Accueillant Eugène Labiche, le maître du vaudeville, à l'Académie française, en 1880, John Lemoinne, journaliste et diplomate, présentait ainsi les raisons de son succès : « Les ridicules, grands et petits, et les infortunes qui caractérisent ses comédies resteront de tous les temps, de tous les jours et de toutes les sociétés. Ses pièces sont durables parce qu'elles reposent sur des caractères qui ne changent pas : les vaniteux, les imbéciles, les poltrons et les pédants sont de tous les temps, et le rire qu'ils soulèvent est éternel. »

Pas de doute, les aventures vaudevillesques des barons de la NUPES auraient donné bien de la matière à Eugène Labiche pour peindre ses savoureux tableaux de mœurs. Le bobo insoumis se substituant au « bourgeois philistin », il aurait suffi de reprendre quelques-unes de ses pièces pour les remettre au goût du jour : La main leste, Doit-on le dire ? ou encore Exposition des produits de la République.
Tout avait pourtant si bien commencé pour la coopérative lancée par Jean-Luc Mélenchon au printemps 2022. Un business-plan en or basé sur la stratégie Terra Nova, et hop ! cent cinquante et un députés à l’Assemblée éructant, insultant, menaçant. La révolution était en marche.

C’était sans compter sur la comédie humaine et ses petitesses dont Labiche savait nous amuser. Une gifle, des accusations de harcèlement, une justice révolutionnaire qui se grippait et l’aventure « nupienne » virait à la farce bouffonne.

Le Líder Máximo, issu d’un monde patriarcal révolu dont il a manifestement conservé des stigmates, n’y comprenait plus rien : « Chez les lambertistes, où il a été trois ans, à Besançon à la fin des années 1960, il n’y avait que des mecs, c’était très misogyne », explique un ancien militant trotskiste cité par Marianne. Une autre ajoute que Mélenchon a malgré tout réussi à évoluer sur la question féministe alors qu’il venait « des Trente Glorieuses, des années misogynes et machos ».

Dans l’affaire Quatennens, après que Mélenchon s'est pris les pieds dans le tweet, la militante féministe Caroline De Haas l’avait durement recadré : « Si c’est trop dur parce que l’intime et le politique sont trop mêlés, tais-toi. Tout simplement. » Celui qui se voyait en nouveau Robespierre allait-il apparaître désormais, aux yeux des siens, comme un vieux réac dépassé qu’il faudrait gentiment pousser vers la sortie ?

En tout cas, chez les « Nupiens », ça sent désormais la purge à plein nez. Le député LFI Manuel Bompard, qui a laborieusement expliqué qu’« une gifle n’est jamais acceptable, mais elle n’est pas égale à un homme qui bat sa femme tous les jours », aura certainement droit à la prochaine charrette. Les têtes n’ont pas fini de rouler dans les semaines à venir sur fond de guerre des chefs.

Bompard avait pourtant tenté de se disculper en prenant appui sur une invention féministe qu’il faudrait absolument soumettre au concours Lépine : le « violentomètre ». « Une graduation colorée par 23 exemples de comportements types qu’un partenaire peut avoir », nous apprenait Libération, le 26 septembre dernier. Problème : il semble exister plusieurs versions de l’outil et on ne sait pas vraiment où se situe la gifle. 18e ou 20e rang sur 23 ? Pas clair. En revanche, les réactions déchaînées étaient parfaitement claires, l’animatrice de radio Émilie Mazoyer répliquant : « Bande de sal… qui se serrent les coudes, on vous voit. » Un gros travail de rééducation attend manifestement les mâles blancs de LFI qui survivront à l’épuration.

« La Révolution dévore ses propres enfants », avait pourtant averti le député girondin Pierre Vergniaud, qui finira lui-même guillotiné en 1793. Mélenchon a toujours eu une tendresse particulière pour Robespierre, qu’il considère injustement jugé. En novembre 2015, dans un entretien à la Revue des deux mondes, il expliquait : « La violence est partout dans la Révolution ! Il n’y a pas de « gentils ». […] Je n’ai jamais cru à la légende de Robespierre monstre sanguinaire. C’est une histoire reconstituée. Tout le monde est violent, dans la Révolution. »

Ce que Mélenchon ne soupçonnait pas à l’époque, c’est que le prochain Robespierre, qu’il rêvait d’incarner, serait probablement une femme. Sandrine Rousseau, qui vient d’avoir la peau de Julien Bayou, en prend le chemin pavé de victimes expiatoires. Et à regarder les petits marquis de la NUPES défiler les uns après les autres devant le tribunal révolutionnaire, on se dit que, finalement, Marx avait raison : l’Histoire se répète toujours, la première fois comme une tragédie, la seconde fois comme une farce.

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30 septembre 2022 à 20:35

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24 commentaires

  1. J’ai lu dans Valeurs Actuelles l’article sur Mussolini et la marche sur Rome. En lisant, j’ai remplacé Mussolini par Melanchon, je crois que c’était son rêve de faire comme Mussolini Les black blocs s’ingénient à agresser mais seraient bien incapable de lancer une manifestation monstre.

  2. Il est grand dommage que les « purges », auxquelles il est fait référence dans cet article, ne soient pas suffisamment staliniennes. Elle ne se termineront pas dans un camps de travail à perpétuité, ou mieux ! Dans la descente d’un célèbre escalier bien raide aux marches étroites. Que voulez vous, tout fout le camp.

  3. Rousseau ne finira pas comme Robespierre , ,la guillotine n’est plus de saison.Comme Trotsky c’est envisageable ,et même souhaitable.

  4. Dans les années 60, lors des patronages, j’ai connu, pour aider le curé, les dames-patronnesses, vieilles filles aigries prêchant la vertu sous toutes ses formes (elles nous obligeaient à faire la sieste avec les mains au-dessus de la couverture, comme dans la chanson de Sardou, « des fois qu’on aurait des idées!!!… »). J’ai compris plus tard que la plupart étaient des lesbiennes et détestaient l’homme et la masculinité. Les années 70 avec la libération sexuelle avait eu raison des ces harpies enjuponnées qui s’étaient réfugiées dans une assoce nouvellement créée, le MLF (j’en ai connu).
    Nous vivons 50ans après la revanche des dames-patronnesses.

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