Le sermon du pape prononcé le 24 décembre à l’occasion de la messe de minuit fait couler beaucoup d’encre. Chacun y va de sa petite exégèse, y compris Boulevard Voltaire. Normal. Nous passons donc maintenant à l’étape suivante, c’est-à-dire à celle des commentaires des commentaires. Une revue de presse, soigneusement sélectionnée et parue mardi matin dans L’Obs, intitulée "Migrants : “Le pape François dit avec courage ce que d’autres n’osent pas dire”" - reprenant ainsi le titre du papier d’un journal local, La Presse de la Manche -, nous en donne l’occasion. Notons, du reste, que L’Obs se garde bien de nous dévoiler qui sont ces "autres [qui] n’osent pas dire"… Peut-être espère-t-il nous faire croire qu’une sorte de majorité silencieuse se cacherait dans les catacombes, comme persécutée par une pensée dominante acquise aux thèses identitaires.

Cet article-revue de presse s’accompagne d’un sous-titre : "Les éditorialistes approuvent le “cri” du pape sur les migrants mais craignent la surdité des croyants." Révélateur, cet emploi du pronom défini "Les" ! Ce n’est pas « Des », « La plupart des », « La majorité des » et encore moins « Quelques » éditorialistes mais "Les" éditorialistes, donc « Tous » les éditorialistes. Et d’ajouter "La presse applaudit." Question : la presse, quelle presse ?

Faute de place, nous ne pourrons pas commenter tous les articles retenus en toute objectivité par L’Obs. Mais certains méritent qu’on s’y arrête.

Dans L’Humanité - "en phase avec le souverain pontife", souligne L’Obs -, le journaliste Patrick Apel-Muller écrit : "L’Humanité et ses lecteurs se sentent plus proches de l’homélie du pape François que des circulaires du ministre de l’Intérieur…" L’Humanité se serait donc convertie au catholicisme et posséderait le don de lire dans les pensées et les cœurs de son lectorat.

Sud-Ouest est devenu une sorte de magistère, par le truchement de son éditorialiste Yves Harté, pour faire bref (papal !), un catéchisme quotidien régional en estimant carrément que "ce qu’il [le pape] dit est l’essence même d’un discours que négligent nombre de chrétiens".

Pierre Fréhel, dans Le Républicain lorrain, écrit : "Le pape François a célébré la nativité du Christ en rappelant opportunément que Jésus, Marie et Joseph étaient des migrants." « Opportunément » ? Question de point de vue. Est-ce bien opportun, en effet, d’assimiler celui qui va se faire recenser dans la ville où il a ses racines à un migrant ? Car c’est cela, le contexte historique de Noël. Avec des assimilations si "opportunes", demain, celui qui ira faire refaire sa carte d’identité ou son passeport deviendra, le temps de son déplacement entre son domicile et la préfecture, un sans-papiers… Tous migrants, tous sans-papiers ! Et l’éditorialiste du Républicain lorrain d’ajouter "pas certain pour autant que le devoir de charité et d’hospitalité recommandé par le pape soit entendu par tous les catholiques ou du moins par tous ceux qui se définissent ainsi". On appréciera, évidemment, le coup de griffe final. On attend les heures de permanence au confessionnal de l’abbé du Républicain lorrain.

Dans cette revue de presse succincte, L’Obs n’oublie pas de mentionner Le Figaro, histoire de s’offrir un petit tour dans les étages nobles et cossus de la bonne conscience et du conformisme. Et d’évoquer le "cri" du pape, selon l’éditorialiste Étienne de Montety.

Très curieusement, L’Obs ne fait pas mention de cette question posée justement par Le Figaro à ses lecteurs le 25 décembre après-midi : "Approuvez-vous l’appel du pape François à plus d’“hospitalité” envers les migrants ?" À l’heure où je mets le point final à ce papier, 55.863 lecteurs ont répondu à cette question qui fâche. 72 % ont dit « Non ».

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26 décembre 2017 à 19:06

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