Comme on scrute la fumée s'échappant de la chapelle Sixtine, nous passons notre mois de janvier à suivre jour après jour les tweets du Premier ministre pour deviner quelle sera la décision du gouvernement sur l'aéroport controversé de Notre-Dame-des-Landes. Il passe ses journées en consultations, en écoutes, et ses nuits à lire des rapports.

Mais en fait, tout ça, c'est du théâtre : la décision est prise et nous a été révélée par le tweet de Jean-Jacques Bourdin, le 4 janvier, annonçant l'abandon. Démenti, certes, mais on sait que M. Bourdin, c'est la pythie de la République. Ou plutôt son concierge. Il reçoit, il annonce, il consulte, il entre en transe pour nous révéler les vérités changeantes de nos petits dieux.

Faux suspense, donc, que ce ballet de M. Philippe car le projet d'aéroport sera abandonné pour les raisons politiques suivantes :
- Philippe de Villiers y est opposé (et il l'a dit au micro de Boulevard Voltaire) ;
- les écologistes et Nicolas Hulot aussi ;
- MM. Hollande, Ayrault et quelques autres y étaient favorables.

Pour le nouveau pouvoir de MM. Macron et Philippe, les deux plateaux de la balance ne s'équilibrent pas et l'occasion est trop belle d'agréger derrière leur majorité du « en même temps » des souverainistes, des Verts, des mélenchonnistes et des écolos. Et de continuer à surjouer l'anti-Hollande. Ah, si François Hollande n'avait pas existé, il aurait fallu l'inventer. Il en aura rendu, des services... M. Macron a même fait aménager une chapelle particulière à l'Élysée pour venir réciter sa prière et allumer son cierge tous les soirs sous son portrait.

Autre indice : Le Figaro a bien noté que M. Le Drian, pourtant issu de ce monde Hollande-Ayrault qui nous semble aussi englouti que celui de MM. Coty et Mollet, et donc fervent partisan historique de cet aéroport, avait mis, depuis sa conversion macronienne, beaucoup d'eau dans son cidre. "Jean-Yves Le Drian ménage ses arrières, maintenant qu'il est dans le gouvernement d'Emmanuel Macron. C'est un opportuniste, prêt à tout pour rester au gouvernement", précise, au Figaro, un de ses petits camarades de la folle équipée Hollande.

Donc M. Philippe instrumentalise à plein régime cette décision « si difficile à prendre » mais qui lui donne cet air de gourmand qui n'en finit pas de faire des manières avant de croquer la pomme : il adore ça, les décisions qui vont vous faire aimer des royalistes et des zadistes du bocage et vous faire haïr des élus de l'ancien monde façon Jean-Marc Ayrault. Et, surtout, vous mettre dans la poche cette catégorie non négligeable : le peuple.

Ce samedi, il a effectué une visite surprise dans le village, y a rencontré le maire et a immédiatement tweeté des photos de sa visite qui en disent long : le panneau de la commune dans la brume du petit matin, le café dans la salle de la mairie avec l'évier et la table en formica comme décor. La France profonde, celle qu'il a condamnée la veille au 80 km/h et qui devra encore débourser des millions d'euros dès qu'elle sera prise à 86 km/h.

Cette France-là, ce peuple - et MM. de Villiers et Hulot - valent bien l'abandon d'un aéroport.

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13 janvier 2018 à 18:00

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