus de gouvernement aux deux partis émergents que le Peuple a remis en place est significatif. La Macronie n’a que faire de millions d’électeurs. L’heure est très grave. Le pouvoir d’achat et l’insécurité deux cancers en France que l’exécutif ne contrôle pas où plus. La rentrée sera plus chaude qu’en juin.

    • Mais il est prévu le retour du virus et son cortège de privatisation des libertés déjà voté par le patron a Bruxelles aux ordres de Joe pour calmer les ardeurs de la plèbe

  11. Si je comprends bien, on inscrirait dans la constitution, un droit de vie et de mort sur le fœtus mais il me semble que si les femmes sont propriétaires de leur corps, elle ne le sont pas du « locataire «  de leur ventre
    De plus, en France , le débat est stérile puisque personne n’a remis en cause l’avortement ! A moins d’être devenue le 51eme état des US !

  12. Christian Saint Étienne a très bien décrit, dans son tweet, l’incapacité de ce gouvernement et de son chef suprême de s’occuper des VRAIS problèmes des Français dont le pauvre pays part en vrilles depuis 5 ans. DE véritables branques, des pieds nickelés même pas marrants.

    • Ça part en vrille depuis plus longtemps avec toutefois un tournant avec le traité de Lisbonne et dans le même temps l’accélération continue de la déconstruction de la France

  13. Sur ce sujet le RN est pour le moins ambigu.
    Pour Bardella, la loi Veil est un acquis à protéger.
    L’opposition de Jean-Marie Le Pen à l’avortement était claire et nette dans les années 80 puis s’est faite plus discrète.
    Gênée aux entournures par un sujet qui ne l’interresse pas, Marine Le Pen a glissé du refus des avortements de confort à des velléités de voter pour la proposition d’Aurore Berger après avoir au fil des ans dégouté ou exclu du RN tous les défenseurs du respect de la vie.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois