[Histoire] 7 octobre 1571 : Lépante, la bataille des géants

lépante

C’est donc le 7 octobre 1571, dans les magnifiques eaux saphir du golfe grec de Patras qui seront bientôt rouge de sang, que se déroula l’une des plus grandes batailles navales de notre civilisation. Enjeux de cet affrontement : le contrôle du bassin méditerranéen, mais aussi l’arrêt des velléités expansionnistes des Ottomans sur l’Europe chrétienne. Cette bataille, qui mit un frein à la conquête progressive de l'Europe et à ce qui aurait été son inéluctable islamisation, fut surnommée par Paolo Cau, spécialiste de l'histoire militaire, « la bataille des géants », méritant ainsi de figurer dans son livre, Les 100 plus grandes batailles de l’Histoire.

Enhardi par la prise de Constantinople en 1453, l'Empire turc ottoman connaît un siècle d'expansion ininterrompu, avec une succession de victoires contre les États chrétiens d'Europe. Face à ce danger imminent, le pape Pie V échoue, en 1570, dans sa tentative de former une alliance navale entre les principales puissances chrétiennes de la Méditerranée. Il faut attendre la chute de Chypre, possession vénitienne depuis 1489, pour que les royaumes chrétiens prennent conscience du danger qui les menaçait. Ainsi, triomphant des hésitations, des discordes et des rancœurs, la Sainte-Ligue est fondée. Elle regroupe alors l'Espagne, Venise, Gênes, l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, installé sur l'île de Malte depuis 1530, le duché de Savoie, la Toscane ainsi que les États de l'Église. À noter, cependant, que la France, qui s'était alliée en 1536 sous François Ier avec la Sublime Porte, ne fait pas partie de cette alliance, soucieuse de conserver ses relations commerciales avec Constantinople. Il est vrai, aussi, qu'alors, notre pays est traversé par les guerre de Religion.

Pour l’affrontement à venir, la Sainte-Ligue peut aligner 212 navires de guerre, dont 206 galères et 6 galéasses. Ces dernières, peu nombreuses, seront cependant l’arme la plus importante de la bataille à venir. En effet, plus grandes et mieux armées, elles devancent techniquement la galère. Au matin du 7 octobre 1571, la flottille chrétienne commandée par le fils de l’empereur Charles Quint, Don Juan d’Autriche, fait face à l’armada turque dirigée par Ali Pacha. Cette dernière est constituée de plus de 300 navires, dont essentiellement des galères ainsi que de plus petits bâtiments.

La bataille commence à 9 h 30. Les Turcs, poussés par le sirocco, s'élancent en premier, tandis que les chrétiens avancent péniblement à la rame. Les navires fendent l’eau, se rapprochent de leurs ennemis et sont bientôt à portée de canon. Les premiers bombardements se font alors entendre dans le golfe. Le choc est rude pour les deux armées, mais la flotte ottomane use de tactique afin de déborder et encercler les navires chrétiens pour mieux les détruire. Heureusement, ces derniers résistent à l’aide de leurs galéasses. Un coup du sort, si ce n’est de Dieu, finit même par inverser l'issue du combat ainsi que le sens du vent. Ali Pacha perd alors son avantage en faveur de la Sainte-Ligue. Cette dernière réussit à arraisonner le navire de l’amiral turc et à s’emparer de sa bannière. Cette déconvenue décourage les forces turques qui tentent de s’enfuir. La victoire de l’Europe chrétienne est désormais faite.

Au soir, la majorité de la flotte ottomane est détruite ; elle ne se relèvera plus jamais. Tout cela ne doit pourtant pas faire croire à une victoire totale. En effet, même si les Turcs perdent la Crète dans les années qui suivent la bataille de Lépante, ces derniers ne s’avouent pas vaincus. Leur puissance militaire sur le continent perdure. Néanmoins, la légende de l'invincibilité ottomane commence à faiblir et ne fait qu’illustrer le début de la décadence de son armée, certes gigantesque, mais bientôt archaïque. Comme l'écrira le grand historien de la Méditerranée Fernand Braudel : « L'enchantement de la puissance ottomane est brisé, la course chrétienne active réapparaît, l'énorme armada turque se disloque. »

Les fruits de la victoire de Lépante ne durent pas, cependant, sur le long terme et vont entraîner l’affaiblissement des puissances de la Sainte-Ligue qui se sont saignées financièrement pour vaincre l’envahisseur musulman. En effet, au XVIIe siècle et plus encore au siècle suivant, les grandes voies commerciales vont passer de la Méditerranée à l'Atlantique. Du point de vue militaire, les galéasses et les galères victorieuses en 1571 n'ont guère d'avenir devant elles. Pour Paolo Cau, ce vont être désormais « les vaisseaux de ligne français, anglais et hollandais qui seront les champions de la guerre maritime à venir et non les embarcations à fond plat des vainqueurs de Lépante ».

Eric de Mascureau
Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

12 commentaires

  1. Doit on voir dans le refus de François Premier de participer à la bataille de Lepante contre les ottomans pour raisons économiques ( entre autre ) ce à quoi nous assistons actuellement en accueillant à bras ouverts les immigrés pour suppléer dit on à une main d’oeuvre française défaillante pour le plus grand profit des gros trust.

  2. La bataille d’Actium en 31 av JC a lieu exactement au même endroit. Dans les rangs européens, Octave Farnèse et Marcantonio Colonna.

    • Pas exactement. Actium se situe dans le Golfe Ambracique, 100 Km au nord du Golfe de Corinthe, siège de Lépante. La bataille, dernière de la République romaine, n’opposait que des Romains et alliés : Octave, futur Auguste, et Marc-Antoine, allié à Cléopâtre. A l’époque, la Turquie était peuplée de Grecs et de Romains, bien avant son invasion par les Ottomans venus d’Asie Centrale.

  3. Auparavant, en 1565, n’oublions pas la catastrophique débâcle ottomane lors du Grand Siège de Malte, première grande défaite des Turcs. Sans la victoire de Malte il n’y aurait pas eu celle de Lépante car l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, qui a été un des grands acteurs du conflit, était installé sur l’île de Malte depuis 1530. C’est Jean de Valette et ses….400 chevaliers (!), qui a vaincu 70 000 Turcs et Égyptiens.. Mais (sauf à Malte, au RU, et aux USA) qui connaît à Paris Jean de Valette ? Il faut dire que ce n’était qu’un Rouergat (Occitanie) ; donc vu de Paris RAS. Et à Paris on ne connaît d’ailleurs ni Raymond IV (chef victorieux de la 1ère croisade), ni Valette, ni l’amiral d’Estaing, ni Montcalm (trahi par le système-Paris), ni Castelnau le meilleur chef de 14/18 (dixit les Anglais et les Allemands) qui ne fut pas promu maréchal car il n’était pas FM (comme ce nul de Joffre). Et maintenant c’est encore le Système-Paris qui nous inflige le wokisme, Hidalgo, la soumission à la finance et à Bruxelles.

  4. 1571 le pape Pie V s’active pour faire barrage à l’invasion musulmane , 2023 le pape François s’active pour favoriser l’invasion de l’Europe par des hordes de migrants musulmans.

  5. En 1570 le pape Pie V souhaite former une alliance navale entre les principales puissances chrétiennes. En 2023, le pape François souhaite plus d’immigration. Toute la différence est là.

  6. Cervantès, blessé au cours de la bataille, fut capturé à son retour par les barbaresques, vendu comme esclave à Alger et racheté quatre ans plus tard par les Trinitaires dont la mission était de faire libérerr les captifs.

  7. Les musulmans turcs commencent à refluer.. La deuxième tentative de conquête de l’Europe est un échec après la première stoppée net en 732 à Poitiers . La troisième actuellement en cours à des chances de l’emporter grâce au désarmement idéologique de l’Europe.

    • N’est-ce pas déjà fait ? «  l’Histoire n’est pas toujours un éternel recommencement « les choses peuvent parfois s’inverser, l’alliance des pays d’Europe pour accueillir les musulmans en est la preuve !

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois