Notre Premier ministre a-t-il commis une faute politique en affrétant un luxueux avion privé pour rentrer plus vite de son déplacement en Nouvelle-Calédonie ? À l'escale de Tokyo, il a en effet préféré abandonner l'avion de la République pour prendre, avec les soixante personnes qui l'escortaient, un A340 de luxe avec 100 sièges de type première classe, loué à la plus chère entreprise spécialisée, AERO VISION : un vol à 350.000 euros. Désireux d'éteindre au plus vite l'incendie médiatique qui s'en est suivi, Édouard Philippe a justifié et déclaré assumer totalement ce choix au micro de RTL. Outre l'inconfort de l'appareil français qui l'aurait empêché d'arriver frais et dispos à un Conseil de défense matinal, l'option d'un appareil plus rapide lui aurait permis de gagner les deux heures nécessaires pour toucher le sol national avant que le Président ne le quitte pour Alger. Il est en effet d'usage que l'une des deux têtes de l'exécutif soit en permanence sur le sol national. Sans doute nos éminences sont-elles fans de la série Designated Survivor, excellente au demeurant, où l'on voit un obscur sous-secrétaire d'État au Logement finir le mandat du président des USA, après l'assassinat de masse de tout l'exécutif…

Il est tout de même permis de trouver ces explications un peu simplettes. Est-il vraiment impossible à notre armée de l'air de boulonner quelques sièges Pullman dans un A340 ?

Et Gérard Collomb, ministre d'État et troisième dans l'ordre protocolaire, n'aurait-il pas pu être d'astreinte pendant cent vingt minutes, des fois que Kim Jong-un aurait lancé un missile sur Disneyland Paris ?

Tous nos politiciens prônent la réduction des dépenses publiques et encensent les mânes du général de Gaulle. En oubliant que celui-ci, à l'Élysée, payait sa consommation électrique personnelle de sa poche, tandis qu'Antoine Pinay, pour gérer la France, débarquait de sa mairie de Saint-Chamond d'un wagon de deuxième classe…

Les temps ont certes changé, et les mesures drastiques de protection des hautes personnalités s'imposent à l'évidence, mais à l'heure où le collier fiscal nous étrangle comme jamais, c'est à des initiatives aériennes comme celle d'Édouard Philippe que l'on mesure à quel point la France, après avoir coupé la tête de son roi, tolère encore les privilèges de l'Ancien Régime. Alors que, dans une monarchie comme la Suède, le Premier ministre prend la file derrière les secrétaires pour garnir son plateau-déjeuner à la cafétéria.

Décidemment, nous avons encore du chemin à parcourir pour "faire de la politique autrement"…

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20 décembre 2017 à 21:08

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