Guerre en Ukraine : le malheur des Européens fait la prospérité de l’Amérique de Biden

drapeau américain

Les Européens sont bourrés de principes. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le rappelait dans son discours sur l’état de l'Union en septembre dernier. Le combat dans lequel l’Europe était engagée était celui de la démocratie contre l’autocratie. Certes, les mois à venir ne seraient pas faciles, mais nos valeurs étaient en jeu. Elle ajoutait qu’il ne fallait pas s’inquiéter car, sur le plan énergétique, l’Europe allait se défaire de sa dépendance à la Russie et se tourner vers des fournisseurs fiables, les États-Unis notamment. Grâce aux multiples mesures que Bruxelles prenait, nous allions bientôt pouvoir « assurer notre sécurité d'approvisionnement et, dans le même temps, assurer notre compétitivité au niveau mondial ».

Les Américains eux aussi ont des principes mais, à la différence des Européens, ils s’arrangent pour qu’ils servent leurs intérêts. Et, en effet, si l'on observe la situation de l’autre côté de l’Atlantique, on comprend vite que la guerre en Ukraine ne fait pas que des malheureux. Pour certains, c’est même le jackpot. Alors que l’Europe est confrontée à des risques de pénurie d’énergie cet hiver, à l’inflation et à une menace de récession, les États-Unis facturent aux Européens leur gaz de schiste quatre fois le prix de leur marché intérieur et démultiplient leurs ventes d’armes.

Comme le rappelait récemment François Lenglet au micro de RTL, c’est à un gigantesque transfert de richesse de l’Europe vers l’Amérique que nous assistons actuellement. Les États-Unis, qui étaient déjà les premiers producteurs de pétrole, sont devenus, à la faveur de la crise et grâce à la demande européenne, les premiers producteurs mondiaux de gaz. Jamais le secteur énergétique américain n’avait connu une telle prospérité.

Le prix du gaz étant cinq à six fois moins élevé outre-Atlantique, c’est aussi à une perspective de délocalisations massives que l’industrie européenne est confrontée. Lundi dernier, Emmanuel Macron organisait un dîner avec des industriels européens pour les inciter à rester en Europe et surtout en France. Le président-directeur général de Dassault Aviation, Éric Trappier, qui dirige l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), confiait récemment au journal Les Échos : « Je connais plusieurs industriels qui me disent regretter leur investissement fait il y a six mois, qu’ils n’auraient pas fait s’ils avaient connu l’évolution du prix de l’énergie. Je le prends comme un premier signal qui n’augure rien de bon. »

Une peur de voir nombre d’entreprises s’envoler vers des cieux plus cléments, peur renforcée par les mesures prises par Joe Biden cet été pour renforcer l’attractivité de son pays. L'« Inflation Reduction Act », plan massif d’investissement de 430 milliards de dollars, a notamment pour but de créer une filière automobile électrique américaine. Décarboner l’économie et favoriser la transition énergétique ? De bien nobles causes. Qui s’accompagnent, cependant, de mesures de nature à fausser la concurrence et à encourager les investissements aux États-Unis. Ainsi, la réduction des crédits d'impôt de 7.500 dollars consentie aux acheteurs de voitures électriques ne s’appliquera pas aux modèles proposés par des constructeurs non américains.

Emmanuel Macron, qui s’est envolé mardi pour une visite d’État aux États-Unis, espère convaincre Joe Biden de revenir sur ces mesures. Comme le notait, cependant, Le Figaro, le 28 novembre dernier, « faire des concessions aux industriels étrangers dans une nouvelle filière électrique où l’Amérique se pose en leader n’est pas dans son intérêt électoral ». Peu de chance, alors, que la diplomatie macronienne de la chemisette blanche et de la tape dans le dos, qui plaît tant à nos médias, impressionne beaucoup le président américain.

Il y a quelques jours, Politico rapportait les plaintes du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, qui appelait Washington à prendre en compte les préoccupations européennes. La réponse du porte-parole du Conseil de sécurité nationale de Biden avait été la suivante : « La hausse des prix du gaz en Europe est causée par l'invasion de l'Ukraine par Poutine et la guerre énergétique de Poutine contre l'Europe, point final. »

Derrière les grands principes, il y a le froid réalisme des rapports de force. Face à la politique américaine, Bruno Le Maire déclarait récemment : « L’Europe ne doit pas être le dernier des Mohicans. »  Gageons qu’à tout le moins, elle sera le dindon de la farce.

Frédéric Martin-Lassez
Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

43 commentaires

  1. L’Ukraine en ruines, la Russie frappée par la guerre, l’Europe en déconfiture et les USA gagnants sur tous les fronts !
    Merci Monsieur Biden, chapeau bas !
    Mais à la grâce de Dieu les peuples finiront par se réveiller !

  2. En son temps Mitterrand avait déclaré à un Journaliste qui l’interviewait Au sujet des relations entre la France et les États-Unis: « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort.

    Sacrés Mitterrand, il avait tout compris.

  3. dans cette affaire les u s a sont nos ennemis autant sinon plus que les russes
    de plus le sabotages des gazoducs russe arrange bien la cause americaine

  4. Les USA pour l’Europe et tout spécialement la France sont, au choix, nos pires amis, sinon nos meilleurs ennemis… Poutine tuera l’Europe et Biden achèvera les blessés.

  5. La guerre en Ukraine vient à point pour poursuivre la « crise » Covid dont les Américains ont été les premiers bénéficiaires et profiteurs

  6. La Russie est en guerre contre « quarante » pays parmi lesquels « trente » fournissent du matériel militaire, aussi bien défensif qu’offensif.
    Pour un pays qui est à genoux ( voir la chaîne d’information continue L-CI (A) la Russie ne se défend pas trop mal.
    Elle, au contraire des armées de l’OTAN qui utilisent le tapis de bombes ( dieu reconnaîtra les siens ) en massacrant aussi bien des civils sue des militaires -Irak 150000 morts- entre-autres, la Russie ne vise pas les civils quoique il y a quelques « dégâts » collatéraux alors qu’elle pourrait démolir Kiev en quelques jours.
    Le but des Russes c’est pas de fusées de l’OTAN à 200 km. de Moscou.
    Donc pas d’Ukraine dans l’OTAN.
    Et le retour dans la sphère d’influence russe des populations de l’Ukraine à forte dominance de russophones.
    Donbas, Crimée et Donesk.

    • en effet pour un pays qui n’a plus de missiles en stock, d’ou viennent ceux qu’ils tirent tous les jours. nous nous n’vons même plus d’obus pour nos « cesars » sans parler du reste du materiel, avions,bateaux, chars, camions, munitions en cas de conflit de haute intensité. bref c’est encore le b…….l hélas

  7. « Guerre en Ukraine : le malheur des Européens fait la prospérité de l’Amérique de Biden »

    Ce n’est plus un scoop. Beaucoup le dise depuis belle lurette. On les classifies dans le camp des complotistes dans beaucoup de « médias » « mainstream ».

    Il serait temps maintenant de débattre sur « Guerre en Ukraine : Le masochisme Européen entretenu par l’UE ». Par qui ? pour quoi ? … ? …?

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