Durant la finale de la Coupe du monde de football, Emmanuel Macron se trouve certes dans la tribune d’honneur avec Vladimir Poutine. Mais au-delà de ce quart d’heure de célébrité française, c’est une autre compétition qui se joue en coulisses, celle opposant le président russe à son homologue américain, Donald Trump, qui se tient ce lundi à Helsinki.

C’est le choix du Kremlin et il n’a rien d’anodin. En effet, la capitale finlandaise a déjà accueilli deux sommets du genre. Le premier a lieu le 1er août 1975, entre l’Américain Gerald Ford et le Soviétique Leonid Brejnev. Il s’agit alors d’en finir avec cette folle course à l’arme nucléaire dont personne, on le sait à Washington comme à Moscou, ne pourra sortir vainqueur : à quoi bon atomiser des territoires inexploitables pour les générations à venir ?

La Maison-Blanche joue finaud, parvenant à introduire la question des libertés publiques dans le traité à venir. Le Kremlin accepte, estimant à tort que cette clause subsidiaire ne peut être que sans conséquences. Funeste erreur. Cela permet ainsi à la CIA d’avoir blanc-seing quasi officiel pour déverser ses millions de dollars au syndicat Solidarność en Pologne. Ce service anticipe ensuite l’élection d’un pape hors normes, puisque lui aussi polonais : un certain Jean-Paul II ; ce que le KGB, qui a pourtant ses hommes au Vatican, ne voit pas venir.

Quand Iouri Andropov, successeur de Leonid Brejnev et mentor de Mikhaïl Gorbatchev, apprend la nouvelle, il aurait eu ces mots : « Tuons-le ! Autrement, c’est lui qui nous tuera… » La fin est connue. Le pape a survécu. L’URSS, non.

Helsinki, c’est encore un deuxième sommet, souvenir tout aussi amer pour Vladimir Poutine, qui a lieu le 9 septembre 1990, avec Mikhaïl Gorbatchev et George Bush. Il s’agit d’officialiser l’effondrement de l’Empire soviétique. Soit celui de la Russie. Ce qui pousse l’actuel tsar à affirmer : « Celui qui regrette la fin du communisme n’a pas de cœur. Mais celui qui se félicite de la chute de l’URSS n’a pas de jugeote. » Ce sommet n’a donc rien d’une belle – la Russie a déjà perdu les deux premières manches – mais pourrait au moins faire figure de tardive revanche.

Pour ce faire, Vladimir Poutine ne manque pas d’atouts. À l’époque de la guerre froide, l’Occident demeure un bloc à peu près uni pour cause de « péril rouge ».

L’actuelle configuration est tout autre, à en juger des récentes déclarations de Donald Trump qui, à l’occasion d’un entretien accordé à CBS, ce dimanche 15 juillet, assure : « Nous avons beaucoup d’ennemis. Je pense que l’Union européenne est un ennemi. […] La Russie est un ennemi par certains aspects. La Chine est un ennemi économique. » Voilà qui a au moins le mérite de la clarté et signifie une sorte de « retour du réel » dans des relations diplomatiques trop longtemps marquées au sceau de la niaiserie et du cynisme.

Voilà sûrement de quoi ces deux « hommes forts », ayant au moins ceci de commun d’être haïs de toutes les « belles âmes » occidentales, pourront parler. À Helsinki, on ne devrait donc évoquer que de loin les « droits des minorités » et ces « Gay Games » attendus à Paris (leur dixième édition) en août prochain, mais plutôt aborder des sujets plus importants, puisque relevant des grands équilibres mondiaux ayant rythmé la marche de la planète depuis quelques siècles.

Au fait, et ce, toujours à propos « d’ennemis », le philosophe Régis Debray n’a pas tort de rappeler que si nous sommes devenus des « gallo-ricains », après avoir été des « gallo-romains », c’est parce que l’empire états-unien n’était pas que d’ordre militaire et économique, mais « culturel » avant tout. Les Russes veulent reprendre en marche le train de l’Histoire, en première classe si possible. Les Chinois, légitimement las d’être « l’atelier du monde », entendent désormais battre l’Occident sur son propre terrain. Mais aucune de ces nations ne pousse le soft power assez loin pour entendre nous imposer on ne sait quel « Russian » ou « Chinese » « Way of Life ». Certains « ennemis » le seraient-ils plus que d’autres, du point de vue européen s’entend ?

Mais cette Europe, c’est en vain qu’on en cherche à la fois adresse ou raison sociale. À Helsinki, Trump et Poutine auront donc beaucoup à se dire. Tandis que Mercron et Makel se tiendront au courant de l’affaire en se contentant de la lecture des journaux ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 21/07/2018 à 22:49.

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16 juillet 2018 à 19:50

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