La mesure de confinement à laquelle la population est contrainte, outre les conséquences économiques extrêmement graves qu'elle pourrait avoir, entraîne la quasi-interruption des activités judiciaires. Ce qui pourrait sembler accessoire à la majorité de la population qui n'est pas concernée est, en réalité, grave, même si les cabinets d'avocats continuent de travailler comme ils le peuvent à distance.

Tous les tribunaux sont fermés. Seules les audiences relatives aux affaires qui présentent un caractère d'urgence se tiendront, et dans des conditions inhabituelles justifiées par la situation sanitaire. En matière pénale qui intéresse la sécurité de la population, cela peut poser une vraie difficulté. Si chacun comprend qu'il est possible de reporter des procès afférents à des affaires financières, à des accidents de la route ou même à des crimes et délits graves commis par des personnes qui sont en détention provisoire, c'est-à-dire hors d'état de nuire, il n'en va pas de même pour ce qu'on appelle les comparutions immédiates.

Quelques reportages nous ont montré qu'une partie de la population refuse le confinement, résiste aux injonctions des forces de l'ordre, et cette mesure n’arrêtera pas totalement la délinquance et la criminalité. Les criminels et délinquants interpellés doivent être déférés à la Justice dans des délais prévus, particulièrement contraints par le Code de procédure pénale, et il est impossible de modifier les règles applicables en la matière sans intervention du Parlement. En conséquence, ceux-là seront présentés à un juge et, éventuellement, placés en détention provisoire ou remis en liberté sous contrôle judiciaire, quand ils ne seront pas jugés immédiatement.

Les autres situations d'urgence, selon les circulaires qui ont été reçues par les professionnels, sont afférentes aux droits des étrangers, là encore pour les mêmes raisons de délais, aux mesures de protection urgente en matière familiale (qui pourraient se multiplier en raison du confinement) et aux mesures relatives aux mineurs en danger. Et, bien entendu, à tout ce qui, dans la vie quotidienne publique ou privée, pourrait nécessiter l'intervention immédiate d'un juge.

Cette interruption des activités judiciaires normales ne sera pas sans conséquence sur la vie quotidienne des Français. Même si la plupart d'entre eux n'en ont aucune conscience, l'activité judiciaire quotidienne est indispensable au bon fonctionnement de la société. Ainsi seront supprimées toutes les audiences relatives au contentieux de proximité, qui intéresse spécialement les particuliers, telles que celles relatives au crédit à la consommation, au crédit immobilier, aux expulsions et condamnations locatives, de même que les audiences devant le conseil de prud'hommes, qui sont généralement attendues avec beaucoup d’impatience par les salariés, les audiences commerciales et toute celles jugées par les tribunaux judiciaires.

Par ailleurs, un décret devrait être publié incessamment pour suspendre les délais de procédure et de prescription. Quand aucun huissier n'est disponible pour délivrer des actes, il devient impossible de mettre en place les actions judiciaires. La crise sanitaire ne permettra donc pas aux mauvais payeurs, aux locataires indélicats et, d'une manière générale, à tous ceux qui ont besoin de gagner du temps d'échapper à une action judiciaire.

L'interruption de cette activité aura des effets sérieux dans plusieurs domaines. Elle va entraîner, lors de la reprise d'activité des tribunaux, un engorgement qui nécessitera de renvoyer une grande partie des affaires en état d'être jugées à une date ultérieure. Et, comme pour une grande partie de la population, elle impose à tous les professionnels du secteur de mettre au chômage partiel leurs salariés, après une période de télétravail qui ne durera cependant pas indéfiniment.

Ce n'est qu'un aspect, certes, de la crise que nous traversons, mais l'interruption de service public de la Justice fera sans doute comprendre à nos concitoyens l'importance de son fonctionnement silencieux et régulier.

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18 mars 2020 à 19:55

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