Dans un communiqué de presse paru ce mercredi 3 janvier, le ministre Pap Ndiaye annonce son intention de faire du « relèvement du niveau des élèves » une priorité de l’Éducation nationale et propose une série de mesures pour les classes de cycle 3 (CM1, CM2 et 6e) telles que le retour à la dictée ou au calcul mental. François-Xavier Clément, philosophe et fondateur de « Saint-Joseph Éducation », a publié un ouvrage paru aux Éditions Artège en 2021 La Voie de l'éducation intégrale. En famille et à l'école : des enfants heureux, libres et responsables.

Pour les lecteurs de Boulevard Voltaire, il réagit aux annonces du gouvernement

Sabine de Villeroché. Le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, annonce vouloir relever le niveau des élèves ? Qu’en pensez-vous ?

François-Xavier Clément. Tous les ministres de l’Éducation, de droite ou de gauche, sont passés par cet exercice de communication qui consiste à laisser penser que l’on va revenir aux fondamentaux de lire, écrire, parler, compter… de la dictée, de l’exigence, du par cœur, du calcul mental, etc. Il ne faudrait pas les pousser beaucoup pour qu’ils nous sortent une circulaire avec des pleins et des déliés composés à la plume Sergent-Major™… ou qu’ils posent devant un pupitre en blouse pour rassurer les nostalgiques et laisser une empreinte d’exigence. Cela ne coûte pas très cher politiquement, d’autant plus que toute la classe politique française est d’accord pour dire que le système scolaire français est en crise et que les résultats de nos élèves sont entre moyens et très mauvais. S’il est vrai que les classements internationaux ne doivent pas devenir l’aune ou la boussole de nos politiques publiques, il est cependant intéressant de s'attarder sur les évaluations réalisées pour les pays de l'OCDE concernant les mathématiques (TIMSS) et la pratique de la langue maternelle (PIRLS). Dans le premier cas, les élèves français sont classés 17e sur 20 pays, et dans le second, nos élèves sont à la 22e place sur 24 pays du même groupe de l’OCDE. C’est ce classement qui permet au ministre de savoir que nous peinons à avoir « un élève sur deux qui sait lire avec aisance ».

Alors oui, je pense que c’est une bonne idée de vouloir relever le niveau des élèves français !

S. d. V. Ne pensez-vous pas qu’il soit trop tard ?

F.-X. C. Cela dépend si le ministre Ndiaye parle de relever le niveau des élèves actuellement dans le système scolaire ou s’il parle des enfants à naître. En effet, relever le niveau des élèves nécessite une réforme systémique très profonde par laquelle on reprendrait les fondamentaux de la formation initiale et continue des professeurs. Ensuite, il conviendrait d’assurer les conditions d’une réelle transmission des connaissances en instaurant une autorité éducative effective dans les établissements scolaires et dans les classes. Pour hausser le niveau de réussite des élèves dans leurs apprentissages, il faut commencer par rehausser l’exigence qu’ils ont à l’égard d’eux-mêmes. Le climat général des collèges et lycées, la tenue vestimentaire des élèves, leur langage, la violence des relations, les refus d’obtempérer sont autant d’ingrédients qui rendent très indigestes les heures de la vie scolaire. Quelle motivation ont aujourd’hui les jeunes quand ils arrivent dans leur établissement ? Quelle image ont-ils d’eux-mêmes ? Quelle perception ont-ils du regard des adultes sur leur génération ? L’enfant a besoin de ressentir l’exigence, l’espérance et la confiance de l’adulte dans sa capacité à réussir. Contrairement à ce que l’idéologie progressiste véhicule, les élèves sont fiers de l’exigence que les adultes ont à leur égard. Si ceux qui encadrent les élèves sont eux-mêmes démunis des codes élémentaires de la politesse, du respect ou de la maîtrise de soi, comment peuvent-ils participer à rehausser le niveau d’exigence des élèves ?

S. d. V. Que pensez-vous des propositions de Pap Ndiaye ? Sont-elles à la hauteur du défi ?

F.-X. C. Le ministre demande que les professeurs de CM1 et CM2 réalisent davantage de dictées, de rédactions et d’exercices de calcul mental dès ce mois de janvier. Il annonce une heure de soutien en 6e qui serait assurée par des professeurs de primaire… En 25 ans de carrière dans l’éducation, je ne compte plus le nombre d’injonctions ministérielles qui n’ont eu aucune efficience pour les élèves français. Il est intéressant de lire les rapports de la Cour des comptes, ceux de l’Inspection générale ou encore les analyses de l’iFRAP pour comprendre que les réformes se succèdent comme les ministres et que rien ne change. Pour vous répondre clairement : non ! Je ne pense pas du tout que les propositions soient à la hauteur des enjeux. On est dans une communication avec des effets cosmétiques, tout cela fera plaisir aux bobos sans enfants, aux amnésiques et aux LR de la Macronie. Dans l’éducation, pour savoir si une réforme est courageuse et structurellement vertueuse, le meilleur thermomètre est encore d’analyser les réactions syndicales. Il semble bien que Pap Ndiaye n’ait pas du tout effrayé les syndicats de maîtres. Le SNALC dénonce une usine à gaz, le SNES se plaint du manque de moyens et des effectifs trop importants. Quid novi sub sole ?

