Emmanuel Macron et les Gaulois

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Les Français sont les champions de la polémique inutile. En visite au Danemark, Emmanuel Macron a dit : "Les Gaulois sont réfractaires au changement." Tollé. Monsieur Plenel, moustache plaquée et sourire mi-clos qui en dit profond, les indignés de BFM TV ainsi que les chefs de tribu, tous ont parlé d’une inadmissible caricature. On a dit que Macron se plaisait à critiquer les Français à l’étranger. Le président a dû avancer son humour. Alors, on a dit que la politique n’était pas affaire d’humour : cette phrase ajoutée aux autres était la goutte qui faisait déborder le vase.

Et que disaient-elles, sinon la vérité, les autres « petites phrases » de Macron, en Roumanie et en Grèce ? Qu’il y a, en Europe, une tradition libérale et une autre conservatrice. Catholique dans les pays du Sud et protestante dans les pays du Nord. Un axe Nord/Sud vérifiable aussi bien dans l’économie que dans les mœurs. Quand il rappelle que les Français ne sont pas adeptes de la flexibilité, qui le niera ? Les Français voudraient-ils des salaires moyens allemands ? Et qui niera la difficulté à nous réformer sur des points importants à cause du poids des syndicats ? En témoigne la réforme de la SNCF, cette année.

En même temps, la révolution est dans nos gènes. César disait de nous, Celtes ou Gaulois : ils étaient "mobiles dans leurs résolutions et avides de nouveautés". Rebelles et forts en gueule, l’historien Strabon disait des Gaulois : "Si on les prend par la persuasion, ils se laissent amener aisément à faire ce qui est utile, témoin l’application qu’ils montrent aujourd’hui pour l’étude et pour l’éloquence." (On parlerait, aujourd’hui, de pédagogie ou de communication.) Bref, nous sommes, Dieu merci, réfractaires au changement, conservateurs, au sens où nous voulons garder ce qui est le meilleur. « Galates, je vous aime ! Car vous êtes inflexibles ! » C’est ainsi qu’on pouvait traduire la phrase de Macron.

L’historien Augustin Thierry, un des pères « du roman national », écrit en 1820 : "Nos ancêtres les Gaulois sont enthousiastes et moqueurs." De ce point de vue, Macron est un vrai Gaulois.

Mais, en visite au Danemark pour promouvoir l’Europe, il lance des phrases à la volée qui sont hasardeuses : "Le vrai Danois n’existe pas, il est déjà européen. C’est vrai aussi pour les Français." À l’entendre, il y aurait une Europe qui précéderait, en un sens, les pays qui la composent ? Face à l’Italie, il se campe contre « les populistes » réfractaires. Que dire des Gaulois !

Le 26 janvier 2016, le Parlement danois a durci sa loi visant à restreindre les flux migratoires et les demandes d’asile. On connaît la phrase célèbre dans Hamlet : "Something is rotten in the state of Denmark." Non que Macron l’ait dite, cette phrase, devant les souverains danois ! Mais cette phrase est souvent reprise pour l’appliquer à l’Europe confrontée aux problèmes migratoires.

Macron veut une Europe ouverte et progressiste. Mais l’Europe n’existe pas en dehors des pays qui la composent — peuples, États, nations, sans parler de tribus.

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Marie-Hélène Verdier
Agrégée de Lettres Classiques

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