Hommage à la « quatrième génération du feu » : quel est le sens d’un cercueil invisible ?

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En ce jour de commémoration nationale de l’armistice du 11 novembre 1918, un hommage particulier vient d’être rendu, à Paris, par le président de la République aux morts de « la quatrième génération du feu ». Cette expression désigne, après celles des deux guerres mondiales et de la guerre d’Algérie, les victimes des opérations extérieures au territoire national ces cinquante dernières années (OPEX).

On ne peut que souscrire à cette marque de reconnaissance nationale et s’y associer par la présence ou la pensée, et par la prière. Tout en s’interrogeant sur le sens de la monumentale sculpture de bronze inaugurée, ce jour, dans le parc public André-Citroën, qui représente six soldats portant un cercueil invisible.

Car son sculpteur, Stéphane Vigny, Belge réputé iconoclaste, a expliqué que « matérialiser le cercueil par le vide est la meilleure forme symbolique pour rendre hommage à nos soldats disparus ». CQFD. Or, quel que soit le talent de l’artiste, est-ce à lui de fixer le sens qu’on veut donner à la mémoire de soldats qui ont risqué volontairement leur vie physique pour défendre les valeurs suprêmes de leur patrie ? Son rôle ne devrait-il pas être de « mettre en sculpture » le sens que veulent y mettre les commanditaires et les militaires, premiers concernés avec leurs proches, selon des critères qui expriment ce concept inconnu du sculpteur ? Que stipulait le cahier des charges de l’appel d’offres et qui est au service de qui : l’artiste à celui de son commanditaire ou le commanditaire à celui de l’inspiration, voire du caprice de l’artiste, quand bien même le projet ne conviendrait pas ?

On sent bien la crainte politiquement correcte de représenter matériellement un cercueil dont on aurait pu reprocher l’évocation d’une religion plutôt qu’une autre ; une occasion de plus d’effacer progressivement les racines chrétiennes de la France auxquelles les autres communautés et confessions sont naturellement invitées à se lier, avec respect, sans se renier. Le mémorial américain d’Arlington, près du Cimetière militaire national, figure au moins le sens du sacrifice suprême par un drapeau national soutenu par les soldats morts au combat, pour la défense de leur pays, depuis 1775.

À Paris, aujourd’hui, c’est le vide qui est mis en valeur. Le vide imposé par l’absence douloureuse des défunts, mais un vide réducteur qui occulte le sens originel et final donné au sacrifice consenti. À la différence de la tombe, réelle, du Soldat inconnu installée sous l’Arc de Triomphe, qui représente la communauté anonyme car transcendée des morts, ici, le cercueil est virtuel alors qu’un mur physique en recense et personnalise les 549 victimes à ce jour. L’émotion prend le pas pour faire diversion de l’essentiel, à une époque qui rejette toute évocation de la mort - laquelle pose la question embarrassante de l’au-delà.

Car cette « symbolique du vide » érigée en idéologie, chère à l’artiste dont les convictions personnelles nous intéressent peu, ainsi qu’à Emmanuel Macron, sculpteur de vent inspiré qui voit dans le proche mort « un absent éternel » plutôt qu’« un présent éternel » qu’on rejoindra de toute façon sous peu, ne reflète pas le sens de l’engagement ultime des soldats français, qui ne sont pas des mercenaires insensibles à une cause ; pas plus qu’elle ne reflète le sentiment profond que connaît tout soldat face au danger de mort.

Même la physique sait que le vide ne l’est pas réellement, n’est pas le néant. Si la question de l’au-delà s’impose naturellement aux croyants dans les circonstances extrêmes, on voit d’ailleurs de nombreux agnostiques et athées faire le « pari de Pascal » à l’approche du moment ultime.

Et ce n’est pas l’appel du vide qui motive les soldats à risquer leur vie, mais le service d’une cause qui dépasse l’individu et le transcende. On y risque autant sa mort que sa vie.

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Jean-Michel Lavoizard
Ancien officier des forces spéciales. dirige une compagnie d’intelligence stratégique active en Afrique depuis 2006

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