Corse : oui, mais…

Mes précédentes tribunes sur la Corse m’obligent à commenter la récente visite du président de la République sur l’île. M’étant déjà abondamment exprimé sur la question corse, je me bornerai à l’essentiel.

OUI, il y avait fort longtemps que les Corses n’avaient entendu résonner d’authentiques paroles de chef d’État. Les loyalistes corses se sentent confortés dans leur francité consubstantielle par l’affirmation d’une Corse "cœur de la République", et envoyée toutes affaires cessantes en mission en Méditerranée. L’autorité tant attendue de l’État est de retour. Le drapeau tricolore retrouve sa préséance naturelle qu’il n’aurait jamais dû perdre. La solidarité nationale est réaffirmée et relancée. Les séparatistes sont remis à leur place. Peut-être vont-ils enfin faire le tri entre leurs rêves et les réalités. Ils doivent admettre que les électeurs ne leur ont confié que le pouvoir administratif et nullement un pouvoir constituant. Les résultats des dernières élections territoriales sont sans appel à cet égard, pour peu que les divers commentateurs cessent d’être autistes et consentent à se plier à une analyse sérieuse du scrutin. Mais, étrangement rarissimes sont ceux qui se soumettent à cette exigence démocratique. Alors, rabâchons une fois de plus les chiffres de l’élection territoriale qui a porté au pouvoir les séparatistes. Il importe d’insister avant tout sur la désaffection citoyenne sans précédent de 50,63 % du corps électoral (47,37 % d’abstentions et 3,26 % de blancs et nuls). C’est la donnée capitale de la question. Bien qu’impressionnant, le score de 56,46 % des séparatistes ne peut occulter qu’ils n’ont ainsi obtenu l’adhésion volontaire que de 26,18 % des inscrits, soit un insulaire sur quatre. Dès lors privés du sésame de l’onction populaire, les séparatistes ne peuvent prétendre s’exprimer au nom de ce qu’ils appellent le peuple corse, ni a fortiori exiger une mutation constitutionnelle, malgré la concession, peut-être en guise de leurre, d’une éventuelle inscription de la Corse dans la Constitution.

C’est le MAIS du propos. Les insulaires n’ont pas la mémoire courte. Ils se souviennent que ce concept a été inventé en 1998 pour permettre à la lointaine Nouvelle-Calédonie de sortir de la République. Aussi ne cadre-il pas manifestement avec l’affirmation, en préambule du discours présidentiel, d’une Corse "cœur de la République". Échaudés par quarante années d’expédients statutaires, les Corses ne veulent pas de ce saut constitutionnel, réclamé par les séparatistes et leurs compagnons de route pour satisfaire, par la bande, leurs égoïstes ambitions personnelles que leur barre le suffrage universel. Y donner suite serait mettre le doigt dans l’engrenage fatal d’une machine à surenchères institutionnelles sans fin, avec à la clé le délitement de la France, dont le spectre contagieux plane déjà. Grande bénéficiaire de la solidarité nationale, la Corse serait ruinée par ce désastre.

Pour finir, qu’il soit permis à l’auteur une métaphore spirituelle, historiquement fondée. La France figure un chapelet dont l’enfilement des grains les plus divers a demandé quinze siècles d’efforts politiques obstinés. Officiellement consacrée à la Vierge Marie, la Corse ne peut avoir vocation à être le grain qui s’échappe et dévide le chapelet.

Michel Franceschi
Michel Franceschi
Général de corps d'armée (2s) - Parachutiste des Troupes de Marine

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