Le Hamas reconnaît Israël… et après ?

HAMAS-monitor

Tout change et rien ne bouge. Une femme dirigera bientôt la France, Marine Le Pen ou Angela Merkel. Et la paix entre Israéliens et Palestiniens n’est évidemment pas pour demain.

Pourtant, cette information presque passée sous silence par les médias dominants et, de fait, ignorée du grand public : le Hamas, mouvement palestinien présidant depuis des années aux pauvres destinées de la bande de Gaza, proposerait désormais une reconnaissance formelle d’Israël, dans ses frontières de 1967, contre une paix durable et équitable. Notons qu’en 1992, le Hamas, émanation locale des Frères musulmans, avait refusé de signer les accords d’Oslo tout en assurant – promesse qui fut d’ailleurs à peu près tenue – ne rien mettre en œuvre pour contrecarrer sa mise en œuvre.

Depuis, l’eau a coulé sur les rives du Jourdain. La paix promise n’est plus que lointain souvenir. La cause palestinienne est devenue un chiffon qu’on agite les jours de fête ou de deuil. Confortable repoussoir pour Tel Aviv. Inévitable slogan pour les régimes arabes avoisinants n’ayant que faire du martyre de ce peuple, sacrifié par l’Histoire, au même titre que les Druzes ou les Kurdes. Bref, à défaut de mourir pour la Palestine, qui oserait se mouiller pour les Palestiniens ?

Il est un fait que la situation locale pousse à tout, hormis à une modération qui serait pourtant salutaire. La Libye est en plein chaos et la Syrie plongée dans une terrible guerre civile. Comme au Liban de naguère, la région est le théâtre de conflits étrangers, dans lequel chacun pousse ses pions, aux dépens des populations civiles. Quoi qu’ils prétendent, les Américains entendent préserver leur présence dans l’espace méditerranéen. Les Russes tiennent à leur accès aux mers chaudes. Ankara et Riyad se disputent le leadership de l’islam sunnite, tandis que Téhéran entend conserver l’arc chiite allant de Damas jusqu’à Beyrouth.

Pour tout arranger, si la Turquie et l’Iran continuent d’entretenir des contacts diplomatiques au plus haut niveau, l’Arabie saoudite refuse les appels du pied iraniens tandis qu’Israël, qui aimerait renouer ses traditionnelles relations avec l’Iran, trouve désespérément porte close. C’est à cette aune qu’il faut donc mesurer le "retournement" du Hamas, ayant en l’occurrence coupé le cordon ombilical qui le liait aux Frères musulmans ; ces derniers étant bien trop inféodés au Qatar à son goût.

En Orient, les alliances se font et se défont et il n’est pas rare qu’on puisse se réconcilier, lors des obsèques, avec le père du fils que l’on vient d’assassiner. En revanche, la nouvelle ligne politique du Hamas procède d’une mutation autrement plus profonde, tel que souligné par Pascal Boniface, l’un des meilleurs experts français en géopolitique : "Ce tournant est quasiment aussi important que celui opéré par Yasser Arafat, en 1989 à Paris, lorsqu’il avait déclaré caduque la charte de l’Organisation de libération de la Palestine et affirmé que cette dernière était prête à reconnaître l’État d’Israël. Le Hamas rejoint donc l’OLP, les deux organisations étant pour la solution “des deux États”. Cette dernière consiste en la création d’un État palestinien, dans les frontières de 1967, la reconnaissance d’Israël et le partage de Jérusalem, capitale des deux États."

Après… C’est justement cet « après » où tout se complique. Même si l’État hébreu n’a jamais rompu le lien avec le Hamas, Benyamin Netanyahou, actuel Premier ministre israélien, veut tout, à l’exception de la paix. De son côté, Donald Trump, donné pour sioniste de choc, est également en train de revenir sur ses positions électorales, venant d’assurer à Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, que cette fameuse paix, sans cesse annoncée et immanquablement repoussée, faisait désormais partie des dossiers à traiter en priorité par la Maison-Blanche.

Il serait sot de trop espérer. Il serait tout aussi idiot de désespérer, même si dans le bras de fer américano-israélien qui s’annonce la raison du plus fort ne sera pas forcément la meilleure.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 20:38.
Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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