Infirmière de Reims poignardée : vers une responsabilité de l’État ?

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La terrible nouvelle de la mort de l’infirmière de 37 ans, poignardée par Franck F., pourrait révéler, sinon une faillite de l’État, au moins une réelle responsabilité.

On apprend, en effet, que cet homme avait été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire dans une affaire remontant à 2017. Il est établi qu’en son temps, celui-ci avait assené plusieurs coups de couteau à quatre membres du personnel d’une structure spécialisée pour les personnes souffrant d’un trouble psychique. Antérieurement à ces premiers faits, les difficultés psychiatriques de cette personne étaient donc parfaitement connues.

Dans le cadre de l’instruction de cette affaire initiale, les médecins experts ont, semble-t-il, conclu qu’au moment des faits, le discernement du mis en examen était aboli. Par conséquent, il fallait, pour la Justice, évoquer la question de son irresponsabilité pénale. C’est la raison pour laquelle la chambre de l’instruction a été saisie. Cette juridiction, l’équivalent de la cour d’appel en matière d’instruction, devait ainsi statuer prochainement sur la question de l’irresponsabilité pénale de Franck F.

Or, la première difficulté apparente est celle du délai judiciaire. Si l’instruction a débuté en 2017, on peut s’interroger sur les raisons d’une saisine si tardive, soit six années plus tard.

Cette constatation est particulièrement préoccupante dans la mesure où l’article 706-135 du Code de procédure pénale permet, justement, à la chambre de l’instruction, prononçant un arrêt d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, d’ordonner « l’admission en soin psychiatrique de la personne, sous la forme d’une hospitalisation complète ». Autrement dit, l’irresponsable pénal n’est pas nécessairement relâché dans la nature. Les juges ont la possibilité de l’hospitaliser sous contrainte. Pour cela, il faut qu’au vu du dossier, les troubles mentaux de l’intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public.

Au cas d’espèce, à ce que l’on comprend, puisque l’audience devant la chambre de l’instruction devait bientôt avoir lieu, la juridiction n’a pas pu statuer sur la question.

Est-ce à dire, néanmoins, que rien n’aurait pu être fait en la matière ? Naturellement non, car il existe dans notre droit des privations administratives de liberté dans le domaine de la santé. La loi du 30 juin 1838 sur les aliénés a laissé place, en 2011, et sous contrôle constitutionnel, à un régime de soins sous contrainte en hôpital psychiatrique. Aujourd’hui, l’ADRE (admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État) est une mesure de police, décidée par le préfet ou le maire, en cas de péril imminent, qui permet de placer dans un établissement psychiatrique une personne « dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public » (article L.3213-1 du Code de la santé publique).

La finalité est, ici, davantage de prévenir les atteintes à l’ordre public que de s’assurer que le malade recevra les soins dont il a besoin. Évidemment, cette décision ne peut être prise que sur la base du certificat médical circonstancié d’un médecin psychiatre qui n’exerce pas dans l’établissement d’accueil.

L’enquête à venir devra donc déterminer si une telle mesure a été envisagée et, le cas échéant, pourquoi elle n’a pas été mise en œuvre. Nous saurons, peut-être, si un psychiatre a considéré que les troubles n’étaient pas suffisants pour nécessiter une hospitalisation. En tout état de cause, il demeure indéniable qu’en pareil cas, des responsabilités individuelles et collectives ont coûté la mort d’une jeune infirmière.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 27/05/2023 à 0:27.
Me Alain Belot
Me Alain Belot
Avocat au barreau de Paris, chroniqueur à BV

Vos commentaires

25 commentaires

  1. Depuis 6 ans Macron ne prend pas de décisions importantes pour stopper l’hémorragie des crimes perpétuels. Aucun changement dans la justice et au ministère de l’intérieur. Pourquoi laisse t-il faire ? pour lui vivre dans le chaos, ça le rend plus libre de mentir avec de beaux discours mensongers. L’immigration envoyée dans les campagnes pour offrir de beaux JO à Paris. Ce président vit de comédie( cérémonies avec un air attristé pour mort des policiers et infirmières) et de spectacles désastreux pour toute la France. Franchement il méritera la prison pour abandon de la France. Loi des caïds dans les cités, policiers tués, personnels hospitaliers vivant avec des menaces journalières et plus de respect pour les maires. Pour moi faudra élire au plus vite un membre du RN pour stopper ce déluge de l’insécurité. Peuple de France nous devons réagir avant 2027.

  2. Intrinsèquement, le principe de précaution qui a été inscrit dans la constitution sous Chirac dans l’enthousiasme général grâce aux efforts de Mme Koziusco Morizet (qui a pris aussitôt la précaution de disparaître aux États Unis), est une ânerie. Il n’en reste pas moins qu’il s’applique en conséquence ici comme dans tous les cas, et qu’il apparaît que le gouvernement en fait une application à géométrie des plus variables. Je serais le père des deux malheureux orphelins que laisse l’assassinat de cette malheureuse infirmière, je porterais plainte immédiatement contre la première ministre pour non respect de ce principe.

  3. Stop aux marches blanches, minutes de silence, gerbes, cellules de soutien psychologique et tous les discours… Qu’attend le gouvernement pour agir?

