Danton-Robespierre : une pièce dans laquelle on ne coupe pas seulement les têtes

Robespierre

Peut-être est-ce anecdotique, peut-être pas…

Arrive dans ma bonne ville de Toulon une pièce écrite voilà quelques années et qui se jouait, cet été encore, dans le Off d’Avignon. Son auteur est Hugues Leforestier. Le titre : Danton-Robespierre : Les racines de la liberté.

La pièce s’inscrit dans la lignée des grands duos de l’Histoire, en vogue depuis une bonne vingtaine d’années. On se souvient du Souper avec Talleyrand et Fouché, de la rencontre Napoléon-Metternich ou, plus récemment, de Diplomatie où André Dussolier, dans la peau du diplomate suédois Raoul Nordling, tente de dissuader le général allemand von Choltitz, incarné par Niels Arestrup, de détruire Paris.

Cette fois, les racines de la liberté sont à chercher dans la Terreur, une théorie que ne renierait pas le cher Mélenchon qui voue à Robespierre un amour jamais démenti. L’auteur expose ainsi son propos :

« La scène se déroule le 22 mars 1794. La révolution bourgeoise de 1789 est bien loin. Il n'y a plus de roi, plus d'église, la guerre est partout, aux frontières comme au cœur du pays. La spirale de la violence et de la terreur s'est ouverte. Danton et Robespierre, les deux géants de la Révolution, se rencontrent pour un ultime face-à-face. Leur affrontement va décider de l'avenir de la France mais aussi de leur avenir personnel. À l'ombre de la guillotine s'ouvre une lutte fratricide autour des valeurs de liberté et d'égalité, éclairées par un espoir fou de fraternité.
Entre Danton, géant excessif et spontané, amoureux du plaisir, et Robespierre, ascète élégant et réfléchi, philosophe de la Révolution, va se jouer un duel à mort. Deux conceptions de la vie, deux visions du bonheur séparent ces deux amis de légende. »

J’avoue avoir un peu de mal avec ce portrait d’un Robespierre « ascète élégant et réfléchi », preuve sans doute qu’il peut y avoir dans le trancher de tête une forme d’art qui m’échappe. Mais c’est sans doute aussi la raison pour laquelle, dans un souci d’« intersectionnalité » au goût du jour, le personnage – qu’on avait l'habitude de voir assez couillu – est incarné par… une dame : Nathalie Mann.

L’actrice, nous dit-on, a été « nominée aux Molières 2015 » (on dit « citée » et pas « nominée », qui est un anglicisme détestable) pour Brigade financière et Le Projet Poutine, du même auteur, avec le même duo de comédiens : Nathalie Mann et l’auteur, Hugues Leforestier.

Confier le personnage de Robespierre à une femme est une idée surprenante à plus d’un titre.

Ainsi les féministes ont-elles depuis toujours déploré le fait qu’on ait fait autrefois interpréter les rôles féminins par des hommes, interdisant au sexe dit faible de se produire sous les feux de la rampe. Surtout, les femmes étant là encore réputées incarner la douceur, les valeurs de tolérance ou la compassion, on s’étonne d’en voir une incarner le théoricien de la Terreur, celui qui régnait sur le Comité de salut public, lequel a envoyé à la guillotine des dizaines de milliers de citoyens… dont Robespierre lui-même.

Au-delà de cette distribution surprenante où le héros est symboliquement castré, le propos (la Terreur) nous renvoie aux folies du temps actuel où règnent pareillement suspicion et délation ; un temps où l’on dissèque les propos pour y déceler des intentions cachées et où l’on voit poindre de nouveau le despotisme de la transparence. Il faut se souvenir des propos de Saint-Just à la tribune : « Soulevons le voile qui cache les complots ; épions les discours, les gestes, l’esprit de suite de chacun. » Nous y sommes !

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Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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