Condamnation d’une étudiante musulmane estimant que Samuel Paty « méritait de mourir » : justice de l’émotion ?

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Une jeune femme, étudiante en biologie et musulmane, a été condamnée en comparution immédiate à quatre mois de prison avec sursis, assortis de l’obligation de suivre un stage de citoyenneté. Elle avait posté, sur Facebook, en commentaire d’un article de L’Est républicain qui annonçait un rassemblement à la mémoire de Samuel Paty : « Il mérite pas d’être décapité, mais de mourir, oui. » Dénoncée sur Pharos, elle a regretté son commentaire et présenté des excuses. Elle avait, d’elle-même, effacé son propos écrit trop vite, sous le coup de la colère. Le ministère public avait requis une peine de six mois avec sursis et 180 heures de travail d’intérêt général, arguant d’un « nous sommes dans un contexte où on ne peut pas écrire, dire n’importe quoi ».

Qu’il est choquant de lire, surtout quand l’auteur est un magistrat, qu’un contexte devrait moduler la liberté d’expression. La loi, stable dans le temps, est la même pour tous, le juge doit effectivement tenir compte d’un contexte particulier, celui de la commission du crime ou délit qu’il juge. Mais le contexte général doit-il influer sur la façon de lire les faits, la loi ,et la façon de l’appliquer à ces faits ? Bien sûr, les juges sont des hommes et il est parfois difficile de s’abstraire du contexte de nos quotidiens communs.

Petite perfidie, en passant : il ne semble pas que les appels aux meurtres envers les militants de la Manif pour tous aient déclenché le couperet de la Justice. Un certain Bruno Roger-Petit a même pu, malgré ses propos ignobles, travailler ultérieurement à l’Élysée pour un Président qui, paraît-il, souhaitait réconcilier les Français (Le Figaro, 28/4/2017). Deux poids deux mesures ?

Que l’émotion suscitée par l’attentat terroriste de Conflans soit grande, on peut le comprendre. Elle est peut-être même salutaire quand elle fait vaciller les présupposés « bisounoursiques » de la bien-pensance. Ses chantres refusaient de voir, jusqu’ici, l’horreur et surtout ses causes, et certains perçoivent (enfin !) que ni les bougies, ni les dessins, ni les marches blanches, ni les mot-clics de circonstance ne sauraient prémunir la société d’une récidive.

Cette même émotion ne devrait-elle pas interdire de juger en comparution immédiate des affaires trop liées à sa source ? L’équilibre de la balance des avantages (ne pas encombrer la Justice, la rendre rapidement, et le montrer) et des inconvénients (laisser le jugement être pollué par le contexte et l’émotion qu’il suscite, ne pas prendre assez de recul) est complexe à trouver, mais je crois que le droit du justiciable à un procès équitable pourrait y être menacé.

Et surtout, il y a cette liberté d’opinion et d’expression ballottée au gré des affects de chacun. Elle est sacralisée lorsqu’il s’agit d’être Charlie, mais un zélateur émérite de la Macronie suggérait, récemment, de modifier la Constitution pour que la loi Avia – ce projet liberticide contre la haine sur les réseaux sociaux – ne puisse plus être déclarée inconstitutionnelle. Et puis il y a les propos de cette jeune femme, objectivement une apologie de terrorisme, soit l’une des exceptions à cette liberté d’expression - ce que sanctionne la loi. Cette liberté doit impérativement être préservée face aux menaces qui émanent d’un pouvoir en place qui n’a que trop montré des prédispositions totalitaires et ses exceptions doivent rester aussi rares que possible. Reste qu’avec le terrorisme islamique, je demeure persuadé que la voie judiciaire est une impasse où notre pays se fourvoie. Et, surtout, personne ne mérite de mourir.

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