Gilets jaunes et masques bleus

masque

Le 1er octobre 2008, Nicolas Sarkozy, au nom de la sacro-sainte sécurité, imposait l’achat d’un gilet jaune à près de 40 millions d’automobilistes. Une partie des Français s’y plièrent de bonne grâce, heureux de se soumettre à cette mesure dès lors qu’il s’agissait de les rassurer au sujet de leur immortalité, mais d’autres rechignèrent, estimant qu’ils avaient élu le fringuant Président pour passer le Kärcher™ et non pas pour leur imposer des contraintes et des dépenses supplémentaires, voire pour les ridiculiser à l’aide de cet accessoire que la campagne de publicité de Karl Lagerfeld reconnaissait comme « moche et [n’allant] avec rien ».

Les médias laissèrent comme d’habitude s’exprimer quelques opposants, puis ils couvrirent leurs voix dissonantes par celle des bons citoyens bien dociles qui soutenaient la mesure ; au bout de quelques jours, le débat était clos et, après quelques semaines de tolérance, on fit plier les derniers récalcitrants au moyen d’une amende de 135 euros ! Tout le monde entra dans le rang pour le plus grand bonheur du Président qui put fanfaronner en prenant la posture de l’homme à poigne capable d’affronter la grogne populaire. Oui, déjà, à l’époque, les responsables politiques étaient fiers, non pas d’en imposer aux puissants mais d’en imposer aux petits.

Mais on connaît l’incroyable retournement de signification que connut ce gilet qui, de symbole de soumission, devint symbole d’insoumission au point qu’au plus fort de la crise, on risquait plus une amende pour transport de gilet que pour absence de gilet.

Même si les deux affaires ne sont en rien comparable, dans la mesure où l’imposition des masques aux 60 millions de Français de plus de 11 ans est infiniment plus contraignante que l’achat d’un vêtement de sécurité, et dans la mesure où le gilet fluorescent, lui, était réellement susceptible de sauver des vies, il serait plaisant que cette muselière imposée sous la menace connaisse la même postérité que les gilets jaunes et devienne, à l’occasion d’un grand soulèvement populaire – un soulèvement contre un nouveau confinement, par exemple, ou contre une vaccination obligatoire -, le symbole du rejet du totalitarisme sanitaire. Bien sûr, il faudrait choisir une couleur de masque suffisamment originale pour permettre de distinguer les manifestants des moutons : des masques bleu roi ? Des masques bleus et blancs ? des masques bleu blanc rouge ?

Ce choix symbolique serait une illustration de la relégation des sans-voix et de la dénonciation des atteintes aux libertés fondamentales, mais il aurait aussi des avantages pratiques. Tout d’abord, les journalistes ne pourraient pas reprocher aux organisateurs de mettre en péril la santé des Français ; par ailleurs, ce masque pourrait aisément servir de support pour écrire des slogans ; et, enfin, le masque compliquerait la tâche d’identification des manifestants par les forces de l’ordre devenues, à leur grand dam, des forces antisociales.

Par un juste retournement de sens, ce symbole de la relation entre les Français et le pouvoir deviendrait le symbole de la résistance à ce que l'on peut ressentir comme de la manipulation, de l’humiliation ou de l’oppression.

François Falcon
François Falcon
Satiriste polémiste

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois