Italie : Le premier discours devant le Parlement de Giorgia Meloni fait souffler un vent nouveau

meloni

Le 25 octobre, Giorgia Meloni a présenté à la Chambre des députés italiens son discours programmatique avant d’obtenir la confiance par 235 voix en sa faveur, contre 154 voix contre. Le lendemain, elle obtenait sans coup férir la confiance du Sénat. Ce discours à la Chambre, le premier, a marqué les esprits et suscité nombre de commentaires en Italie et en Europe. Avec cette allocution d’une heure et quart, interrompue 70 fois par les applaudissements, y compris parfois des rangs de l’opposition, l’ex-jeune militante du MSI du quartier populaire de la Garbatella à Rome désormais au pouvoir est entrée magistralement dans la cour des grands.


Mettant ses pas dans ceux des femmes qui ont fait l’Histoire italienne, elle remercie le peuple italien qui a permis « la pleine réalisation du parcours démocratique, qui veut [que ce soit] le peuple, et seulement le peuple, le détenteur de la souveraineté ». Et elle tacle au passage, sans les nommer, Emmanuel Macron et son gouvernement : « Ces derniers jours, ils ont été nombreux, même en dehors de nos frontières nationales, à dire qu’ils voulaient surveiller le nouveau gouvernement. Je dirais qu’ils peuvent mieux dépenser leur temps […] le peuple italien n’a pas de leçons à recevoir […] Nous sommes les héritiers de saint Benoît, un Italien, patron de toute l’Europe […]. En Europe, l’Italie fera entendre fortement sa voix, comme il convient à une grande nation fondatrice. »

L’Union européenne

Sur l’Europe, ou plus exactement sur l’Union européenne, elle a joué un numéro d’équilibriste : l’objectif est évidemment, alors que l’Italie est dans une situation économique dramatique, de ne pas prendre de front les institutions internationales. Elle ne craint pas, toutefois, d’en pointer tous les dysfonctionnements et d’affirmer l'identité nationale italienne, comme son rang de nation souveraine et fondatrice : « Par sa force et son Histoire, l’Italie a le devoir, avant même d’avoir le droit, de se tenir tête haute dans ces enceintes internationales, dans un esprit constructif, mais sans subalternité ni complexe d’infériorité, comme nous l’avons trop souvent vu par le passé. » Nous agirons « en conjuguant l’affirmation de notre propre intérêt national avec la conscience d’un destin commun européen et occidental », poursuit-elle.

Le conflit russo-ukrainien

Sur l’Ukraine, sa position, toujours très atlantiste et otanienne, relève d’une tradition propre à la droite italienne. Son pragmatisme est presque obligatoire dans sa position de chef de gouvernement italien. En effet, l’armée italienne est bien moins puissante que la nôtre : faire partie de l’OTAN est vu comme un impératif. Par ailleurs, les rapports étroits que Giorgia Meloni entretient avec les États-Unis et surtout avec le camp des républicains américains ne pouvaient laisser imaginer une autre position qu’un fervent soutien à l’Ukraine : « L’Italie restera un partenaire fiable au sein de l’Alliance atlantique, à commencer par le soutien au vaillant peuple ukrainien qui s’oppose à l’invasion de la Fédération de Russie, non seulement parce que nous ne pouvons pas accepter la guerre d’agression et la violation de l’intégrité territoriale d’une nation souveraine, mais aussi parce que c’est la meilleure façon de défendre nos intérêts nationaux. »

Analysant le fort ralentissement de l’économie italienne, Giorgia Meloni met en cause l’instabilité politique chronique des gouvernements « faibles, hétérogènes, sans mandat populaire clair, incapables de résoudre les carences dont souffre l’Italie et son économie et de poser les bases d’une croissance soutenue et durable ». Elle dénonce aussi le passif laissé par les gouvernements précédents. Instabilité politique propre, ajoute-t-elle, à inquiéter les marchés et rebuter les investisseurs.

Économie

Ainsi, sur le plan économique, « la voie royale, la seule possible, est la croissance économique, durable et structurelle », affirme Giorgia Meloni. « Et pour y parvenir, nous sommes naturellement ouverts à favoriser les investissements étrangers » qui apporteront « emploi et savoir-faire, dans une logique de bénéfices mutuels ». Par ailleurs, elle annonce la mise en place d’une « clause de sauvegarde de l’intérêt national, y compris économique, pour les concessions d’infrastructures publiques telles que les autoroutes et les aéroports ». On ne peut s’empêcher de penser au port de Hambourg ou à celui du Pirée, cibles des appétits chinois, comme le fut l’aéroport de Toulouse jusqu’en 2019.

