Le moulin médiatique tourne toujours à plein et, malheureusement, les événements du Capitole à Washington - présentés comme un prétendu coup d'État, alors qu'ils ressemblent bien davantage à une jacquerie de croquants insolents et délinquants - ont relégué à l'arrière-plan, loin très loin de notre vigilante attention, un fait majeur : l'accord sur les investissements entre l'Europe et la Chine, sur lequel il convient de s'interroger, en raison de son importance ou, plutôt, en raison des illusions qui ont présidé à son paraphe.
Depuis 2013, l'Union européenne et la Chine échangent ou négocient pour parvenir à un accord global sur les investissements européens en Chine et chinois en Europe. Il convient de savoir que les Chinois prennent tout leur temps avant de donner leur aval à une négociation.
Dans les années 1984- 1985, j'ai participé activement à la négociation de l'accord franco-chinois de protection et d'encouragement des investissements. Après plusieurs voyages en Chine, nous négocions à nouveau rue de Rivoli. Les Chinois reposent dix fois les mêmes questions, de manière certes différente. Excédé, Jean-Claude Trichet, chef de la délégation française, sort avec moi de la salle des conférences et me dit : « Ils nous font perdre notre temps. » Je lui réponds : « Erreur, Jean-Claude, la Chine est millénaire et la France est éternelle. » Nous avons, finalement, conclu au bout de longs mois… Il n'y a donc rien d'étonnant à la longueur des pourparlers entre l'Union européenne et la Chine. En revanche, les derniers jours des négociations laissent pantois.
C'est l'Allemagne, assurant la présidence de l'Union, qui a poussé sans vergogne à la conclusion d'un accord illusoire, pour ne pas dire « bidon » ! Son objectif est que son industrie puisse accéder le plus possible au marché chinois : l'Allemagne exporte 96 milliards d'euros vers la Chine et celle-ci 110 milliards vers l'Allemagne. Berlin était prêt à tout accepter pour rééquilibrer ses échanges.
La France demandait que Pékin ratifie les conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT ) sur la lutte contre le travail forcé. L'engagement chinois formalisé dans l'accord ne manque pas de sel : la Chine mettra en œuvre « des efforts continus et soutenus en vue de la ratification de ces conventions ». Autant attendre Godot et renvoyer aux calendes grecques sa mise en œuvre, mais on signe ! Pour se donner bonne conscience, les euros-béats se gargarisent de souveraineté européenne : l'Union européenne affirmerait, par cet accord, sa présence dans les relations commerciales internationales entre la Chine et les États-Unis : utopie, quand tu nous tiens... La vérité est que la Chine n'en fera qu'à sa tête et ne ratifiera aucune convention OIT !
Pour revenir à l'accord franco-chinois de 1985, juriste de la délégation, j'ai proposé aux Chinois d'insérer dans le texte la clause CIRDI du traité de Washington de 1965 qui permet à un investisseur privé de porter un litige à l'arbitrage. Ô surprise, la partie chinoise l'accepte alors que tous les pays du bloc de l'Est refusaient systématiquement l'arbitrage.
Mais vingt ans plus tard, lors d'une mission à Pékin sur la politique industrielle, je demande au conseiller économique de l'ambassade si cette clause CIRDI a été appliquée. La réponse fut simple : les dirigeants d'une entreprise française ont voulu s'en prévaloir, ils ont été expulsés manu militari. Fin des illusions ! N'ayons aucune illusion, la Chine ne se sentira jamais liée par un accord international économique, elle l'interprétera à sa guise au regard de sa vision souveraine.
La vérité de cet accord est à rechercher dans l'attitude d'Emmanuel Macron qui s'est littéralement couché devant les prétentions de la chancelière Merkel qui voulait conclure un accord pour son industrie au mépris des réticences françaises.
Toutes les réserves de la France ont été balayées. Pire : le Président Macron, en apparaissant à côté de la chancelière, a adoubé l'accord lors de la visioconférence du 30 décembre avec le président Xi Jinping. France : capitale Berlin. Chef d'État : Angela Merkel. Propos excessifs ? Non, c'est la triste réalité ! Emmanuel Macron, pétri d'idéologie euro-fédérale, est devenu le vassal de l'Allemagne ! Travailler pour le roi de Prusse est devenu une constante française avec le Président Macron.
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14 janvier 2021 à 14:07

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