Corées : nouvelle ère des matins calmes ou poker menteur ?

La rencontre spectaculaire des deux présidents coréens qui se congratulent tout sourire en faisant des petits allers-retours très symboliques nord-sud ne manque pas de susciter interrogations, voire incrédulité. La ligne de béton qui marque la frontière n’est pourtant pas près de sitôt d’être passée au bulldozer.

Nombres d'analystes, comme en est convaincu l'acteur principal Donald Trump, pensent que les menaces envoyées en réponse aux fanfaronnades guerrières de Kim Jong-un furent essentielles à cette décompression diplomatique, survenant après 65 ans de belligérance potentielle. Les gesticulations et importantes manœuvres militaires des alliés locaux durant 2017 faisaient réponses aux essais et tirs de missiles balistiques de la Corée du Nord.

La détente apparente et soudaine qui précède une éventuelle prochaine rencontre entre les deux ennemis peut cependant être entendue autrement.

Comme le rappelait Nicolas Gauthier dans ces lignes, l'atome est le sésame qui a permis à un pays, enfermé dans un État dictatorial et reclus, d'accéder et paraître à la table mondiale et de jouer, si j'ose dire, dans la cour des grands. Toutes proportions gardées, le développement de la force de frappe française procédait, naguère, de cette même volonté de s'abstraire du parrainage pesant de l'Oncle d'Amérique et gagner une indépendance solennelle. Le principe fondamental de la puissance nucléaire, "réponse du faible au fort", est parfaitement illustré qui a hissé l’« État ermite » au rang de partenaire mondial. Le multilatéralisme cher à Macron trouve ici un nouveau et inattendu partenaire....

Cependant, à l'évidence, la Corée du Nord n'a pu développer sa puissance nucléaire sans l'aide directe ou parallèle d'amis ou protecteurs attentifs. La Chine, en particulier, parrain vigilant pendant ces 65 ans d'armistice, a indéniablement contribué à cette ascension, lui permettant de se présenter en pays voisin et égal à son homonyme du Sud. Et de demeurer indépendant !

L'ouverture de Xi Jinping à des rencontres internationales destinées à modérer les turbulences ou velléités agressives de son petit voisin ne semble que belle manœuvre subtile pour défaire l'influence et la présence militaire des États-Unis en Asie-Pacifique, et particulièrement en mer Jaune.

En effet, comment admettre, pour le maître de Pékin, la présence de plus de 25.000 soldats américains sur le sud de la péninsule et la présence permanente de la VIIe flotte avec son porte-avions et l'armada d'une soixantaine de bâtiments de surface et sous-marins dans ce qu'il considère comme son espace maritime ?

Par ailleurs, aussi bien la Corée du Sud que le Japon devaient s'inquiéter du risque grandissant de déflagration qui menaçait leurs nations respectives avec les tweets rageurs et autres proférations guerrières des deux antagonistes survitaminés..

Tant que l'Amérique restera déployée en Asie-Pacifique, la dénucléarisation de la péninsule demeurera un mirage, en dépit des récentes déclarations coréennes, car Kim Jong-un y perdrait évidemment tout son crédit et son pouvoir.

L'intérêt commun de toutes les parties locales concernées est donc bien la disparition de la puissance militaire américaine déployée et visible dans cette partie du monde. Et alors sans doute, et seulement sous cette condition, la Corée du Nord entamera sa désescalade nucléaire…

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Henri Gizardin
Ancien pilote de chasse - Son blog.

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