Un maître mot : la liberté

Enfin, la nouvelle dirigeante italienne martèle un maître mot : la liberté. C’est au nom de la liberté que le modèle italien de la gestion du Covid, extrêmement restrictif et infructueux, ne sera « en aucun cas » repris. C’est également au nom de la liberté que seront favorisées les créations d’entreprises et que sera mise en œuvre la simplification administrative. C’est également au nom de la liberté de choix des femmes que sera créée une véritable politique de soutien matériel, financier et fiscal aux familles pour que les femmes qui le veulent puissent avoir des enfants. C’est encore au nom de la liberté de protéger ses frontières qu’un strict contrôle migratoire aux frontières sera rétabli.

Souveraineté alimentaire, écologie bien pensée « car il n’y a pas d’écologiste plus convaincu qu’un conservateur », elle conclut, visiblement émue, par ces mots : « Parfois nous réussirons, parfois nous échouerons, mais soyez assurés que nous ne reculerons pas, nous ne jetterons pas l’éponge, nous ne trahirons pas. » Et citant Jean-Paul II : « La liberté ne consiste pas à faire ce qui nous plaît mais à avoir le droit de faire ce que l’on doit. »

Un discours très politique, aux lignes claires et droitières, que le peuple italien jugera en fonction selon les actes, dans une période sans doute la plus troublée depuis l’après-guerre. Giorgia Meloni se fixe un défi gigantesque.

Marie d'Armagnac
Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

Vos commentaires

39 commentaires

  1. « le soutien au vaillant peuple ukrainien qui s’oppose à l’invasion de la Fédération de Russie »
    Rien que pour cette phrase, je n’ai pas confiance en cette dame, qui confond agressivité envers ses voisins avec « vaillance », et « invasion » avec soutien aux peuples qui se font agresser depuis 2014.

  2. Les paroles c’est bien la mise en application des dires c’est l’affirmation de sincérité et de courage. Nous en savons quelque chose en France. Bon courage et un peu de chance à l’Italie et aux Italiens.

  3. Mais la présidente de l’Europe « présidente non élue mais tant autoritaire » a tout les outils en mains fournis par Washington. Pas de problème, Giorgia Meloni rentrera dans le rang de grès ou de force.

  4. Discours pas si clair que ça pour mériter la cour des grands car soutenir l’Ukraine revient à condamner la Russie d’avoir défendu ses frontières et sa souveraineté.
    Pourtant elle aime cette citation : La liberté ne consiste pas à faire ce qui nous plaît mais à avoir le droit de faire ce que l’on doit.
    Blabla pour ne rien dire, quant à faire, on peut s’attendre à tout et au pire. Chez cette femme il y a trop de contradictions et confusions.

  5. Une petite remarque sur la désinformation permanent apportée par la chaine de radio dite France « Info ».

    La principale méthode employée par cette chaine est bien sûr la non diffusion de ce qui la gêne, mais elle emploie également un vocabulaire infamant envers ceux qu’elle n’aime pas
    Ainsi elle nomme systématiquement le parti de Madame Meloni le parti post fasciste. Par contre vous ne l’entendrez jamais qualifier la CGT de communiste ou de pseudo syndicat stalinien.

    • Je pense que le fait que Mme Meloni défende ce gouvernement ukrainien (je ne parle pas là du peuple ukrainien dans son ensemble, car ils ne sont pas tous identiques), tapant sur leurs voisins parce que russophones (entre autre) et tuant principalement des enfants et des civils avec des bombes antipersonnelles à fragmentions, interdites par les traités internationaux, permet peut être de qualifier cette dame de certains mots déplaisants pour elle.

    • Les joies des portes voix de l’état macronien toujours au garde à vous pour engluer les esprits des français

    • Il suffit de qualifier tout ce qui se trouve à gauche de LR de post staliniens. C’est un renvoi d’ascenseur et une reprise d’ascendant quant au langage.

  6. Au plan national, on ne saurait concevoir de Liberté sans Souveraineté ni l’inverse. Le rôle capital de tout Gouvernement est de garantir l’une par l’autre. Le choix Otanien, pour pragmatique qu’il soit est hélas incompatible avec ces deux idées.

