Darmanin, l’adversaire et l’ennemi

Capture d’écran (260)

Interrogé, ce mardi 5 juillet, par l'élégante Apolline de Malherbe, Gérald Darmanin était venu avec un solide bagage philosophique. La dernière fois que la journaliste l'avait reçu, il avait, on s'en souvient, répondu avec une rare vulgarité « Calmez-vous, Madame, ça va bien se passer ». Portée par plusieurs siècles de fierté, Apolline la bobo était redevenue Madame de Malherbe en une demi-seconde. Droite comme une lame et froide comme la mort, elle avait symboliquement écrabouillé le petit politicard de Roubaix juché sur son arrogance de celui qui a réussi trop vite. Pour le match retour, Gérald, donc, avait plutôt intérêt à assurer.

« Bagage philosophique », donc, puisque Darmanin avait appris une distinction importante : celle qui sépare l'adversaire de l'ennemi. Le ministre a donc probablement lu Carl Schmitt et Julien Freund. Il a potassé ses fiches dans la Vel Satis. Mais bon, que voulez-vous, quand on n'a pas l'habitude, on récite mal. Ainsi, donc, les « adversaires » de la Macronie seraient LR ou le PS, tandis que ses « ennemis » seraient LFI et le RN, qui ne sont, d'après son patron, « pas des partis de gouvernement ». Un adversaire, si on comprend bien la pensée complexe du ministre de l'Intérieur, c'est quelqu'un avec qui on n'est pas d'accord mais avec qui on peut discuter, « au cas par cas », « texte après texte », dit Olivier Véran. Un ennemi, en revanche, c'est quelqu'un qui vous est totalement autre, ontologiquement. Quelqu'un avec qui aucune discussion, aucun compromis n'est possible.

Darmanin n'est pas allé au fond des choses. Il s'est contenté des éléments de langage. Bruno Le Maire, normalien et germaniste, aurait sans doute fait mieux, mais il a un peu de travail en ce moment. En réalité, nos ennemis comme nos adversaires nous définissent. Ils disent ce que nous sommes, ce qui est pour nous infranchissable, ce dont nous avons peur. Ils sont notre ombre, en quelque sorte, comme aurait dit Carl Jung. Ils doivent être choisis avec soin, disait Nietzsche, car ils nous font grandir. La distinction pédante entre ennemi et adversaire n'a pas vraiment lieu d'être en politique, sauf à considérer que, décidément, nous sommes devenus le pays des accommodements, comme le prince Salina le disait de l'Italie dans Le Guépard. Darmanin dit « adversaire », il veut dire sparring partner [partenaire d'entraînement, NDLR]. Nous sommes entrés dans l'ère du catch politique, surjoué, spectaculaire, plein de coups de menton et de punchlines, mais réglé d'avance et dont les protagonistes sont bons camarades.

Bref ! Outre sa discutable capacité de réflexion, le ministre a également méprisé, dans la plus pure tradition macronienne, des millions d'électeurs - ceux qui ont voté pour les tenants des deuxième et troisième places à la présidentielle, ceux qui ont voté pour les principales forces d'opposition à l'Assemblée nationale. Ils n'en sont pas à leur coup d'essai, mais cela mériterait peut-être un léger coup d'arrêt. Cette arrogance ne se justifie en aucun cas. Les macroniens ne sont ni plus intelligents, ni meilleurs, ni plus habiles débatteurs, ni meilleurs connaisseurs des dossiers que leurs opposants de LFI ou du RN. Tout ce qui les rend si conscients de leur importance, ces trentenaires en costume trop petit, ces quadras déjà morts de l'intérieur, ces stagiaires d'école de commerce, ces boutiquiers ridicules, c'est leur conviction de représenter le camp de la raison, « le cercle de la raison », dit Alain Minc. C'est de plus en plus léger, de plus en plus fragile. On a l'impression d'être - en exagérant un peu - dans le film La Chute, en pleine fiesta dans le bunker. Que personne ne s'avise de dire à ces dignitaires finissants que, dehors, l'orage gronde et que la défaite s'approche. Ils en mourraient de peur.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

37 commentaires

  1. Une véritable tête de fourbe, cet individu. Et je le préfère en ennemi qu’en ami. Au moins, les choses sont claires si l’orage grondant venait à se muer en une dévastatrice vindicte populaire comme le pays n’en a point connu depuis très très longtemps.

