Erdoğan : nouvelle épine dans le pied de l’OTAN ?

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L’officialisation des candidatures d’adhésion à l’OTAN de la Finlande et de la Suède a provoqué bien des réactions. Jugées comme provocation anti-Poutine par certains, comme renforcement atlantiste bienvenu par d’autres, ces candidatures ont toutefois trouvé un obstacle de taille : le refus de la Turquie. Ankara affirme qu’elle posera son veto tant que Finlande et Suède continueront d’accueillir des réfugiés politiques du PKK, une mouvance formée par des indépendantistes kurdes en 1978.

Cela fait plusieurs années que la Turquie accuse les pays scandinaves de complicité avec des militants kurdes tout comme elle affirme que des soutiens de Fethullah Gülen, accusé d’avoir fomenté le coup d’État de 2016, jouissent de la protection de Stockholm.

Erdoğan ne cache pas son hostilité envers la Suède, qu’il a qualifiée de « foyer de terreur » et de « nid de terroristes ». Plus encore, plusieurs médias turcs affirment que des combattants du PKK, via leur branche militaire du YPG, ont été en partie armés par la Suède. L’agence de presse Anadolu a ainsi publié des images où l’on peut apercevoir des lance-missiles de conception suédoise récupérés dans des caches d’armes kurdes.

Mais pourquoi Erdoğan accorde-t-il une telle importance à la question kurde au point de se mettre toute l’Alliance atlantique sur le dos ?

En Turquie, la question de l’indépendantisme kurde agite le spectre politique depuis des dizaines d’années. Dans les années 80 jusqu’au début des années 2000, un véritable mouvement indépendantiste kurde s’est créé et a mis en place une féroce guérilla dans les montagnes d’Anatolie, une région que l’on nomme communément le « Kurdistan turc ». Cette guerre civile localisée coûtera la vie à près de 44.000 personnes et mènera à la destruction, par l’armée turque, de 4.000 villages kurdes accusés de complaisance avec les indépendantistes. Le mouvement de rébellion, comprenant qu’il ne peut gagner la guerre, décide de se déplacer en Syrie et en Irak, où de nombreux Kurdes vivent également.

Dix ans plus tard, l’insurrection kurde trouvera son second souffle parallèlement à l’essor de Daech dans tout le Moyen-Orient. Solidement implantés dans le nord de la Syrie et aguerris au combat, les Occidentaux verront dans les organisations militaires kurdes leurs meilleurs alliés face aux islamistes. Débute alors un vaste programme d’entraînement et d’armement qui placera le YPG (branche armée du PKK) et les FDS (Forces démocratiques syriennes, majoritairement composées de Kurdes) comme l’une des factions armées les plus puissantes de Syrie. Dans leur lutte face à Daech, les Kurdes se taillent un État de facto indépendant à la frontière turque et prennent une sorte de revanche, dix ans après leur écrasement militaire par l’armée turque. Mais Erdoğan, ne voyant pas les choses de cet œil-là, organise plusieurs opérations militaires au début de l’année 2015 et frappe le nouveau Kurdistan au cœur, mettant fin au rêve kurde d’un État indépendant.

Cette détermination à combattre l’indépendantisme kurde en tous lieux montre à quel point la question est centrale pour la survie de l’État turc. La moindre entité politique ou territoriale qui pourrait offrir au PKK une forme de soutien se retrouve attaquée par Erdoğan qui use volontiers d’une rhétorique nationaliste pour s’assurer du soutien de la population. La Suède et la Finlande, à leur échelle, en font les frais. Alors qu’ils proposaient, la semaine dernière, d’envoyer une délégation diplomatique à Ankara, la Turquie avait rétorqué qu’il « n’était pas la peine de se fatiguer ».

