Commémorations Napoléon 1969-2021 : comment détruire l’histoire de France en 50 ans

Napoléon

En 1969, la France commémorait le bicentenaire de la naissance de Napoléon. En 2021, elle commémorera celui de sa mort. Mais elle pourrait tout autant commémorer la mort de sa légende, la mort de ses héros, la mort de son histoire épique qui aura été détruite dans le laps de temps qu'aura duré l'existence de l'Empereur.

En 1969, la France entière semblait prise d'une forme d'effervescence napoléonienne aiguë. À Ajaccio, le Président Pompidou commençait son discours en reprenant des paroles de Bossuet, prononcées lors des funérailles du Grand Condé : « Je me sens également confondu par la grandeur du sujet et, s'il m'est permis de l'avouer, par l'inutilité de son travail. » En quelques mots savamment choisis, le grand lettré qu'était Pompidou avait su résumer le sentiment collectif de l'époque face à la stature du grand homme, connu du monde entier, admiré partout pour son génie, mais avec un bilan final plus que contestable pour le pays. En 1969, la France entière n'était pas « napoléonienne », mais elle était patriote. En témoigne cette une de L'Humanité où l'historien marxiste Albert Soboul appelle les militants et sympathisants communistes à participer aux célébrations, au nom du patriotisme... En 1969, c'est la légende de la France que le pays tout entier célébrait, à travers la figure sublime de l'Empereur.

Les temps ont décidément bien changé, dans le ciel de l'Hexagone. Aujourd'hui, médias et bien-pensants passent leur temps à cracher sur Napoléon, dans une forme d'indifférence générale. Et de cracher sur quoi ? Non pas sur son bilan, qui bien sûr est sujet à caution, sur sa politique, que l'on peut contester, sur son bellicisme, qui n'est pas une qualité en soit : non, on le fustige pour cause de « racisme » et de « misogynie ». Le Napoléon de l'époque n'aurait pas été du tout un bon citoyen des années 2020, voilà ce qu'on nous ressasse, comme si l'on pouvait relire une époque lointaine avec nos lunettes d'aujourd'hui. Et, d'ailleurs, les avanies qu'on lui reproche sont fausses, au moins en partie : personne ne nous dit que Napoléon a fini par abolir l'esclavage en 1814, n'a édicté aucune loi raciale (l'esclavagisme n'était donc pas lié, dans son esprit, à une race en particulier). Quant à sa misogynie prétendue, elle ne dépasse en rien celle de nombre de nos politiques actuels. On oublie aussi bien vite le rôle de bâtisseur et d'administrateur de l'Empereur, fondateur de notre État moderne : sans être un « progressiste » à la mode de 2020, il aura apporté, lui, de vrais progrès pour le pays.

À cause des procès en sorcellerie intentés contre lui sur les plateaux télé, toujours par les mêmes, l'Empereur a donc dû attendre, depuis son mausolée des Invalides, que notre actuel Président daigne enfin déclarer qu'il consacrera un peu de son précieux temps à le célébrer. Il doit bien rire, de là où il nous regarde : qu'Emmanuel Macron se force à lui rendre hommage, c'est un peu comme si un joueur de National 3 se pinçait le nez pour faire l'éloge de Maradona au prétexte que sa vie était dissolue… Il viendra finalement, notre Président, certainement poussé par son aile droite, qui verrait cela comme une trahison. Sans doute son discours sera un nouvel exercice de « en même temps », pour éviter de trop fâcher son aile « progressiste », et sans doute le résultat sera bien loin du talent déployé en quelques mots par Pompidou en son temps.

Le plus triste, dans l'affaire, c'est de voir comment certains, largement surmédiatisés par rapport à leur importance dans le pays, s'acharnent à détruire la légende de la France, la patriotisme, et ce, jusque dans un temps où la plupart d'entre nous auraient bien besoin de se voir remonter un moral bleu-blanc-rouge en berne, à cause des mêmes qui crachent sur l'Empereur…

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Olivier Piacentini
Ecrivain, politologue

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