Guillaume Bernard : « Ce remaniement sans grand changement est le signe que la « Macronie » patine ! »

Après un silence de quinze jours, on a su enfin quelle était la composition du nouveau gouvernement. Beaucoup s'accordent à penser qu'il n'est pas le signe d'un grand changement. Pour le politologue Guillaume Bernard, Emmanuel Macron n'a même pas réussi une véritable ouverture à droite. Explications au micro de Boulevard Voltaire.

Après le remaniement, on pourrait dire : « Tout ça pour ça ! » Seule nouvelle figure importante, Castaner à l’Intérieur. Que pensez-vous de ce choix ?

Par ce choix, le président de la République montre incontestablement qu’il veut à la tête de ce ministère quelqu’un qui lui soit proche et en qui il ait entièrement confiance.
Le ministre de l’Intérieur est le premier des ministres. On se souvient des liens très forts entre Valéry Giscard d'Estaing et Poniatowski. Chirac avait était obligé de mettre Nicolas Sarkozy Place Beauvau, ce qui avait permis à ce dernier de se propulser à la présidentielle de 2007. C’est un poste important. C’est donc un proche du président de la République qui est nommé. On peut toujours douter de sa compétence, mais est-il beaucoup plus incompétent que tous les autres ?
Au-delà du cas de Castaner, avoir attendu aussi longtemps pour un remaniement qui aboutit à un gouvernement quasiment identique au précédent est quand même le signe que la Macronie patine. Symboliquement, il fallait que le remaniement engage plus de changements et amène des personnalités connues pour signifier que la grande coalition macronienne avait un spectre politique capable de s’étendre. Ce n’est pas le cas!

Le chef de file des députés MoDem à l’Assemblée et Franck Riester, un ancien Républicain à la Culture, rejoignent le club de Darmanin et Le Maire. Est-ce une preuve d’ouverture ?

Ce ne sont quand même pas des personnalités de tout premier plan. Et pour ce qui est de monsieur Riester, il était certes aux Républicains, mais il a manifesté dès l’élection d’Emmanuel Macron une velléité de mettre en place le mouvement Agir. C’était un mouvement de gens classés à droite, mais qui voulaient collaborer avec la grande coalition macronnienne. Il est sur des positions extrêmement libérales ; il est beaucoup plus classé à droite que véritablement de droite.
L’élargissement de la grande coalition macronienne n’a pas eu lieu. Elle reste ce qu’elle était avec le Premier ministre Édouard Philippe. Il n’y a, véritablement, rien de nouveau et c’est probablement la chose la plus significative. Le macronisme est en train de patiner. Cela peut avoir des conséquences assez importantes sur le reste de la vie politique. La baisse de popularité d’Emmanuel Macron dans l’opinion publique et son incapacité à élargir son spectre politique pourrait pousser les Républicains à vouloir se recentrer. Ce serait, à mon sens, une terrible erreur de leur part, car leur base est incontestablement une base de droite. On l’a vu lors des élections internes qui ont eu lieu le week-end dernier. Je pense, notamment, au cas du sénateur Sébastien Meurant. Il a fait des déclarations en faveur du dialogue de toutes les droites. Il a été élu à 57 % à la tête de sa fédération du Val-d’Oise.
Si l’effondrement de Macron dans l’opinion publique et le fait que la grande coalition n’arrive pas à s’étendre plus qu’elle ne l’était auparavant poussaient les Républicains à se recentrer, ce serait vraisemblablement une erreur pour leur efficacité politique propre.

On attendait un second souffle de la part de la Macronie, c’est raté…

Il est incontestable que plus le temps passait, plus le remaniement devait être important et non pas simplement un jeu de chaises musicales. Or, là, on assiste à un jeu de chaises musicales, avec l’entrée de certains et la sortie d’autres qui ne sont pas extrêmement forts d’un point de vue symbolique.
Oui, la Macronie est en train de patiner. C’est bien le signe que le « et droite, et gauche » de Macron qui était supposé répondre au « ni droite, ni gauche » de Marine Le Pen ne fonctionne pas.

Guillaume Bernard
Guillaume Bernard
Politologue et maître de conférences (HDR) de l’ICES

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