Une droite de droite, pas la droite de la gauche !

Laurent Wauquiez (LW) a été élu brillamment, au premier tour, président de LR. D'où une légitimité forte

Il a été placé immédiatement sous surveillance par la frange juppéiste.

Xavier Bertrand, lui, n'a pas traîné et a annoncé qu'il quittait le parti parce qu'il était en désaccord, notamment, avec la vision de l'Europe de Laurent Wauquier et le fait qu'après le premier tour de l'élection présidentielle LR n'ait pas appelé à voter clairement en faveur d'Emmanuel Macron.

[...]

D'autres vont suivre, malgré sa victoire incontestable (ou à cause d'elle ?), en reprochant à Laurent Wauquier la droitisation du discours avant de savoir si la pratique allait y correspondre totalement.

Éric Woerth tente d'apaiser les tentations de fuite ou d'éloignement en recommandant de "jouer collectif", de mener le combat au sein de LR, et non pas à l'extérieur, et en rassurant les inquiets sur la totale étanchéité entre la droite et l'extrême droite.

Facile, sans doute, d'ironiser sur la "famille décomposée", cette "droite éclatée" que Laurent Wauquier a voulu plus que tout autre prendre en charge, mais peut-être un peu court !

Parce que le président de la République ne sous-estime pas celui qui a proclamé que "la droite était de retour" et le perçoit comme un adversaire déterminé et à prendre au sérieux.

Parce que Laurent Wauquier va s'entourer de personnalités n'ayant rien à envier à leurs aînés : je songe notamment à Guillaume Peltier et à Guillaume Larrivé. Et aura à compter avec Valérie Pécresse, qui a son chemin mais ne s'est pas détournée de LR. Et Jean-François Copé y reste, lucide, vigilant et disponible.

Parce que, dans les débats internes, les diverses tendances de la droite décidée à demeurer parce qu'accordée sur un noyau dur vont proposer, infléchir, amender, contredire et que cette richesse collective ne manquera pas, je l'espère, d'être exploitée.

J'entends bien que, de la part de ceux qui sont animés par une force centrifuge, il y a la volonté de faire accroire que cette droite de Laurent Wauquier ne sera plus la vraie droite mais dénaturée, impure, excessive et que les "fondamentaux" de cette dernière seraient transgressés. Mais lesquels ?

Serait-il absurde de s'efforcer déjà de partager la pertinence et la légitimité du pavillon, des concepts sous lesquels l'intelligence et la morale conservatrices ont à se développer ? Liberté, efficacité économique, identité, autorité, spiritualité, équité (je la préfère à la grisaille et au nivellement de l'égalité), unité, réalisme : des exigences dont il restera à décliner l'opératoire mais ce ne sera pas une tâche impossible pour une réflexion collective de bonne foi.

À une double condition.

C'est à la droite d'élaborer sa pensée, son programme, les avancées auxquelles elle aspire, sa vision sociale, son projet culturel : elle n'a pas à laisser la gauche lui imposer subtilement ou ostensiblement l'image que cette dernière voudrait avoir d'elle, lui dicter sa substance et son avenir. En la gangrenant surtout par une mauvaise conscience qui lui interdirait d'être elle-même. La droite largement entendue est majoritaire dans le pays mais ses bagages sont emplis de denrées de gauche alors même que celle-ci est politiquement défaite et à terre.

Il convient aussi de sortir de cet étau qui revient à culpabiliser la droite dès lors que naturellement, par exemple sur le plan de la sécurité, de la justice, de l'immigration, de l'éducation, de l'autorité de l'État, elle a des analyses et propose des solutions qui peu ou prou sont similaires à celles de l'extrême droite. Sur ces sujets, il ne peut pas y avoir de gouffre entre LR et le FN et le premier doit à tout prix résister à une pression qui lui interdirait, pour certains thèmes, d'avoir une cohérence et une vision de droite au prétexte que l'extrême droite dirait comme lui que le soleil chauffe ou que la pluie mouille.

La droite n'a plus à se repentir d'être de droite. Si elle porte comme un fardeau le péché dont la gauche l'accable et ses similitudes inévitables avec le FN, elle perdra. Et ce n'est alors pas demain qu'elle offrira une authentique alternative à l'ambiguïté macronienne redoutablement habile.

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Philippe Bilger
Magistrat honoraire - Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

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