Et si l’on défendait Julian Assange ?
Le 27 février, la Justice britannique a suspendu, jusqu’à mi-mai, l’examen de la demande d’extradition de Julian Assange, fondateur de WikiLeaks. Réclamé par la Justice américaine, il risque jusqu’à 175 ans de prison pour 18 chefs d’inculpation, la plupart impliquant une violation de l’Espionage Act.
Assange a été accusé de trente et un chefs de piratage et de crimes connexes. Selon sa théorie, la vieille lutte des classes ou entre droite et gauche, libéraux et conservateurs, démocrates et républicains, n’est plus pertinente aujourd’hui, sinon pour amuser la galerie. À l’heure actuelle, la lutte est celle des individus contre l’idéologie technique, ce qu’il nomme les « réseaux de patronage », en fait des techno-systèmes savants. Économie, commerce ou écologie, ils sont conçus pour faire croire aux simples citoyens, à coups de manipulations par médias, réseaux sociaux et influenceurs, qu’ils ne sont pas assez instruits pour comprendre la complexité des enjeux. Assange pense que l’éthique, qui peut se définir comme la mise en œuvre des valeurs morales dans la société, est ainsi corrompue par ces réseaux de patronage adossés à des algorithmes de surveillances très intrusifs. Ils analysent les opinions et, sous couvert de la complexité des enjeux, les manipulent pour amener le peuple aux bonnes soumissions. Son idée est donc de tout révéler. Crypter les mails est, ainsi, le plus dérangeant pour ces réseaux de patronage. En devenant incompréhensibles pour les algorithmes de surveillance, ils garantissent l’anonymat des révélations.
WikiLeaks est cloisonné pour protéger les sources, au cas où une partie serait craquée. L'ensemble est crypté et le trafic gardé anonyme grâce à une version modifiée du fameux réseau Tor, du Dark Web. De plus, les ordinateurs WikiLeaks produisent en permanence des centaines de milliers de fausses informations qui noient ainsi les documents réels.
Les États-Unis décident, le 23 mai 2019, d’inculper Assange pour espionnage. Crime passible de la peine de mort. Assange évoque son intention de solliciter l’asile politique en Suisse, mais les États-Unis menacent la Suisse de représailles si la demande était acceptée et obtiennent son interdiction bancaire.
Et, pour plus de sécurité, en août 2010, la Justice suédoise accuse Julian Assange de viols sur mineurs. Affaire classée sans suite mais, comme par hasard, apparue après que WikiLeaks a publié 77.000 documents confidentiels de l'armée américaine sur la guerre en Afghanistan puis annoncé, le 15 août 2010, vouloir en publier 15.000 autres. Le 7 décembre 2010, Assange est arrêté par la police britannique à la demande de la Suède. Bob Beckel, un conseiller des Clinton et analyste politique, expliquait finement en 2010, sur Fox News : « Il n’y a qu’une chose à faire, fumer ce fils de pute illégalement. »
Le 16 décembre 2010, avec l’aide d’un comité de soutien dont Michael Moore, Ken Loach ou Bianca Jagger, et le versement d'une caution de 282.000 €, Julian Assange est libéré. Il fait appel, mais celui-ci est rejeté. Assange se réfugie, le 19 juin 2012, à l'ambassade de l'Équateur à Londres, où il obtient l'asile politique malgré l’opposition des Anglais poussés par les Américains. L’ambassade équatorienne est mise sous surveillance constante par la CIA et la police pour lui sauter dessus s’il tente d’en sortir. En mai 2017, eu égard à la fragilité des accusations, le parquet suédois abandonne les poursuites pour viol. Mais restent celles de la Justice britannique, qui lui reproche de ne pas avoir respecté les termes de sa liberté sous caution en demandant l’asile à l’ambassade. Le 20 juillet 2018, le président équatorien Moreno cède aux pressions américaines et accepte de remettre Assange aux autorités britanniques. Le 11 avril 2019, Assange est arrêté dans l'enceinte de l'ambassade par la police britannique. Sa nationalité équatorienne lui est également retirée. Corrélativement, et pour faire bonne mesure, le 13 mai 2019, juste après son arrestation par la police britannique, la Justice suédoise reprend l’inculpation de viol. Son ordinateur et ses téléphones sont aimablement renvoyés aux États-Unis. Reste, maintenant, à l’extrader. L’accusation n’est alors rien d’autre que celle de piratage informatique. Mais le 23 mai 2019, elle est requalifiée en espionnage, crime passible de la peine capitale. Alan Duncan, ministre d’État britannique, avait, bien sûr, garanti aux autorités équatoriennes que Julian Assange ne serait pas extradé vers un pays où il pourrait risquer la peine de mort, ce qui avait provoqué l’éclat de rire du secrétaire d’État américain Mike Pompeo.
Bien davantage que les complotistes systématiques, dont l’objectif est surtout de se mettre en valeur, Julian Assange et Edward Snowden, en s’attachant à produire des faits cachés mais vérifiables, sont devenus les vrais ennemis de ce système techno-algorithmique généralisé de surveillance et de manipulations, qui ambitionne, au nom du bien de tous, le libre assujettissement de chacun.
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