Emmanuel Macron veut s’occuper des harkis. Enfin ?

Centre d'instruction de harkis d'Hammam Meskoutine.

Pour les plus jeunes ou pour ceux qui n'auraient pas vécu comme nous, à côté du célèbre camp de harkis de Bias, près de Villeneuve-sur-Lot, un petit cours d'histoire est nécessaire. Les harkis sont des combattants algériens supplétifs de l'armée française qui combattirent contre le FLN pendant la guerre d'Algérie. À l'indépendance, en 1962, des milliers d'entre eux étaient massacrés par les combattants du FLN qui les considéraient comme des traîtres, tandis que les plus chanceux purent gagner la métropole. D'abord "accueillis" dans des camps dans des conditions très souvent indignes, leur intégration ne fut pas toujours facile, malgré toute une série de lois, et tous nos Présidents (sans exception) se sont penchés sur leur sort pendant cinquante ans : reconnaissance comme anciens combattants, mesures sociales spécifiques, etc.

Emmanuel Macron s'inscrit dans cette tradition, comme vient de l'annoncer, au Journal du dimanche, Geneviève Darrieussecq, la secrétaire d'État auprès du ministre des Armées. Il pourrait annoncer, le 25 septembre prochain - journée qui leur est consacrée -, une série de dispositions en leur faveur. Le Président et le gouvernement s'appuient sur un rapport du préfet Ceaux remis au ministre en juillet. Parmi les mesures annoncées, un fonds de 40 millions d'euros, le vote d'une résolution par le Parlement et un meilleur enseignement du rôle des harkis pendant la guerre d'Algérie.

Mais à la base, ici par exemple, autour de Villeneuve-sur-Lot, où la communauté harkie est toujours bien implantée, ce rapport a été très mal reçu. L'un des responsables du Comité national de liaison des harkis (CNLH), le Villeneuvois Mohamed Badi déclarait, en juillet, lors d'une réunion à Sainte-Livrade-sur-Lot :

« Ce rapport est inacceptable et le groupe de travail ne se reconnaît pas dedans. Il n'y a eu aucun débat, aucune concertation. On est mis devant le fait accompli. Aucun crédit supplémentaire n'est affecté afin de satisfaire à nos demandes de réparation. Cela reste du social. Nous demandions simplement de reconnaître l'abandon des harkis en territoire ennemi à travers une loi qui est exécutoire. Mais le rapport ne propose qu'une simple résolution qui, elle, ne l'est pas. »

On peut comprendre la situation tragique des harkis et imaginer facilement la double peine qui fut la leur : rejetés là-bas et regardés de travers par certains ici. On constate aussi à quel point cette mémoire douloureuse de la guerre d'Algérie est à fleur de peau, surtout quand la France a accueilli, dans le même temps, une immigration algérienne importante.

Qu'une partie de la solution passe par un enseignement moins idéologique de la guerre d'Algérie et de la colonisation, c'est indéniable, mais le candidat Macron n'avait guère montré la voie en parlant de "crime contre l'humanité".

Mais il serait temps, plus de cinquante ans après, de tourner la page, pourvu qu'elle soit écrite avec rigueur, justice et nuances. Ce qui n'est pas encore le cas. Cela permettrait peut-être d'envisager d'autres problèmes que ne soulèvent ni les associations de harkis ni le gouvernement.

En effet, à côté d'exemples d'intégration exceptionnels (et, à Villeneuve-sur-Lot, on en connaît beaucoup, de la chanteuse Chimène Badi à d'autres, plus discrets, mais tout aussi réussis), la communauté harkie a elle aussi été touchée par le djihadisme. C'est ce que soulignait Jérôme Fourquet, citant le cas de Mehdi Nemmouche, dans une interview à Causeur : "Il y a un nombre non négligeable de descendants de harkis parmi les radicalisés."

Et puis il y a la persistance du rejet des harkis par les Algériens, y compris les Algériens installés en France : songeons à cette conseillère départementale LREM de 29 ans, Mounia Haddad, qui a été séquestrée deux jours durant par sa famille d’origine algérienne qui n’acceptait pas son projet de mariage avec un descendant de harki... Et cela n'a rien d'étonnant quand, sur le sujet épineux du retour des harkis en Algérie, on entend le ministre des moudjahidines, Tayeb Zitouni, déclarer : "Les traîtres n’ont pas de place sur le sol algérien."

En fait, le vrai problème des harkis, aujourd'hui, il est peut-être là.

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