Ce qui se joue vraiment derrière l’entente entre les deux Corées
Après ceux de 2000 et de 2017, un troisième sommet intercoréen vient de s’ouvrir ce vendredi. Si les deux précédents n’ont abouti qu’à des déclarations de pure forme et autres vœux pieux, telle la volonté de Séoul de voir son puissant voisin renoncer à son programme nucléaire, celui-ci paraît autrement plus sérieux, ne serait-ce qu’en raison du maintien du programme en question.
En effet, et ce, à l’inverse de nombre d’idées reçues, ce n’est pas parce que l’on est un dictateur qu’on en est pour autant fou ou inculte. C’est même parfois le contraire, surtout pour ce qui concerne Kim Jong-un, qui a bien compris que les funestes destins d’un Saddam Hussein ou d’un Mouammar Kadhafi auraient été tout autres s’ils avaient détenu l’arme atomique. Pour le régime nord-coréen, cette assurance-vie était donc le préalable à toute forme de négociation digne de ce nom.
Une réunification des deux Corées, séparées depuis 1953 - au terme d’un conflit de trois ans -, est-elle ensuite envisageable ? Rien n’est moins sûr, Kim Jong-un (et surtout le clan qui l’entoure) ne souhaitant évidemment pas que la Corée du Nord connaisse le sort de la République démocratique allemande, jadis avalée, noyée puis digérée par la République fédérale allemande. Soit une réunification dont la RDA a fait les frais, ayant dû, après l’euphorie due à la chute du communisme, adopter le mode de vie de l’Ouest, avec tout ce que cela comporte de lois sociétales émollientes et d’immigration de masse ; d’où les succès électoraux des populistes de l’AfD dans l’ancienne Prusse.
Cette défiance est, d’ailleurs, partagée par la Corée du Sud dont les mœurs ont toujours été plus douces et moins guerrières ; ce n’est pas pour rien qu’elle a été surnommée le pays du matin calme. Bref, les Nordistes sont des montagnards rugueux, adeptes d’une sorte de mysticisme à connotation racialiste – la fameuse doctrine du juche, même si, en l’occurrence, habillée de marxisme-léninisme – et les Sudistes, des gens du littoral autrement moins belliqueux et traditionnellement ouverts au monde extérieur. Pour incontournables qu’elles soient, ces différences culturelles n’excluent évidemment pas les possibles arrangements à venir qui devraient constituer l’essentiel de cette rencontre.
Ainsi, les deux parties en présence ne sont pas contre une coopération économique à laquelle Pyongyang s’est déjà préparée en permettant un timide et relatif essor de son secteur privé, même s’il n’entend pas adopter le modèle chinois de capitalisme d’État. Mieux : un réchauffement avec Séoul lui permettrait de réduire les coûts pharaoniques de son appareil militaire, tout en diminuant sa dépendance économique vis-à-vis de Pékin, accroissant de fait son autonomie politique.
Le calcul de Séoul n’est fondamentalement pas différent, puisque ce rapprochement rendrait plus ou moins caduque la très envahissante présence militaire du protecteur américain, même s’il est aussi à prévoir que Washington ne l’entende pas de la même oreille, surtout dans la perspective de la guerre larvée que les États-Unis mènent à la Chine depuis maintenant plusieurs décennies.
C’est dire si le résultat de ces discussions et la possible entente cordiale entre les deux Corées risquent de peser lourd sur les événements à venir dans la zone d’un Pacifique qui risque bien de porter de plus en plus mal son nom.
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