Espagne : l’impasse socialiste
L’Espagne a, une nouvelle fois, voté et elle n’a toujours pas de majorité cohérente. Ainsi, le PSOE arrive en tête, en progressant de 85 à 123 députés, mais avec moins de 30 % des voix. Le Parti populaire s’effondre de 137 élus à 66. Il était le grand parti de droite « conservateur » qui gouvernait l’Espagne en alternance avec les socialistes lorsque, malgré la proportionnelle, le pays avait semblé parvenir à une situation habituelle là où est privilégié le système uninominal majoritaire : le bipartisme.
Malgré la politique économique efficace menée par Mariano Rajoy, qui a fait reculer le chômage de 26 à 15 %, de 2013 à 2018, le Parti populaire a sombré dans l’opinion en raison d’un vaste scandale de corruption qui a touché ses caciques. Sa gestion de la crise catalane l’a également desservi. Il se trouve donc pris en étau entre le parti centriste Ciudadanos, qui grimpe de 32 à 57 députés, et le nouveau venu d’une droite décomplexée, Vox, qui fait son entrée aux Cortes avec 24 élus. À gauche, au contraire, le PSOE redevient prédominant puisque son allié d’extrême gauche, Podemos, n’a plus que 42 élus, contre 59 dans la chambre précédente. Néanmoins, comme avant les élections, une majorité de gauche ne serait possible que grâce à l’appoint des indépendantistes, alors que les socialistes sont partisans de l’unité de l’Espagne. La seule solution arithmétique serait donc un gouvernement de centre gauche alliant PSOE et Ciudadanos et totalisant 180 parlementaires, juste au-dessus de la barre de 176 pour obtenir la majorité. Or, le parti centriste a juré ses grands dieux qu’il n’appuierait en aucun cas les socialistes chez qui de nombreux militants refusent, d’ailleurs, pareille alliance. Vive, donc, la proportionnelle…
L’entrée de Vox au Parlement espagnol est un événement, puisqu’il s’agit clairement d’un parti nationaliste et conservateur, farouchement opposé aux indépendantistes régionaux et hostile à l’immigration ; bref, une sorte de retour du refoulé franquiste.
Son succès relatif a malheureusement le résultat inverse de celui qu’il a connu en Andalousie. Il est probable que, loin de faire tomber la gauche, il l’a renforcée parce que celle-ci a fait planer l’ombre du franquisme sur les élections. Par ailleurs, l’Espagne, malgré la porte ouverte à l’immigration par le gouvernement Sánchez, n’a pas réagi majoritairement contre le laxisme européen. Les europhiles y sont apparemment très largement majoritaires. Les élections européennes, dans quelques semaines, seront donc un correctif intéressant du vote national de dimanche.
Par ailleurs, l’impasse dans laquelle se trouve le vainqueur relatif, le PSOE, est néanmoins un cadeau inespéré pour un parti qui est le grand responsable de la situation actuelle de l’Espagne parce qu’il aura déversé sur le pays le cocktail socialiste devenu habituel, un poison mortifère pour la survie d’une nation. L’Espagne a une économie fragile. Elle est écartelée par des régionalismes puissants. Comme la plupart des pays latins, sa population a un rapport ambivalent avec l’intérêt général parce que l’individualisme n’y est pas compensé par une morale protestante introdéterminée. Or, les socialistes ont affaibli son économie par démagogie. L’augmentation importante du SMIC à la veille des élections vient encore d’en témoigner. Ils ont aussi favorisé l’autonomie régionale avec le résultat calamiteux d’un possible éclatement du pays. Ils ont encore poussé le progressisme sociétal, l’autre nom de la décadence, en instaurant par exemple le mariage unisexe ou en favorisant l’immigration. Enfin, ils tiennent aussi à réécrire l’Histoire en tuant deux fois les morts. La dépouille de Franco est devenue, pour eux, un enjeu politique.
Franco avait évité à son pays une dictature communiste. Franco avait commencé par gouverner avec les fascistes de la Phalange et terminé avec les démocrates-chrétiens de l’Opus Dei, et un progrès économique et social considérable. Cela a permis une transition démocratique impeccable, presque inespérée. Il est assez injuste de ne pas le reconnaître. Mais il appartient aux socialistes, en Espagne comme en France, de sacrifier les héritages positifs à leur idéologie et, plus encore, à leur soif du pouvoir. Certes, les deux histoires et les deux hommes, de Gaulle et Franco, ne sont pas identiques, loin s’en faut, mais dans les deux cas, le passage des socialistes au pouvoir a brisé le redressement d’une nation. Ceux qui incarnent le vouloir-vivre de l’Espagne arrivent bien tard et sont encore trop peu nombreux pour conjurer le sort.
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