Un peu d’économie simplifiée pendant les vacances (pour qui en prend) (1)

Si nos contemporains se détournent - bien à tort - de la chose économique, c'est que celle-ci leur est présentée trop souvent de façon assommante par des "experts", qui dissèquent l'instant financier en oubliant l'essentiel. Ces Diafoirus étalent leur parisienne et télévisuelle technicité, fouillent les détails, s'y perdent eux-mêmes.

Puis, souvent sans lien avec ce qu'ils ont longuement développé auparavant, parlant vite et avec assurance, chiffres et sigles à l'appui, ils consentent à reconnaître qu'il faut réduire le chômage... Sans pour autant dire comment s'y prendre ou, parfois, en assurant simplement qu'il suffirait de réduire les déficits budgétaires et les prélèvements obligatoires pour rétablir la "compétitivité française". N'y a-t-il pas, au passage, une contradiction entre réduire les déficits et réduire les prélèvements?

Je propose aux lecteurs estivaux de méditer par eux-mêmes les quelques informations et réflexions, simplifiées par la chaleur, qui suivent.

1) Comment se fait-il que, la plupart du temps, dans les gros traités d'économie, ni l'économie ni sa finalité ne soient définies ? Comment peut-on pratiquer une science dépourvue d'objectifs ?

2) Pourquoi la distinction, voire l'opposition que chacun ressent sans savoir l'exprimer, entre finance et économie réelle est-elle si peu débattue, avec les conséquences que cela entraînerait nécessairement ? Le citoyen moyen finit par céder aux discours matraqués (notamment à la radio et dans les hebdomadaires) sur l'inéluctabilité de la finance, voire le prestige et les bons retours économiques qu'il y aurait pour la place de Paris à suborner les banques de la City, après le Brexit.

3) Et, d'ailleurs, l'affirmation antique d'Aristote selon laquelle la finance (krématistikê) ne fait pas partie de l'économie (oekonomikê), voire n'a rien à y faire puisque "l’argent ne fait pas d’argent", n'est plus jamais au centre des débats alors que le prêt à intérêts (ou au moins l'usure) fut prohibé longtemps par le christianisme et l'est encore par l'islam. Pire : on l'a vu aux États-Unis durant la crise des subprimes, il existe une quasi totale liberté et impunité pour la finance et la Bourse ; 40 millions d’Américains perdirent leur maison puisque le système impitoyable avait autorisé les placements et emprunts par téléphone, les taux variables, l'usure (jusqu'à 120 %…) (J.E. Stiglitz, Le Triomphe de la cupidité, 2010, Éditions Les liens qui libèrent) et les saisies immobilières ultra-rapides.

4) Contrairement à une idée matraquée, le PIB français :
- est faussé par le fait qu'il intègre les revenus de la spéculation financière,
- est faussé par le fait qu'il est donné en valeur absolue alors que, si on le rapporte à la population, il est, en euros constants, au même niveau qu'en 2005, et bien plus bas si on le corrige en lui appliquant la hausse des prix, importante de 2005 à 2012.

5) Quant aux vrais chiffres du chômage et des vies brisées : 6.567.000 privés d'emploi et travailleurs occasionnels officieux, toutes catégories confondues + 4.500.000 environ d'invisibles qui n'entrent pas ou plus dans ces catégories (source Agoravox). Un total de 10 millions de Français, auxquels on ajoutera les millions de travailleurs pauvres.

6) Il faut ajouter (coïncidence, cause ou conséquence ?) la régression générale des moyens de production :
- disparition d'exploitations agricoles : la France compte, aujourd’hui, cinq fois moins d’exploitations qu’en 1955. Il en disparaît des milliers chaque année, concurrencées par les giga-agro-entreprises est-allemandes et leur main-d’œuvre de travailleurs détachés ; victimes aussi de la politique de la France avec la Russie et de l'euro fort.
- effondrement de la part de l'industrie dans le PIB : environ 30 % dans les années 80, 18 % en 2005, 12 % désormais ...

Henri Temple
Henri Temple
Essayiste, chroniqueur, ex-Professeur de droit économique, expert international

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