  7. Bien que cocu, notre Président continu de nous faire croire que se vie de couple avec l’Allemagne est solide. Plutôt que de donner des leçons à l’Italie nous ferions mieux de nous rapprocher de ce pays et des autres pays de l’Europe du Sud. A la décharge des pays du Nord de l’Europe, qui ont su tirer les avantages de la construction européenne, les pays du Sud ne peuvent leur demander de payer pour leurs déficits sociaux et l’incompétence de leurs dirigeants. J’envie l’Italie qui a su se donner une Présidente soucieuse de défendre les intérêts de son peuple. Nous, nous attendons toujours.

  8. Espérons que l’UE ne mettra pas de batons dans la roue de Giorgia Meloni. Déjà des chefs d’état disent qu’ils seront vigilants , comme Macron. Elle a été élue démocratiquement , voilà qui embète bien les européistes, qui aiment plus l’UE que leur propre pays . En tête Van der Leyen qui se croit souveraine , alors que sa légitimité elle la doit à un petit groupe de  » sachant »

  9. Avec des milliards d’Euros en jeux, son gouvernement se pliera devant les exigences de Bruxelles. La CE se construit sur les cadavres des états nations du continent. La CE, grâce à nous les citoyens indifférents, a construit son empire avec la collaboration de nos élites politiques vendues à la mondialisation et ses rêves d’un monde plus prospère.

  10. Malheureusement, l’Italie a besoin des 12 milliards promis par l’Europe d’Ursula, sous la coupe « états unienne » et OTANesque, pour se maintenir à flot….Elle sera donc docile, avec une pincé nationale, car elle est quand même plus fière de son pays, de sa culture et de son histoire qu’un déraciné mondialiste banquier, comme notre président.

  11. Souhaitons lui de réussir en espérant que son exemple inspire la droite française, la plus bête du monde. Forza Italia !

  12. Très étrange de voir comme s’alarment et s’agitent tous ces vautours eurocrates par rapport à une femme patriote qui ne demande rien que d’aimer son pays et de travailler pour sa prospérité.

  13. Une des principales qualités de Giorgia Meloni est d’être très habile sur le terrain politique. Une habileté issue d’une longue expérience, d’un travail acharné et d’une motivation sans pareil…. et surtout de beaucoup de réalisme . On arrête pas un train lancé à 200 à l’heure en mettant la main devant la locomotive. Elle sait qu’elle doit composer, temporiser, s’en tenir à l’essentiel. Elle ne commentera pas. Elle agira.

  14. Au moins, en voilà une qui en a dans le pantalon à l’inverse de « coquelets et chapons » européens. Dommage toutefois pour sa prise de position dans le conflit russo-ukrainien, qui ne concerne pas les pays européens.

    • Par rapport au conflit russo-ukrainien (et je suis d’accord avec vous sur le fait que ce n’est pas un conflit nous concernant), je pense que sa position n’est qu’un moyen d’arrondir les angles pour se laisser davantage les coudées franches au sein des frontières de son pays, un positionnement allant ouvertement dans le sens de votre analyse ne lui apporterait qu’un statut pro-Russe, une faille dans laquelle ne manqueraient pas de s’engouffrer tous ses opposant pour la diaboliser. Elle n’a pas besoin de problèmes supplémentaires en ce moment, la tâche qui lui incombe est titanesque certes, mais réalisable à condition de privilégier les priorités. Le conflit russo-ukrainien n’en n’etant pas une, autant jouer l’apaisement. Ça n’est que mon avis. Cdlt

    • Allez dire ça aux États baltes, à la Pologne, à la Roumanie qui ont subi pendant 50 ans la domination brutale de la Russie.

      • On n’est plus au temps du stalinisme , ni de Brejnev , souvenons nous de l’état de la Russie à l’époque de Eltsine, (je me souviens des envois de boites de conserves périmées, et de la pauvreté des russes, ils étaient humiliés,) Poutine a restauré la fierté d ‘être russe, les églises et monastères , et surtout se poser la question pourquoi le pouvoir russe en est arrivé à cet extrême ! Albert Camus disait avec justesse :i « un peuple humilié est un peuple dangereux » Poutine a raison de dire que notre société est décadente ! Quand on voit l’état de déliquescence de notre société , elle n’est guère enviable !

      • Ils ont subi le Communisme et non la domination Russe , pas plus que celle de l’Allemagne, colonie américaine pour laquelle aujourd’hui les Polonais ont les yeux de Chimène.

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