    • Il faut se rendre à l’évidence : ce gouvernement est celui de la parole, et de la parole mensongère. Quant à ses rares actions, elles ne sont que destructrices.

  4. Ce type était un malade qui jamais n’aurait dû être laissé en liberté.
    Sa place est en établissement psychiatrique.
    Seulement voilà, des juges irresponsables en ont décidé autrement, et à deux reprises s’il vous plaît !
    Comme je le dis souvent, tant que des juges ne seront pas touchés dans leur famille par tel ou tel événement tragique, rien ne changera, ça ne les intéresse pas.

    • Les juges ne viennent qu’en troisième position de responsabilité après l’Etat et le psychiatre. Cet individu n’aurait jamais dû être encore en France et si oui, enfermé depuis longtemps. Les psychiatres devraient aussi être pénalement responsables de leurs actes comme dans toutes les autres professions médicales ou autres. Seraient-ils incompétents dans leur spécialité?

      • Même en 3ème position, ils ont le dernier mot, donc à mes yeux, ne vous en déplaise, ils sont les plus grands responsables puisqu’ils détiennent le droit !

      • Je réponds à Jack Chevalier. Vous avez raison. Mais est-on encore dans un Etat de droit? Le droit de qui? Des assassins et des voyous. Tout le monde à maintenant peur des représailles et regarde de l’autre côté. Je suis complètement anéantie de voir l’état de notre pays. Que sommes nous devenus?

  5. Responsabilité de l’Etat et du moins des services publics c’est une évidence même mais aucun média ni baratineur se disant expert d’aucun média audiovisuel même sur CNEWS n’ose en parler ! et ce n’est pas une première.
    Alors comment voulez-vous que l’on fasse encore confiance à cette mafia politico administrative ? comment voulez-vous que tous les petits escrocs en coll blanc public ou privé n’en profitent pas pour faire la même chose ?
    Quand la République devient un système mafieux le pays entier s’enfonce dans le même bourbier.

  6. Il faut mettre les responsables en face de leurs responsabilités ! Et pour en finir avec l’irresponsabilité, il faut divulguer les noms de ceux qui ne les ont pas assumées. Qu’à défaut d’être jugés par des juges, les juges soient jugés par le peuple…

    • Depuis quelques temps effectivement il y « silence radio » sur les auteurs des agressions … Mais pratiquement jamais au sujet du pedigree des « juges » ! …
      Donc, il serait intéressant de mettre sur le devant de la scène toute « la distribution » pour chaque affaire:
      – Les victimes ( en toute décence )
      – Les coupables ( en toute objectivité )
      – Les juges ( en toute transparence )
      Les coucous politicards seront -ils prêts à assumer aussi leurs culpabilité/responsabilité ? … La réponse est dans la question ! …

  7. Il serait temps que l’Etat soit responsable de ses incompétences criminelles ! On a eu l’histoire du sang contaminé et les responsables mais pas coupables (ou l’inverse ….) et ça continue ! Le nombre de victimes innocentes explose et les responsables se pavanent, récupèrent les drames pour rendre des hommages aux victimes innocentes, espérant peut-être encore faire monter un peu leur cotte de popularité au passage ? C’est d’une irresponsabilité, d’une lâcheté, d’une indécence, odieuses !

    • Si l’Etat faisait son travail, les juges ne seraient même pas mis en cause car ce genre d’individu ne serait plus sur le territoire français.

  8. Il a déjà été reconnu irresponsable, et on le ré-incarcère en taule ! Quelle est la réaction des personnelles pénitentiaires ?

  9. Un professeur décapité près de Paris, les enseignants pleurent un collègue et ami ; trois policiers assassinés à Villeneuve d’Ascq, les policiers pleurent un collègue et ami ; une infirmière poignardée à mort à Reims, le corps médical pleure une collègue et amie ! Mais que fait l’Etat, le gouvernement ? Que font les ministres, la justice, les députés ? A part donner le change en gerbant les lieux de ces drames, en renvoyant par des discours convenus, évasifs et généralistes, sur les citoyens la faute de leur impéritie, en se taisant d’indifférence pour la gauche. Et finalement en faisant le gros dos en attendant que l’orage passe pour continuer le ronron habituel de l’inaction.

  10. Ne serions nous pas face à une altération du jugement de la part du psy ce qui le déresponsabilise comme toute la chaîne. Un délinquant routier à jeun a 100 km/h au lieu de 90 ne bénéficie d’aucune mansuétude. Cherchez le sens.

  11. Il avait déjà blessé quatre personnes à coups de couteau. Il a blessé mortellement sa cinquième victime. Eh oui, il s’était fait la main. On peut discuter autant qu’on voudra, cela ne fera pas revenir cette femme qui est partie un matin pour se rendre à son travail et n’est jamais rentrée chez elle, parce que « quelqu’un » a pris une mauvaise décision. Ce « quelqu’un » ne sera jamais inquiété d’aucune façon et cela n’est pas près de changer.

  12. Si ce meurtrier avait déjà poignardé 4 personnes en 2017, on peut raisonnablement penser qu’il risquait de recommencer et qu’il représentait un danger pour la société. Il aurait donc au moins dû être détenu dans une prison, avec soins appropriés, en attendant les décisions des hautes instances.

    • A quand le rétablissement de la peine de mort qui a au moins la vertu que la récidive disparait

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