Il faut vivre aux États-Unis ou connaître des Américains ou des expatriés français là-bas pour prendre la pleine mesure de la violence des débats politiques et sociétaux, outre-Atlantique. Débats dans lesquels Twitter a souvent été au centre, pour ne pas dire, le centre, et pas seulement du temps de Donald Trump, jusqu’à son incroyable exclusion-censure. Si, en France, ponctuellement, des polémiques naissent et s’alimentent de Twitter, son poids dans la vie de la cité française est sans commune mesure avec ce que le plus simple des réseaux sociaux représente aux États-Unis. Twitter y fait une partie de l’actualité, au quotidien, et son influence sur les marchés américains (et le NASDAQ, en particulier) y est colossale.

L’intérêt subit de l’entrepreneur omnipotent et tout-puissant Elon Musk pour Twitter, et surtout la somme colossale qu’il est disposé à mettre sur la table pour l’acquérir, à savoir près de 43 milliards de dollars (40 milliards d'euros), sont à l’échelle de la démesure américaine. « Le reste du monde, c’est un bonus », est on tenté de dire. Au jeu de Risk™ des médias mondiaux, en contrôler un puissant, très puissant aux États-Unis, est un atout stratégique. On est tenté d’écrire « pour gagner », si la partie qui se joue pour le contrôle du 4e pouvoir devait prendre fin un jour. Rien n’est impossible, dans ce monde d’incertitudes.

Elon Musk, l’empêcheur de tourner en rond

Quand Elon Musk a lancé Tesla, l’intégralité des grands patrons de l’automobile se moquaient de lui, persuadés qu’il se planterait lamentablement. Aujourd’hui, Tesla gagne non seulement de l’argent, mais l’entreprise vaut 1.000 milliards de dollars en Bourse. À comparer aux… 60 milliards d’euros de capitalisation boursière de Stellantis (Peugeot, Citroën, Fiat, Chrysler, Jeep, etc). En réalité, Tesla, qui a produit  moins d’un million de voitures en 2021, vaut plus en Bourse que… l’ensemble des constructeurs automobiles du monde réunis !

Quand Elon Musk a annoncé, lors d’une conférence à la NASA, devant des ingénieurs chevronnés, qu’il concevrait des lanceurs capables de revenir sur Terre automatiquement, afin d’être réutilisés, pour réaliser des économies d’échelle, l’assemblée tout entière s’est tenu le ventre de rire. Si la NASA n’avait pas réussi à le faire, comment un ignorant complet de la chose spatiale y parviendrait ? Cinq ans plus tard, les ingénieurs de SpaceX relevaient le défi et depuis, la fiabilité des engins conçus par son entreprise est telle que la NASA lui confie la desserte de la Station spatiale internationale en matériel et en homme. Musk a divisé par 10 les coûts de l’accès à l’espace en deux claquements de doigts.

Autant dire que lorsque Elon Musk déclare qu’il compte prendre le contrôle de Twitter pour en « libérer le potentiel » (sic), il faut le prendre au pied de la lettre. Y compris lorsqu’il propose de transformer le siège de Twitter en abri pour SDF, puisque « plus personne ne vient y travailler ». On voit dans quelle estime il tient les équipes actuelles de Twitter, dont la politique de censure active des contenus et des membres a lourdement entravé le potentiel du réseau social. Qu’une partie des équipes de Twitter, réputées « ancrées à gauche », menacent de démissionner ne lui fait ni chaud ni froid. Des armées de jeunes WASP (White Anglo-Saxon People), geeks (passionnés d’informatique) et yuppies (Young Urban Professionals) rêvent d’y travailler ! Des jeunes trumpistes, dont les CV, jusqu’ici, n’avaient pas les codes d’entrée pour être recrutés. Il faut avoir milité pour certaines causes, et le faire savoir, pour être recruté aux États-Unis. Là bas, la discrimination positive est reine.

Elon Musk, soutien discret mais habile de Donald Trump ?

Et Musk, dans tout cela ? Trump ou pas Trump ? Une chose est sûre : lors de la présidentielle américaine, en 2020, l’entrepreneur a posté sur… Twitter un message codé, mais dont le sens est sans équivoque : « Take the red pill. » Cette citation, extraite du film culte Matrix, incitait les twittos (utilisateurs de Twitter) à voter pour les républicains, dont la couleur est le rouge, aux États-Unis, et le symbole l’éléphant. Détail qui a son importance : dans Matrix, la pilule bleue, couleur des démocrates, permet de « faire de beaux rêves », quand la pilule rouge, elle, permet de découvrir la vérité ou, plus précisément, de révéler la manipulation et les mensonges dont nous serions victimes.

Elon Musk, à la tête de près du 10 % du capital de Twitter aujourd’hui, est également dans le Top 10 des personnalités ayant le plus de followers (abonnés) : ils sont plus de 80 millions à le suivre ! Fort d’une fortune personnelle (en actions) estimée à 250 milliards de dollars, il s’est dit prêt à gager Tesla pour dégager le cash nécessaire à l’achat de Twitter, avec pour objectif final de sortir l’entreprise de la Bourse et, donc, pouvoir être le seul maître à bord, sans comptes à rendre à personne. De là à rendre inutile le réseau social de Trump « Truth Social », lancé le mois dernier ? On imagine l’onde de choc que pourrait provoquer le retour triomphant de Donald Trump sur Twitter version Elon Musk !