    • Effectivement parce qu’avec un ami comme ça on a vite le couteau planté dans le dos. Il n’y a qu’à voir à quelle vitesse il a retourné sa veste pour se gaver de bonne soupe macronienne…. Et il le refera quand la soupe changera de gamelle…. Par contre silence assourdissant sur son comportement déplacé vis à vis des femmes avec lesquelles ils marchandent ses faveurs politiques…d’ailleurs il n’a rien d’autre à proposer ….

  2. Monsieur Darmanin, plutôt que de vous acharner sur les braves gens qui ne sont pas de votre avis , en temps que ministre de l’intérieur, si vous vous acharniez sur les bandes de voyous qui terrorisent nos population ?

  3. Voilà qui en dit long, sur le sens de la démocratie politique qui habite cet individu. Le respect le plus élémentaire du verdict des urnes lui est totalement étranger. Il dit que nous sommes ses ennemis. Qu’il se rassure, nous en avons autant à son service, et nous avons à son égard une réserve inépuisable de mépris.

  4. Donc pour résumer les Marcheurs qui piétinent la république depuis 6 ans sont cernés par 40% des mauvais français (ceux qui votent pas comme ils auraient souhaité)

  5. Votre article serait encore plus adapté s’il ne comportait pas de mots ou expressions étrangères. Il serait grand temps que les journalistes français, de quelque obédience soient-ils, abandonnent cette fâcheuse et mauvaise habitude d’émailler leurs dires ou leurs écrits d’un « franglais » malvenu.

  6. Un président élu avec une abstention remarquable reste un pseudo président.
    Ses ministres aux ordres, gamelle oblige, sont des lèches bottes qui oublient tel le sinistre de l’intérieur que RN et LFI représentent des millions de français sur lesquels ils crachent sans vergogne. Comme Jésus, judas a assuré sa descendance apparemment. Un ministre pédant, suffisant et menteur n’a rien à faire au gouvernement. Seulement là c’est une farce théâtrale intitulée  » au Pays de la Macronie ».

  7. Mr DARMNIN vous feriez mieux de vous fixer comme ennemis tous ces voyous de « tous poils » qui polluent la vie des Français et laisser tranquille les élus RN désignés démocratiquement qui sont simplement vos opposants car êtes vous certain de détenir le bien et le mal ??

  8. Ces déclarations indignes d’un ministre mais à l’image de son chef le rendent encore plus méprisable qu’il ne l’était auparavant, et ce n’est pas peu dire – je me permtes de lui conseiller de poursuivre sur cette ligne, les patriotes arriveront plus vite au pouvoir.

  9. Chacun de nous distingue l’adversaire contre qui l’on joue un match de l’ennemi que l’on tient à distance des armes dont on dispose. Cependant notre civilisation est profondément marquée par l’ordre donné par Jésus-de-Nazareth : « Aimez vos ennemis ». Ce message rend bien fragile le combattant de la foi chrétienne et perdu d’avance le combat . A l’inverse, le Livre Saint de Mohamed ordonne de tuer par égorgement le Juif et le Chrétien . Au moins est-ce clair et imparable . Luttons à armes égales .

  10. Honteux que Darmanin soit resté au gouvernement avec un portefeuille élargi en plus : expliquer à nos jeunes que le mensonge ne paie pas relève d’un exploit maintenant

  11. Le pédant Gilles Le Gendre avait dit : « Nous avons été, probablement, trop subtils, trop intelligents » !! Il n’a pas dit « face à la racaille » mais c’était le sens. Darmanin ne dit pas autre chose en qualifiant des dizaines de millions de Français d’ennemis du gouvernement. Non seulement il aurait dû être viré comme un malpropre après sa rafale de mensonges éhontés sur l’affaire du stade de France, mais encore, il a pris du gallon. C’est ça le gouvernement Macron, plus c’est crasse plus ça passe.

  12. Darmanin qui n’a jamais brillé par son intelligence, joue parfaitement son rôle de « Fou du Roi », c’est un roquet sans foi ni loi prêt à tous les coups tordus pour son intérêt et dans l’immédiat ceux de son maître.

  13. La parfaite illustration de la mauvaise – foi de la part du ministre de l’intérieur a été donnée avec la dernière manifestation sportive où il a osé imputer la faute aux visiteurs anglais. Nul doute que ses manœuvre politiciennes lui aient jusque là été bénéfiques mais cette fois il a atteint le ridicule..si bien que faire partie de ses ennemis est davantage un compliment qu’une offense.

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