Toutefois, ce mardi 24 mai, le ton s’est, semble-t-il, quelque peu apaisé. La Suède et la Finlande vont envoyer plusieurs délégations en Turquie tandis que le vice-ministre turc Sedat Önal participera à une réunion, mercredi, organisée autour de l’intégration des pays scandinaves à l’OTAN. Selon le ministère des Affaires étrangères turc, un « projet d’accord » a été mis en place afin de servir de base aux discussions.

Alors, l'OTAN « en état de mort cérébrale », comme l'avait affirmé Emmanuel Macron ? L'avenir nous le dira.

Vos commentaires

13 commentaires

  1. Pour une fois, je soutiens sa revendication.
    Il est vrai qu’il s’approvisionne en gaz russe

  2. Ce type nous montre que même la pire ordure eut arriver à faire de bonnes choses… Il a dû etre vacciné covid, pas possible car ça ressemble à un effet secondaire encore méconnu, venant de lui.

  3. La Turquie est en position de force. En effet, elle est la tête de pont de l’OTAN la plus avancée en Asie centrale. Elle peut donc exercer tous les chantages qu’elle veut. Via l’OTAN, les Américains avancent leurs pions partout où ils trouvent leur intérêt. Toutefois il faut considérer comme bienvenue l’opposition d’Erdogan à l’adhésion de la Suède et de la Finlande. En effet, l’adhésion de ces 2 pays à l’OTAN sera la goutte d’eau qui fera déborder le vase. Poutine réagira, c’est sûr!

  4. N’y voyez aucune force dans leurs paroles, il s’agit tout simplement de dénoncer ce qui ne convient pas à leur doctrine. Et en occident, ils n’ont que le choix. Ils iront même accuser de tous les maux, ce dont ils sont eux-mêmes les créateurs et propagateurs. Et quand on revient d’une visite en Turquie, on reste abasourdi de voir ce qu’ils peuvent détruire, même chez eux !

  5. Il me semble que OTAN signifie Organisation de Traité de l’ Atlantique Nord (pur produit des dirigeants américains). Alors je ne vois pas bien ce que vient faire la Turquie là-dedans et encore moins ce que viendrait y faire l’Ukraine puisque ces deux pays n’ont aucune frontière avec l’Atlantique.

  6. Comme à son habitude Erdogan monnaie sa voix et fait monter les enchères, quand on pense qu’il y a des débiles qui voudraient le faire entrer dans l’europe!

  7. Pendant ce temps-là, le truc de Bruxelles ne voit pas venir le loup gris :

    La ville d’İzmir en Turquie a reçu le Prix de l’Europe 2022 qui récompense les villes particulièrement actives dans la promotion de l’idéal européen.
    Sur FDS

  8. Puisque notre chef l’a dit, enterrons l’Otan avant que sa présence ne provoque des drames internationaux . On applaudit à la naissance d’une éventuelle Ukraine et peu de monde se soucie du peuple Kurde, de solide existance, qui peine tant à obtenir un territoire en propre .

  9. L’OTAN ne peut pas se permettre de perdre la Turquie , elle contrôle l’accès des Russes à la Méditerranée .
    Erdogan peut réclamer ce qu’il veut , il l’obtiendra .

  10. L’histoire du PKK n’est qu’un alibi. Erdogan s’oppose à l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN, qui est au passage une belle connerie (l’adhésion), pour mieux négocier l’entrée de la turquie dans l’U.E ! Pour erdogan c’est du « donnant-donnant ». Il serait préférable d’expulser la turquie de l’OTAN, le monde ne s’en porterait que mieux !

  11. Erdogan devient l’arbitre de la nouvelle guerre froide mondiale. Etant dans l’OTAN (organe du G7) mais étant aussi dans l’OCS (E7 avec Chine, Inde, Russie, Brésil,…..), il se trouve au centre des états. De plus, il a très peu d’opposition dans son pays (il les a muselés) et pas de tendance invertie ou « woke » (le sunnisme l’interdit). C’est dire que Soros va avoir du mal à le piloter comme il le fait pour l’Europe ou l’Amérique du Nord (et surtout pour l’Ukraine).

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