Une chose est sûre : si Musk réussit son coup, il ne s’arrêtera sans doute pas là. Quand il se lance dans un secteur, il a aussi pris pour habitude d’essaimer tout autour, bouleversant les monopoles établis et dénonçant les mauvaises habitudes. Bref, partout où Musk passe, il innove. Il y a donc fort à parier que cela bouge, demain, dans les médias américains, alors que les élections de mi-mandat approchent, élections qui s’annoncent désastreuses pour les démocrates et pourraient signer le grand retour aux manettes de Donald Trump. Et si ca bouge aux États-Unis demain, par contrecoup, cela pourrait bouger un peu, aussi, peut-être, en Europe et en France.

 

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15 avril 2022 à 22:16

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20 commentaires

  1. Elon « MUST », ce type est génial !
    Comme pour ses Fusées, puisse-il faire revenir la Démocratie sur sa Base de Lancement !

  2. Article très intéressant, qui explique très bien toutes les données du problème. Petite précision : WASP ne veut pas dire « White Ango-Saxon People » mais « White Anglo-Saxon Protestant », la nuance a son importance. Par ailleurs, si la prise de contrôle par Musk semble plutôt positive, je note quand même que c’est un personnage assez étrange et fantasque, qui carbure très régulièrement au canabis, ce dont pourrait finir par souffrir son intelligence supérieure, qui est par ailleurs indéniable.

  3. C’est bien la première fois que je serais d’accord avec les médias et les trusts américains.

  4. Tous les grands changements ont débuté aux USA avant d’arriver en France. Si Elon Musk provoque un tel changement qui fera que la peur change de camp, tant mieux. Si il favorise le retour de Trump, tant mieux. Attendons de voir.

  5. Musk délivrera-t-il l’occident de la lèpre Gates+Soros ?
    La paix dans le monde pourrait y gagner.

  6. La concentration des «pouvoirs» économiques et «péri-politiques» au point où en est arrivé Musk est un grave danger pour les démocraties.
    Les réseaux sociaux sont d’odieux manipulateurs d’opinion adulés par les faibles d’esprit.
    Musk est déjà devenu trop puissant.
    Il est capable de mettre en orbite des centaines de satellites espions, bien payés, preuve est faite.
    Les Tesla sont un leurre pour l’écologie et l’origine de ses milliards grâce aux idéologues stupides bobo-écolos de gauche.

    1. Cela dépend du détenteur de cette concentration. S’il est bienveillant ou malveillant. Musk ou Biden… Un réseau social universel serait une bonne chose, débarrassé des censures bien-pensistes qui freinent ou bloquent le débat! Vous émanez en fait de cette frange bien-pensiste qui s’effraie qu’une puissance lui échappe, on risquerait de vous dévoiler sans censure salvatrice, et donc il vous faudrait l’anéantir… Par contre, que la concentration soit chez vous ne vous dérange pas ..

    2. En vérité, je vous le dis, vous devriez vous demander si la fin de civilisation n’est pas une conséquence directe de votre action prétendument humaniste. Car le mensonge ne dure qu’un temps, vient l’instant de la révélation où votre château de cartes s’effondre, et qu’importent alors les fortunes que vous aurez amassées, votre règne sera fini, et vos personnes, déchues.

  7. Une très bonne chose le retour de Donald Trump. Cela nous éloignerait définitivement d’un troisième conflit mondial pour lequel Biden pousse les feux en ce moment.

  8. Musk est un mystère et votre article ne l’éclaire guère . La Tesla n’est fabriquée qu’en dose homeopathique mais son inventeur gagne des sous : aurait-il inventé l’économie sans usine chère à nos rêveurs d’il y a 50 ans ? Sa recette déconcerte .

    1. Sa réussite est en effet tout sauf claire, en tous cas pour les malvoyants soumis consentants !

    2. Il a surtout lourdement investi pour réduire drastiquement le nombre de pièces d’une automobile. Ses gigapress permettent de mouler en alu directement un demi-châssis de voiture, imaginez-vous la rapidité d’exécution, les éléments batteries, moteurs et transmissions arrivent en gros ensembles montés directement sur la caisse, et la voiture est déjà vendue, au prix d’une voiture classique, bien plus longue à construire… De plus, il a visé grand, et ses sous-éléments en quantité industrielle ont

    3. vu leur prix de revient chuter. Un peu (beaucoup) de robotique et un personnel gonflé à bloc parce qu’intéressé à son travail ET par son travail, ce qui est inconnu chez nous. Et pour couronner le tout, il est seul détenteur de tout le bazar, tous les bénefs lui tombent dans la poche: voiture moins coûteuse à construire PLUS non-dispersion des bénefs, et voilà!

  9. Si Elon Musk réalise son projet, comme tous les précédents, les bénéfices pourraient être planétaires sur de nombreux plans : économique, sociétal, politique…

    1. Ah bon? Pour le mondialisme qui fait chaque jour ses preuves de générosité, en somme?! Triste.

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