S. d. V. Vous-même, François-Xavier Clément, avez quitté l’Éducation nationale pour bâtir autrement un grand projet éducatif. Quel est-il ?

F.-X. C. Oui, après avoir travaillé dans l’enseignement privé associé par contrat à l’État durant 25 ans, et après avoir constaté que le système général ne supportait pas la remise en cause, j’ai décidé de penser mon action sous la forme de propositions alternatives. Je me suis impliqué aux côtés de Philippe Némo dans la formation des professeurs du secondaire avec l’École professorale de Paris. Par ailleurs, j’ai créé le fonds Saint-Joseph Éducation pour développer l’éducation intégrale dans la formation des professionnels de l’éducation. Nous avons ouvert un centre de formation de l’éducation intégrale qui est désormais certifié « Qualiopi ». Cela signifie que nos formations peuvent être intégrées au plan de formation et faire l’objet d’une prise en charge dans le cadre du droit individuel à la formation. Notre objectif est aussi d’accompagner la création de collèges en mettant à disposition du plus grand nombre des enseignements de grande qualité enregistrés en vidéo par les meilleurs professeurs. Il est urgent de transmettre la culture, la vraie, et de former les intelligences pour que les enfants retrouvent la capacité à écrire, à parler, à raisonner scientifiquement et à penser la complexité par eux-mêmes. C’est seulement par ce moyen que l’on pourra retrouver un climat social apaisé.

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08 janvier 2023 à 12:15

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12 commentaires

  1. Les problèmes de l éducation nationale s aggravent depuis des décennies. Des solutions sont possibles,mais l idéologie gauchiste empêche toute réforme. Les ministres incompétents sont instrumentalises par des technocrates sectaires ,islamo gauchistes. Les programmes scolaires ne sont plus objectifs .Ex : on étudie la France repentante ,la colonisation, l esclavagisme,etc
    Mais on critique la France glorieuse de Napoléon, Clemenceau ,De gaulle,etc
    Pauvre France.

  2. Quoique l’on dise et il faut avoir le courage de le dire, une certaine promiscuité au sein de nos écoles n’arrange rien!
    Il suffit d’en parler en catimini avec des enseignants afin qu’ils ne soient pas victimes de retours de bâtons pour en être convaincus.
    Où sont passés les fondamentaux? Triste époque où le brassage de vent est devenu la règle. On ne change pas des méthodes qui ont fait leurs preuves depuis des dizaines et des dizaines d’années.

  3. Pour relever le niveau, il faudrait instaurer ce qui fait horreur aux enseignants, à la NUPES, à la Macronie, à une partie de LR et à tous ceux qui ne votent pas :
    1/ abrogation du collège unique
    2/ examen d’entrée en 6ème anonyme avec programme national unique très exigeant ( ex. on apprend le passé simple, l’imparfait du subjonctif, comme autrefois), pour tout le cursus primaire
    3/ filière spéciale pré-professionnelle à 12 ans pour ceux qui ratent deux fois l’examen d’entrée en 6ème
    4/ possibilité de passerelles pour les cas exceptionnels
    5/ suppression des allocations familiales pour les enfants qui perturbent les cours ou se montrent violents.
    Bon courage !

  4. Ne dirions nous pas que les Ames les plus heureusement douées,lorsqu’elles reçoivent une mauvaise education,souffrent et deviennent mauvaises au plus haut point!!Les meilleurs »natures »souffrent plus que les autres d’une mauvaise éducation,car c’est celle qui leur convient le moins!!!!Le meilleur est d’autant plus sensible aux atteintes du Mal,qu’il est de par son essence plus éloigné de ce celui-çi!et parfois si proche!

  5. Et surtout, le plus important : arrêtons définitivement toute discrimination positive !
    C’est le pire cancer qu’on puisse infliger à l’éducation.

  6. Plus que « systémique », le problème est sociologique.
    Je vous assure que le programme et les enseignants sont quasiment identiques entre le public et le privé, mais les élèves et surtout leurs parents sont très différents.
    Certes, il y a une majorité de bons enfants dans le public, mais il y a surtout beaucoup moins, voir pas du tout de parents démissionnaires dans le privé.
    Il suffit de quelques éléments indésirables dans un établissement pour que le niveau de tous les élèves s’écroule, car voyez vous, l’éducation nationale a une culture de gauche, donc celle de l’excuse, de la tolérance, de l’inclusion… Bref, l’inverse de l’excellence.
    Du coup, quand un gamin à l’abandon et plutôt mal servi cognitivement ne comprends rien et perturbe un cours, il faut lui accorder le précieux temps de l’enseignant au détriment du reste de la classe.
    Quand il y en a 4 ou 5, ça devient une garderie et ce sont les autres élèves qui sont à l’abandon.
    Dans le privé, on peut les virer et de toute façon, les frais (si modiquent soient-ils) sont une frein pour les parents qui sont les premiers à ne pas miser lourd sur leurs enfants.
    Vous voulez résoudre le problème de l’école ? Sortez ces enfants du circuit générale, c’est très simple.

  7. savez vous , cher monsieur , qu’il existe également des classes populaires sans enfants…….?

  8. Bon courage pour relever 60 ans de gauchisme dans le monde scolaire.
    Mais former des idiots a son utilité.

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